Menaces / Harcèlement - COD 006 / 1106 / OBS 138

21/11/2006
Appel urgent
RDC

L’Observatoire a été informé par des sources fiables de nouvelles menaces et d’actes de harcèlement à l’encontre de M. Dismas Kitenge, président du Groupe Lotus, une organisation de défense des droits de l’Homme basée à Kisangani.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).


Description des faits :

Selon les informations reçues, depuis plusieurs semaines, M. Kitenge fait l’objet de menaces et d’actes de harcèlement de la part de cadres et de militants du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, parti au pouvoir), l’accusant notamment d’être engagé dans des activités politiques, de soutenir l’opposition et d’être « un opposant au chef de l’Etat ».

Ces menaces font suite à l’intervention de M. Kitenge, le 28 octobre 2006, au cours d’une conférence de presse portant sur « le processus électoral et la campagne du 2ème tour de l’élection présidentielle : bilan et perspectives », organisée au siège du Groupe Lotus à Kisangani, à l’occasion de la parution d’un rapport de mission de la FIDH intitulé Un processus électoral sous haute tension[1]. Lors de cette conférence de presse, à la veille du second tour des élections présidentielles, M. Kitenge avait notamment dénoncé les violations des droits de l’Homme perpétrées en RDC, l’impunité dont bénéficient des représentants de l’Etat auteurs de ces violations, et l’exploitation abusive des ressources naturelles du pays. Il avait déploré au cours de la campagne les attaques que s’étaient portées les deux candidats à la présidence, MM. Kabila et Bemba.

Cette conférence de presse a été couverte et relayée par plusieurs médias locaux et nationaux, et M. Kitenge a accordé par la suite plusieurs interviews aux radios locales sur la situation des droits de l’Homme et le processus électoral en RDC.

Suite à ces déclarations, M. Kitenge a reçu plusieurs appels anonymes de militants du PPRD, l’accusant de soutenir M. Bemba et le menaçant de « représailles » si M. Kabila venait à être réélu.

Le 29 octobre 2006, lors du second tour des élections présidentielles, la sœur et les frères de M. Kitenge ont également été menacés par des militants du PPRD à Kisangani.

De plus, début novembre 2006, M. Kitenge a reçu un appel d’un dirigeant du PPRD à Kisangani, qui lui a fait part du « mécontentement » du chef d’état-major des forces terrestres de l’armée congolaise et du ministre de l’Intérieur suite à la diffusion de ses déclarations lors de la conférence de presse. Par ailleurs, le 8 novembre 2006, l’un de ses proches collaborateurs, travaillant pour une association de défense des droits de l’Homme partenaire du Groupe Lotus, a été interpellé par des agents de renseignements. Ces derniers l’ont interrogé sur ses liens avec M. Kitenge, et lui ont signifié que ce dernier devait mettre un terme à ses activités. Il a été remis en liberté dans la journée.

Enfin, les 18 et 19 novembre 2006, suite à un communiqué du Groupe Lotus diffusé le 15 novembre 2006 et faisant état des menaces à l’encontre de son président et à la diffusion d’une interview de M. Kitenge dénonçant ces actes de harcèlement sur Radio Okapi, M. Dieudonné Mata, secrétaire exécutif de la section du PPRD en Province Orientale, a déclaré lors d’un entretien largement diffusé par cette même radio que M. Kitenge « n’[était] pas un activiste des droits de l’Homme », mais « un opposant au chef de l’Etat actuel et un opposant à son mouvement », l’accusant de « positions partisanes ».

Ces menaces et ces accusations interviennent dans un contexte électoral particulièrement tendu et polarisé, au sein duquel les activités des défenseurs des droits de l’Homme sont régulièrement qualifiées de « politiques » par le parti au pouvoir comme par l’opposition.

Ainsi, dans un article paru dans AfricaNews le 9 novembre 2006 et intitulé « Complot Déjoué », le Mouvement pour la libération du Congo (MLC, parti de M. Bemba) a accusé « une dizaine d’activistes tous affiliés à la FIDH », dont M. Amigo Ngonde, président de l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO), et M. Sabin Banza, vice-président de la Ligue des électeurs, d’avoir mis au point une « machination » visant à la « mort politique » de M. Bemba.

Cet article faisait suite à la parution, le 12 octobre 2006, du rapport de mission d’enquête de la FIDH, intitulé Oubliées, stigmatisées : la double peine des victimes de crimes internationaux et consacré à l’impunité en République centrafricaine. Ce rapport met notamment en cause la responsabilité de M. Bemba dans les crimes de guerres commis en République centrafricaine en 2002 et 2003.

L’Observatoire exprime sa vive préoccupation au regard de ces faits, qui s’inscrivent dans un contexte de harcèlement accru à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en RDC depuis le début de la période électorale.


Actions demandées :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de RDC et de leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Dismas Kitenge, Amigo Ngonde et Sabin Banza, de l’ensemble des membres du Groupe Lotus et de l’Association africaine des droits de l’Homme, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

ii. Mettre un terme immédiat à toute forme de harcèlement, de menaces ou d’intimidation à leur encontre ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international", son article 6c) selon lequel "chacun a le droit [...] d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question" et son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République démocratique du Congo.

Adresses :

 Le Président de la République, S.E M. Joseph Kabila, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : upp@ic.cd ; Fax +243 88 02 120 ;

 Le Vice-Président de la République en Charge de la Commission Politique, Défense et Sécurité, M. Azarias Ruberwa Manywa, Cabinet du Vice-Président de la République, avenue roi Baudouin ex-3Z, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : vice_presidence.rdc@ic.cd

 Le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, M. Raymond Ramazani Baya, Cabinet du Ministre, bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo

 Le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, M. Kisimba Ngoy, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521, Email : minjustrdc@yahoo.fr

 La Ministre des Droits Humains, Mme Marie-Madeleine Kalala, Cabinet du Ministre, Boulevard du 30 juin, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 12 20 664 ; + 243 9939971 ; Email : min_droitshumains@yahoo.fr

 Le Président de l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), M. Innocent-Michel Mpiga Tshibasu, Cabinet du Président, avenue Sendwe, Kinshasa/Kalamu, République Démocratique du Congo ; Tél : +243 98313740, +243 98271199 ; + 243 98407633

 Ambassadeur, M. Antoine Mindua Kesia-Mbe, Mission permanente de la République démocratique du Congo, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, e-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

 M. Jean-Pierre Mavungu, Mission diplomatique de la République démocratique du Congo à Bruxelles, 6 avenue de Foestraets, 1180 Uccle, Belgique, Fax : + 32 2 972 23 48

Prière d’écrire aux représentations diplomatiques de la République démocratique du Congo dans vos pays respectifs.

***

Paris - Genève, le 21 novembre 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-Mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : + 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] La FIDH a organisé une mission d’information à Kinshasa du 21 au 28 septembre 2006 afin d’évaluer la situation des droits de l’Homme en RDC à l’approche du terme d’une transition politique amorcée en 2003 et du second tour des élections présidentielles, le 29 octobre 2006.

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