RDC : Goma en proie à la peur et aux violences

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Groupe Lotus (GL)
Ligue des Électeurs (LE)
Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations membres en République démocratique du Congo (RDC), le Groupe Lotus (GL), la Ligue des Électeurs (LE) et l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO) sont extrêmement préoccupées par la situation à l’est de la RDC et particulièrement au Nord-Kivu et la ville de Goma.

Depuis le mois d’août, le conflit au Nord Kivu entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les troupes du général rebelle Laurent Nkunda du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) s’est intensifié et s’accompagne de violations graves et massives des droits de l’Homme constitutives de crimes internationaux réprimés par la Cour pénale internationale (CPI).

Nos organisations sont particulièrement inquiètent de la situation qui prévaut actuellement dans la capitale du Nord-Kivu, Goma, où face à l’avancée des rebelles du CNDP, des éléments en fuite des FARDC se livreraient à des actes de pillages, des exécutions sommaires et des viols à l’encontre des populations civiles de la ville et de ses alentours. L’insécurité et la confusion seraient accentuées par la présence de soldats de la Garde républicaine envoyés pour réprimer le comportement des FARDC et qui se livreraient eux-mêmes à des exactions. Ainsi une dizaine de soldats des FARDC auraient été abattus par la Garde républicaine. De leur côté, les éléments du CNDP tout en conservant leurs positions en dehors de la ville dans l’attente de l’ouverture de négociations avec le pouvoir de Kinshasa, se livreraient aussi à des exactions dans les territoires sous leur contrôle, notamment le pillage des camps de déplacés de guerre de Kibati et Rutchuru.

Face à l’imminence de la reprise des combats et des exactions qui les accompagnent, les forces de la Mission des Nations unies en RDC (MONUC) sont manifestement dans l’incapacité d’assumer pleinement leur rôle de protection des populations civiles, limitées en cela par un mandat qui les autorise à utiliser la force pour combattre les bandes armées mais uniquement en appui aux FARDC.

Des manifestations et des heurts, attisés par des politiciens, se sont d’ailleurs déroulés dans des villes de l’Est de la RDC contre la présence de la MONUC qui est accusée d’être incapable d’assurer la protection des populations, voire de ne pas vouloir le faire. Ainsi, dans la ville de Goma le 27 octobre 2008, la population s’est attaqué au personnel et aux installations de la Monuc. A Kisangani, de groupes de jeunes gens armés, en toute connaissance des autorités, ont manifesté en s’attaquant également aux forces de la MONUC. Certains d’entre eux se joignent aux forces de sécurité et de l’armée qui patrouillent en ville à la recherche d’éléments rebelles soi-disant infiltrés. Ainsi un climat de suspicion et de tension se développe où toute critique est perçue comme une trahison. Les défenseurs des droits de l’Homme qui dénoncent sans relâche les exactions de toutes les parties au conflit sont perçus comme des opposants, des « traîtres » et des « suppôts des occidentaux ». Ces accusations alimentent un peu plus les ressentiments de la population contre la MONUC, la communauté internationale et tout élément désigné comme étranger.

La FIDH, la Ligue des Electeurs, l’ASADHO et le Groupe Lotus réaffirment la nécessité de lutter contre l’impunité des auteurs des crimes graves perpétrés en RDC en ce qu’elle est génératrice des conflits et de la violence actuels aux Kivus et dans la province orientale et face à la situation très préoccupante prévalant à l’est de la RDC :

Appellent toutes les parties :
 à cesser les combats et à respecter le droit international humanitaire ;
 à garantir un cessez-le feu durable ;
 à garantir l’intégrité des populations civiles et l’accès sécurisé des populations aux organisations humanitaires ;
 à garantir l’intégrité physique et morale des défenseurs des droits de l’Homme ;
 à respecter l’accord de paix de Goma de janvier 2008 ;

Appellent le Conseil de sécurité :
 à prendre ses responsabilités, notamment celle de protéger les population civiles en renforçant la MONUC par un nouveau mandat ou par une force internationale agissant sous mandat de l’ONU en vertu des dispositions du chapitre 7 de la Charte des Nations unies ;
 à renforcer les mécanismes de justice et de lutte contre l’impunité en RDC ;

Appellent la Cour pénale internationale :
 à annoncer publiquement l’ouverture d’une nouvelle enquête aux Kivus et à considérer que les actes qui se déroulent actuellement sont constitutifs de crimes réprimées par la Cour pénale internationale ;

Demandent instamment aux autorités congolaises et à la communauté internationale de garantir que tout accord qui pourrait être négocié entre les autorités congolaises et le CNDP ou tout autre groupe rebelle ne le soit pas au détriment de la justice et au droit des victimes à voir les auteurs de violations des droits de l’Homme poursuivis et sanctionnés.

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