Le Far-West minier de Mbuji-Mayi n’a pas besoin d’un nouvel étouffement !

12/03/2003
Rapport
RDC

Au lendemain de la publication d’une conclusion d’enquête par le Ministre des Droits Humains de la République Démocratique du Congo, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) publie une note de situation : " Le Far-West minier de Mbuji-Mayi n’a pas besoin d’un nouvel étouffement ! ". La FIDH a participé, avec ses ligues membres en République Démocratique du Congo, la Ligue des Electeurs et l’ASADHO, à la Commission d’enquête mixte composée du Ministre des Droits Humains, d’ONG locales et de journalistes, sur la mort, le 21 février 2003, de plus d’une dizaine de creuseurs clandestins de diamants étouffés dans le " Polygone " de Mbuji-Mayi, dans la région du Kasaï oriental. Le phénomène des creuseurs clandestins de diamants s’est développé de manière exponentielle dans ce pays, beaucoup de jeunes, confrontés à une pauvreté endémique, étant forcés de tenter leur chance dans des zones d’exploitation qui leur sont interdites pour récupérer quelques pierres. Les policiers exploitent cette situation et monnayent le droit d’entrée des clandestins, moyennant le paiement d’un écot. La misère des habitants, un système scolaire défaillant faute de moyens et l’absence de travail, tranche considérablement avec le luxe étalé au " Polygone ", la plus grande concession minière de la région, appartenant à la Minière du Bakwanga (MIBA).

La mise en place de cette Commission d’enquête mixte a fait apparaître des divergences très importantes quant aux circonstances de ces décès. Alors que le gouverneur de la province du Kasaï privilégie la thèse de l’accident et considère que la mort par étouffement des creuseurs a été causée par un affaissement, dû au travail anarchique des creuseurs dans les galeries précaires, de nombreux témoignages de victimes et de creuseurs se trouvant sur les lieux décrivent une version très différente des faits. Selon les informations recueillies, les creuseurs se seraient réfugiés dans une galerie pour fuir des policiers et membres des équipes de surveillance de la MIBA, et y auraient été étouffés, un policier ayant obstrué l’entrée avec des pierres et des barres de mine. Une victime, tuée par une balle en plein cœur, a notamment été retrouvée à l’intérieur de la galerie. Des tensions importantes ont suivi cette situation, se traduisant par l’arrestation de treize creuseurs clandestins lors de la manifestation pacifique du 26 février 2003 protestant contre le décès des creuseurs clandestins.

Le 3 mars, le Ministre des Droits Humains a rendu publiques les conclusions de la Commission d’enquête mixte. Il a confirmé la version du Gouverneur de province, sans y ajouter d’éléments de preuves supplémentaires. La FIDH condamne cette décision qui fait totalement abstraction des témoignages des victimes et de leurs familles, et souligne d’ailleurs
que certaines pressions avaient été exercées au cours de l’enquête, les militaires ayant dispersé des personnes venues témoigner auprès des ONG dans le cadre de cette Commission d’enquête le 1er mars 2003.

La FIDH a été également informée qu’une enquête a été diligentée par le Parquet du Tribunal de Mbuji-Mayi parallèlement à l’organisation de la Commission d’enquête mixte, et que la Cour d’Ordre Militaire (organe arbitraire d’exception dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours) avait été saisie à ce sujet.

La FIDH appelle les autorités judiciaires civiles à faire la lumière sur cette situation. La FIDH appelle ces autorités à mener à bien leurs enquêtes en toute impartialité et indépendance, et ainsi à identifier les auteurs de ces décès et à établir leurs responsabilités, notamment en respectant les règles relatives au droit à un procès contradictoire, en accord avec les instruments internationaux ratifiés par la RDC, et à ainsi prendre en considération tous les témoignages de rescapés.

La FIDH appelle les autorités à adopter enfin des propositions concrètes pour mettre un terme à ce système d’exploitation des clandestins, connu des autorités et dénoncé depuis longtemps par les ONG internationales et les Nations Unies. Ces faits participent de la situation de généralisation des pillages des ressources naturelles en RDC, dans lequel, comme le note le groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse au RDC, " la plupart des soldats se transforment en prédateurs qui subviennent à leurs besoins par le vol et le pillage et vivent au dépens de la population qu’ils sont censés protéger, tandis que les autorités provinciales ne font rien pour les décourager ".

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