Menaces / Harcèlement - COD 002 / 0406 / OBS 055

28/04/2006
Appel urgent
RDC

L’Observatoire a été informé par plusieurs organisations de droits de l’Homme, dont l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO/Katanga), des menaces et de la campagne de diffamation dont fait l’objet M. Hubert Tshiswaka Masoka, directeur exécutif d’Action contre l’impunité pour les droits humains (ACIDH), une organisation de défense des droits de l’Homme établie dans la ville de Lubumbashi (province du Katanga).

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir d’urgence à propos de la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description des faits :

Selon les informations reçues, le 11 mars 2006, l’ACIDH a publié un communiqué intitulé « Elections en République démocratique du Congo : les réputés criminels ne doivent pas être élus », dans lequel l’organisation a appelé la population à ne pas voter pour les responsables présumés de violations des droits de l’Homme.

A la suite de ce communiqué, le 18 mars 2006, l’Union nationale des fédéralistes du Congo (UNAFEC), parti dirigé par le ministre de la Justice M. Honorius Kisimba Ngoy, a diffusé une lettre ouverte dans laquelle M. Hubert Tshiswaka était qualifié de « chef de groupement Kasaïen au Katanga », et décrivant le communiqué du 11 mars comme « incitant à la haine tribale ».

Le 24 mars 2006, l’ACIDH a adressé une lettre au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. William Lacy Swing, également adressée en copie au Président de la République M. Joseph Kabila, aux membres du gouvernement et aux Ambassadeurs membres du Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT), afin d’exprimer son inquiétude face à la création de milices au sein des partis politiques présents au Katanga. Cette crainte faisait suite à la création de la « Brigade jaune » par le Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD), parti de Joseph Kabila, aux côtés des « Brigades des Martyrs du Katanga », « Brigades Des Zulu », « Brigades des Amazones » et « Brigades des Scorpions » existant déjà au sein de l’UNAFEC.

Le 31 mars 2006, un communiqué de l’association socio-culturelle « Kinu Nkonga Batwi », parlant au nom « du peuple Mulubakat » et du député M. Antoine Gabriel Kyungu wa Kumwanza, vice-président national de l’UNAFEC et président fédéral de ce même parti au Katanga, a qualifié M. Tshiswaka de « membre influent de l’UDPS /Tshisekedi[1] », ajoutant que « le peuple Mulubakat ne tolérera plus que sa campagne d’intoxication et d’incitation à la haine tribale perdure ». Le soir même, M. Tshiswaka a reçu un appel téléphonique dont l’auteur l’a menacé en ces termes : « Tu t’amuses beaucoup, nous allons te régler ton compte. Ce que tu écris t’amènera à la mort... ».

L’Observatoire rappelle qu’au Katanga, les sympathisants de l’UDPS sont principalement originaires du Kasaï, tandis que la majorité des membres dirigeants de l’UNAFEC appartiennent à l’ethnie Balubakat.

Le 3 avril 2006, l’ACIDH a adressé une lettre au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi, ainsi qu’aux autorités membres du Conseil provincial de sécurité, à la Mission des Nations unies au Congo (MONUC), aux consuls généraux des pays membres du CIAT et aux présidents de la Fondation Katangaise, de la Balubakat et de Kinu Nkonga Batwi, leur demandant de prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger M. Tshiswaka.

Le 7 avril 2006, un nouveau communiqué de Kinu Nkonga Batwi a accusé M. Hubert Tshiswaka du meurtre d’un Mulubakat. Le lendemain, l’ACIDH a de nouveau dénoncé publiquement ces faits.

Le 11 avril 2006, l’ACIDH a reçu un « droit de réponse » émanant de la mouvance des jeunes de l’UNAFEC (JUNAFEC) daté du 10 avril 2006, qualifiant M. Hubert Tshiswaka d’ « agitateur doublé d’un tribaliste primaire dont le seul objectif est de saper l’image [du JUNAFEC] et celle de leur parti ».

Enfin, dans son numéro de la semaine du 6 au 12 avril 2006, l’hebdomadaire Le Lushois, dont l’éditeur est également secrétaire général adjoint de l’UNAFEC, a publié deux articles, dont un en première page, qui présentaient M. Tshiswaka comme « [incitant] à la haine tribale au Katanga » pour « saboter les élections ».

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces actes d’intimidation et de harcèlement, qui s’inscrivent dans un contexte de très grande insécurité et d’intimidations croissantes à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en République Démocratique du Congo.

Actions demandées :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de RDC et de leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Hubert Tshiswaka et de l’ensemble des membres de l’ACIDH, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

ii. Mener une enquête indépendante sur les menaces décrites ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés conformément à la loi congolaise et aux dispositions internationales en matière de protection des droits de l’Homme ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international", et son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République démocratique du Congo.

Adresses :

 Le Président de la République, S.E M. Joseph Kabila, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : upp@ic.cd ; Fax +243 88 02 120 ;

 Le Vice-Président de la République en Charge de la Commission Politique, Défense et Sécurité, M. Azarias Ruberwa Manywa, Cabinet du Vice-Président de la République, avenue roi Baudouin ex-3Z, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : vice_presidence.rdc@ic.cd

 Le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, M. Raymond Ramazani Baya, Cabinet du Ministre, bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo

 Le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, M. Kisimba Ngoy, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521, Email : minjustrdc@yahoo.fr

 La Ministre des Droits Humains, Mme Marie-Madeleine Kalala, Cabinet du Ministre, Boulevard du 30 juin, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 12 20 664 ; + 243 9939971 ; Email : min_droitshumains@yahoo.fr

 Le Président de l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), M. Innocent-Michel Mpiga Tshibasu, Cabinet du Président, avenue Sendwe, Kinshasa/Kalamu, République Démocratique du Congo ; Tél : +243 98313740, +243 98271199 ; + 243 98407633

 Ambassadeur, M. Antoine Mindua Kesia-Mbe, Mission permanente de la République démocratique du Congo, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, e-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

 M. Jean-Pierre Mavungu, Mission diplomatique de la République démocratique du Congo à Bruxelles, 6 avenue de Foestraets, 1180 Uccle, Belgique, Fax : + 32 2 972 23 48

Prière d’écrire aux représentations diplomatiques de la République démocratique du Congo dans vos pays respectifs.

***

Genève-Paris, le 28 avril 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-Mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : + 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Union pour la démocratie et le progrès social, parti d’opposition.

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