RDC : Poursuite de la détention arbitraire de M. Firmin Yangambi - COD 002 / 0110 / OBS 011

21/01/2010
Appel urgent
RDC

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire à l’encontre de M. Firmin Yangambi, avocat membre du Conseil de l’ordre du Barreau de Kisangani et président de l’ONG d’appui aux victimes de la guerre « Paix sur terre ».

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Selon les informations reçues, M. Firmin Yangambi, accusé depuis le 27 septembre 2009 d’"envoi de cargaison d’armes et tentative d’organisation d’un mouvement insurrectionnel à Kisangani", reste actuellement détenu au pavillon 2 du Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK), où il a eu accès à ses avocats et à sa famille. L’Observatoire a également été informé que MM. Benjamin Olangi, Eric Kikunda et Eliya Lokundo, accusés de complicité dans la même affaire (cf. rappel des faits), étaient détenus au même endroit. M. Eric Kikunda a déclaré avoir fait l’objet d’actes de torture, et M. Benjamin Olangi aurait lui aussi été torturé.

M. Yangambi a quant à lui été privé de sommeil, de nourriture et de boisson pendant plusieurs jours, et aurait fait des déclarations dans un contexte de fortes pressions psychologiques, afin que cessent notamment les tortures infligées à ses codétenus.

Par ailleurs, l’Observatoire a été informé de la libération provisoire, le 12 janvier 2010, de M. Olivier Marcel Amisi Madjuto, chargé des relations publiques de « Paix sur terre », suite à une décision de la Chambre du Conseil de la haute Cour militaire de Kinshasa. Au cours de l’audience, aucune raison justifiant sa détention dont il a fait l’objet ces trois derniers mois n’a été avancée. M. Amisi Madjuto était détenu au sein des locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR) de Kinshasa depuis le 16 octobre 2009, suite à son enlèvement par des agents de l’ANR devant une discothèque de la commune de Makiso, à Kisangani. Son lieu de détention était longtemps resté inconnu.

L’Observatoire rappelle que conformément à l’article 15 de la Convention contre la torture « (…) toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne (peut) être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite ». Par conséquent, l’Observatoire demande instamment à ce que la justice congolaise se conforme aux engagements internationaux pris par la RDC, et ne considère pas comme éléments de preuve les « aveux » que M. Firmin Yangambi aurait été contraint de formuler dans les conditions évoquées ci-dessus. L’Observatoire demande par ailleurs aux autorités congolaises de lui garantir le droit à un procès équitable conformément aux normes internationales d’équité.

L’Observatoire craint également que les accusations à l’encontre de M. Yangambi n’aient été portées dans le seul but de sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme. Par conséquent, l’Observatoire demande sa libération immédiate et inconditionnelle.

Rappel des faits :

Le 27 septembre 2009, M. Firmin Yangambi s’était rendu en compagnie de son frère, M. Blaise Yangambi Getumbe, à un rendez vous avec un officier de la Garde républicaine, dans le cadre de l’enquête menée suite à l’enlèvement de deux de ses proches, MM. Benjamin Olangi et Eric Kikunda, le 26 septembre 2009 à Kinshasa. MM. Firmin Yangambi et Blaise Yangambi Getumbe avaient alors été interceptés et conduits à la direction provinciale de l’ANR, où ils ont été détenus au secret, sans avoir accès à un avocat ni à leur famille.

La famille de MM. Firmin Yangambi et Blaise Yangambi Getumbe est restée sans nouvelles de ceux-ci jusqu’à ce que le ministre de la Communication et porte-parole du Gouvernement, M. Mende Omalanga, annonce le 28 septembre 2009 lors d’une conférence de presse l’arrestation le 23 septembre, soit quatre jours avant son arrestation effective, par la justice militaire de M. Firmin Yangambi pour avoir « convoyé une cargaison d’armes dans le but de lancer un nouveau mouvement insurrectionnel contre la RDC à partir de Kisangani ». M. Omalanga s’est en outre attaqué aux défenseurs des droits de l’Homme, qu’il a qualifiés de « déstabilisateurs du pouvoir constituant une menace permanente pour les institutions de l’Etat ».

Le 30 septembre 2009, entre 10h et 13h30, plusieurs agents de la justice militaire, de la police et de l’ANR mandatés par l’Auditeur supérieur de garnison de Kisangani ont effectué une perquisition au domicile de M. Firmin Yangambi, en présence des avocats du barreau de Kisangani et d’autres témoins indépendants. Selon les informations reçues, aucune preuve de la culpabilité de M. Firmin Yangambi n’a été trouvée.

Le soir même, M. Firmin Yangambi a été transféré au CPRK et M. Blaise Yangambi Getumbe a été libéré.

Le 2 octobre 2009, des militaires se sont à nouveau rendus au domicile de M. Firmin Yangambi et, ont demandé à sa femme de leur remettre son passeport, malgré l’absence d’un mandat à cet effet.

Le 18 novembre 2009, une audience s’est tenue à la Cour militaire de Kinshasa/Gombe contre MM. Yangambi, Olangi, Kikunda et Lokundo.

Le 6 janvier 2010, le ministère public a requis la peine de mort et une peine de 20 ans de prison à l’encontre des quatre prévenus. La défense devait présenter ses arguments le 20 janvier 2010.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Firmin Yangambi, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en République démocratique du Congo ;

ii. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Firmin Yangambi et de tous les défenseurs arbitrairement détenus en RDC en ce que leur détention est arbitraire dans la mesure où elle semble viser uniquement à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme ;

iii. Mener sans délai une enquête indépendante, effective, impartiale et transparente sur les actes de torture et de mauvais traitements mentionnés ci-dessus et en rendre les résultats publics, ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal garantissant un procès équitable conformément aux principes de droit international et d’appliquer les sanctions prévues par la loi ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de MM. Firmin Yangambi et Olivier Marcel Amisi Madjuto ainsi qu’à celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme en RDC, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax +243 88 02 120

· M. Alexis Thambwe Mwamba, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, Cabinet du Ministre, bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo

· M. Luzolo Bambi, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521

· M. Upio Kakura Wapol, Ministre des Droits Humains, Cabinet du Ministre, Boulevard du 30 juin, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 12 20 664 ; + 243 9939971 ; Email : min_droitshumains@yahoo.fr

· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de RDC dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 20 janvier 2010

Lire la suite