RDC : verdict dans l’affaire Chebeya / Bazana

Illustration : Rashbrax

Paris-Genève-Kinshasa, le 24 mai 2022. Près de 12 ans après la disparition des défenseurs des droits humains Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, la Haute Cour militaire a condamné en appel deux des exécutants de l’assassinat des deux hommes. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains - FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture - OMCT), l’Association africaine des droits de l’Homme (Asadho), le Groupe Lotus, la Ligue des électeurs et la Voix des sans-voix saluent ces condamnations et appellent à l’ouverture du procès du Général John Numbi, considéré comme le commanditaire de ces actes.

Le 11 mai 2022, la Haute cour militaire siégeant à la prison de Ndolo à Kinshasa a rendu son verdict dans le procès en appel du double assassinat des défenseurs des droits humains Floribert Chebeya, directeur exécutif de la VSV et membre de l’Assemblée générale de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), et de Fidèle Bazana, son chauffeur et également membre de la VSV, le 1er juin 2010.

La Cour a ainsi condamné le colonel Christian Ngoy Kenga Kenga à la peine capitale et le sous commissaire Jacques Mugabo à 12 ans de prison ferme. Le major Paul Mwilambwe Londa, considéré comme principal témoin des faits et de retour en République démocratique du Congo (RDC) après plus de dix années de cavale, a quant à lui été acquitté, en raison de son témoignage clé dans cette affaire.

Alors que seule une parodie de justice avait été rendue dans cette affaire en 2015, les arrestations de Christian Ngoy Kenga Kenga en septembre 2020 et de Jacques Mugabo en février 2021, ainsi que les révélations, en février 2021, d’Hergile Ilunga et Alain Kayeye, deux policiers actuellement en exil apparaissant comme deux exécutants des crimes, avaient permis la réouverture du procès, qui s’est tenu de septembre 2021 à mars 2022.

Pour autant, le Général John Numbi Banza Tambo, ancien bras droit de l’ex-Président de la RDC Joseph Kabila et inspecteur général de la Police nationale congolaise (PNC), considéré comme le commanditaire de ce double assassinat, reste à ce jour en fuite. Une plainte a été déposée contre lui en 2010 auprès de l’auditorat général des forces armées congolaises par la veuve de Floribert Chebeya. Suite aux nouvelles arrestations et révélations faites dans l’affaire, une deuxième plainte a été déposée en octobre 2020 par les avocats des parties civiles, cette fois contre le Général John Numbi, le Général Zelwa Katanga alias Djadjidja et les policiers ayant exécuté les deux défenseurs des droits humains, et le dossier a été transmis à la Haute Cour militaire pour fixation. Un mandat d’arrêt international a été lancé par l’Auditorat militaire général de RDC contre John Numbi et remis à Interpol.

De plus, le 16 mars 2022, les avocats des parties civiles ont saisi le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, d’une demande de révocation de John Numbi des forces armées congolaises afin que la Haute Cour militaire puisse être à même de le juger dans le cas où il serait appréhendé. En effet, étant toujours général quatre étoiles de l’armée congolaise, il est actuellement trop gradé pour que les juridictions militaires puissent le juger, aucun magistrat n’ayant un grade équivalent ou supérieur au sien.

L’Observatoire, l’Asadho, le Groupe Lotus, la Ligue des électeurs et la Voix des sans-voix accueillent positivement ces condamnations, qui viennent parachever plus de douze années de lutte des organisations de la société civile congolaise et des familles des victimes pour la justice et contre l’impunité dans cette affaire, et appellent les autorités congolaises à accorder à ces dernières des réparations adéquates. Nos organisations soulignent toutefois leur nette opposition aux condamnations à la peine de mort en toutes circonstances, et appellent les autorités congolaises à adopter un moratoire sur les exécutions, comme préalable à l’abolition, en droit, de la peine de mort. Nos organisations appellent également les autorités de RDC à procéder à la ratification du deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, et à soutenir les efforts de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en faveur de l’adoption d’un Protocole à la Charte africaine portant sur l’abolition de la peine de mort.

Par ailleurs, l’Observatoire, l’Asadho, le Groupe Lotus, la Ligue des électeurs et la Voix des sans-voix appellent à ce que le Président de la République Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo fasse droit à la demande qui lui a été adressée en vue d’obtenir la révocation des forces armées du Général John Numbi afin que celui-ci puisse, s’il est appréhendé, être poursuivi et comparaître devant les juridictions compétentes.

Accéder à notre questions-réponses sur l’affaire Chebeya/Bazana sur les sites de la FIDH et de l’OMCT pour plus d’informations sur les faits à l’origine de l’affaire et le déroulé de la procédure judiciaire.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

L’Asadho, créée en 1991, poursuit les objectifs de défense, promotion et sauvegarde des droits et libertés individuelles et collectives ; du respect de la primauté de la loi et l’indépendance de la Justice en vue de la consolidation de l’État de droit, base d’une société démocratique ; de contribuer à l’approfondissement de la sensibilisation aux droits de l’Homme. L’Asadho est membre de la FIDH et de l’OMCT.

Le Groupe Lotus est une organisation non gouvernementale basée à Kisangani. Il dénonce les violations des droits de l’Homme, alerte l’opinion publique, enquête sur les pratiques des autorités pour contraindre les gouvernants à respecter la règle de droit. Il soutient ceux et celles qui souffrent de discrimination et de l’oppression en raison de leur appartenance à un groupe social, national ou religieux ou de leur opinion politique. Il informe, enseigne et promeut les valeurs des droits de l’Homme et les principes démocratiques pour les faire avancer en RDC. Le Groupe Lotus est membre de la FIDH et de l’OMCT.

La Ligue des électeurs (LE), créée en 1990, a pour objectif le soutien au développement démocratique, notamment par la défense des droits de l’Homme et la promotion de la culture électorale. La Ligue effectue des activités de formation de membres des associations de la société civile en qualité d’animateurs du mouvement démocratique ; des activités de sensibilisation populaire sur les droits de l’Homme ; des missions internationales d’évaluation et d’observation électorale. La Ligue des électeurs est membre de la FIDH.

La Voix des sans-voix pour les droits de l’Homme (VSV) est une organisation non gouvernementale de défense des droits humains créée en 1983 et basée à Kinshasa. La VSV s’investit activement dans les efforts de redynamisation de la société civile afin d’accroître l’efficacité du mouvement pro-démocratique en vue de l’avènement d’un État de droit en RDC. La VSV est membre de l’OMCT.

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