« Cette condamnation, la première de la CPI, est historique en ce qu’elle confirme que l’enlèvement de mineurs et leur utilisation dans les conflits armés est un fléau. Il s’agit d’un crimes de guerre qui doit être condamné comme tel », a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH
A la lecture du verdict, le juge président Adrian Fulford a expliqué que le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats sont « sans aucun doute des crimes graves qui touchent la communauté internationale dans son ensemble ». Il a expliqué que « du fait de leur vulnérabilité, les enfants ont besoin d’une protection particulière » contre les risques associés à la guerre. Il a rappelé le témoignage d’un expert au procès sur le traumatisme psychologique pour les enfants soldats qui ont été exposés à la violence, séparés de leurs familles, et privés d’éducation.
La Cour n’a pas suivi le Bureau du procureur qui lui avait demandé de considérer la violence sexuelle contre les enfants soldats filles de moins de 15 ans en tant que circonstance aggravante dans la détermination de la peine. Les juges ont estimé que le Procureur n’avait pas apporté d’éléments de preuve suffisants sur ce crime ni sur la responsabilité de Thomas Lubanga en lien avec ce crime. Les juges ont par ailleurs insisté avec véhémence sur le fait que le Procureur avait refusé, lors du procès, d’élargir les charges portées contre Thomas Lubanga pour inclure notamment des charges de crimes sexuels. Les organisations signataires avaient toujours déploré le fait que les charges retenues soient si limitées, vu l’étendue des crimes commis [1].
La Cour a pris en compte comme une circonstance atténuante de la peine le fait que Thomas Lubanga avait été « respectueux et coopératif lors de son procès (…) malgré certaines circonstances dommageables, dues au refus du procureur de se conformer au ordonnances de la Cour et à certaines déclaration publiques de représentant du bureau du Procureur.
Toutefois, dans une opinion dissidente, la juge Odio Benito se dissocie de la décision des deux autres juges dans la mesure où elle est d’avis que celle-ci ne tient pas compte du préjudice causé aux victimes et aux membres de leur famille, et en particulier de celui dû aux sévères punitions et violences sexuelles qu’ont subies les victimes de ces crimes.
« Il est désormais impératif que la CPI s’engage maintenant dans une campagne d’information et explication de cette décision auprès des victimes et des communautés affectées pour qu’elles comprennent l’importance et les enjeux liés à cette condamnation », a déclaré Paulina Vega, Vice-Présidente de la FIDH.
Conformément au Statut de la CPI, les juges ont estimé que les 6 années déjà passées en détention par Thomas Lubanga devait être déduites de sa peine. La Cour n’a pas estimé approprié de lui imposer une amende, l’ayant reconnu indigent pendant la procédure. La Défense et le Bureau du Procureur peuvent faire appel.
Les juges doivent désormais adopter leur ordonnance de réparation aux victimes. « Il est crucial que les juges établissent, au terme de leur première ordonnance en la matière, un cadre légal clair de définition et mise en oeuvre des mesures de réparation. Cette décision aura en effet un impact majeur sur la jurisprudence encore à définir par la Cour en matière de réparation », a insisté Paulina Vega
Cette procédure contre Thomas Lubanga souligne encore l’importance d’arrêter immédiatement Bosco Ntaganda, poursuivi depuis 2006 par la CPI pour des crimes commis en tant qu’un des principaux commandants de la milice de Thomas Lubanga. Le Bureau du Procureur a récemment demandé que de nouvelles charges soient formées contre lui, concernant d’autres crimes qui lui seraient imputables. « Bosco, protégé par le gouvernement congolais s’est déplacé d’Ituri aux Kivus, faisant de nouvelles victimes. Aujourd’hui les Etats doivent coopérer de façon urgente pour l’arrêter et empêcher de nouveaux crimes de masse contre les population civiles », a précisé Sidiki Kaba, président d’honneur de la FIDH