L’ouverture d’un premier procès à la Cour pénale spéciale (CPS), bien que tardive, constitue une étape marquante et, nous l’espérons, un grand pas vers une justice plus complète pour les victimes centrafricaines. Malgré les efforts des juridictions nationales ordinaires pour poursuivre, en l’absence d’une juridiction spécialisée effective, les auteurs des crimes les plus graves commis en RCA, les résultats restent insuffisants. En pratique, peu d’auteur·es sont amenés à répondre de leurs actes, les capacités humaines et financières sont limitées et la gravité des crimes internationaux n’est pas toujours adéquatement reflétée. Nos organisations notent cependant que le 19 avril 2022, alors que l’ouverture du procès devant la CPS était reportée, une session criminelle s’ouvrait à la Cour d’appel de Bangui impliquant plus de 120 accusé·es, après plus de deux ans d’arrêt.
Devant la Cour pénale internationale (CPI), également compétente pour connaître des crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés en RCA, quelques procédures sont en cours (contre trois anti-balaka et un Séléka), mais se tiennent à des milliers de kilomètres des victimes et des lieux où les exactions ont été commises. La CPS, en tant qu’institution basée à Bangui, composée de fonctionnaires nationaux·les et internationaux·les et supposée connaître tout particulièrement des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commis depuis le 1er janvier 2003, a donc vocation à jouer un rôle essentiel dans la lutte contre l’impunité des crimes perpétrés en RCA.
Aujourd’hui, ce sont des membres du groupe rebelle « 3R » (Retour, Réclamation et Réhabilitation) qui sont amenés à répondre de leurs actes devant les juges, Messieurs Issa Sallet Adoum, Ousman Yaouba et Tahir Mahamat. Ces derniers auraient commis des crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans les villages de Lemouna et Koundjili le 21 mai 2019, crimes que nos organisations ont contribué à documenter.
Demain, d’autres responsables devraient être visé·es, y compris des personnes occupant un rang plus élevé dans la chaîne de commandement de ce groupe ou de toute autre partie aux conflits ayant ravagés la RCA depuis le début du XXIe siècle. La CPS ayant été beaucoup critiquée pour sa lenteur et son manque de transparence, il est essentiel que l’ouverture de ce premier procès soit suivie d’efforts réels et visibles pour que d’autres auteurs viennent répondre de leurs actes.
Alors que tous les yeux seront tournés vers le déroulement de ce premier procès, dont les reports depuis l’ouverture officielle jusqu’à ce jour commencent à soulever de nombreuses préoccupations, nos organisations rappellent l’importance que les victimes puissent jouer un rôle central dans ces procédures, et que leurs droits soient respectés. Nous appelons également au respect du procès équitable et espérons que les conditions de travail de tous les acteurs impliqués dans le procès – une des raisons évoquée pour les reports - seront en accord avec les standards de droits humains. Nos organisations, engagées auprès des victimes centrafricaines dans ce procès, suivront avec grande attention la tenue des audiences.
Voir notre article "questions et réponses" pour en savoir plus sur la CPS, le procès et ce qu’il représente.