LES DÉFENSEURS STIGMATISÉS POUR LEURS ACTIONS CONTRE L’IMPUNITÉ

06/06/2008
Communiqué
RDC

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), s’inquiète du contexte de stigmatisation et d’insécurité croissante touchant les défenseurs des droits de l’Homme et les organisations de défense des droits de l’Homme qui luttent contre l’impunité et en faveur de la justice internationale en République démocratique du Congo (RDC).

L’Observatoire a été informé de plusieurs sources fiables des injures et menaces proférées par des personnes proches ou appartenant au Mouvement pour la libération du Congo (MLC) à l’encontre de la FIDH et des responsables ou membres de ses organisations membres en RDC, l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO), le Groupe Lotus (GL) et la Ligue des Électeurs (LE). Ces organisations sont en effet la cible de nombreuses pressions et menaces à la fois en raison de l’action de la FIDH auprès de la CPI et de leurs activités de dénonciation des violations des droits de l’Homme perpétrées en RDC, quels que soit leurs auteurs. Ces pressions, menaces et actes d’intimidations se sont multipliés depuis l’arrestation, le 24 mai 2008, de M. Jean-Pierre Bemba, président du MLC, par les autorités belges, conformément au mandat d’arrêt international délivré par la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes dont se serait rendu responsable M. Bemba en République centrafricaine (RCA) en 2003.

Ainsi, le 3 juin 2008, le député du parti RCD National de la circonscription électorale de Kabinda au Kasai-oriental, M. Martin Munkokole, proche du MLC, et des députés du MLC seraient intervenus dans l’émission « Point de vue » sur la Radio Télévision Groupe l’Avenir (TV RTGA), au cours de laquelle ils auraient notamment proféré des injures et des menaces contre la FIDH et ses organisations membres en RDC qu’ils jugent en partie à l’origine des poursuites judiciaires à l’encontre de M. Bemba. Me Eleye, considéré comme proche de MLC, se serait exprimé à plusieurs reprises sur des chaînes de télévisions tels que Canal Congo Télévision (CCTV) et Congo Web, où il aurait tenu des propos similaires à l’encontre des organisations précitées.

En outre, le 28 mai 2008 au soir, M. Kitenge, président du Groupe Lotus et vice-président de la FIDH, a reçu deux appels téléphoniques anonymes. Ses interlocuteurs, un homme et une femme, l’ont sérieusement insulté, le qualifiant d’avoir "vendu Bemba à la FIDH et aux occidentaux", l’avertissant du mauvais sort qui l’attendait si M. Bemba était condamné et que le président congolais M. Joseph Kabila perdrait les prochaines élections. Ces événements font aussi suites à un cours donné par M. Kitenge aux étudiants du deuxième cycle en droit à l’université de Kisangani, sur les conséquences juridiques de l’arrestation de M. Jean-Pierre Bemba.

Par ailleurs, M. Kitenge serait aussi régulièrement suivi et surveillé par les forces de sécurité congolaises en raison de ses prises de position en faveur d’un plus grand respect des droits de l’Homme en RDC, particulièrement dans l’Est du pays. Ainsi, le 26 mai 2008, le Groupe Lotus a publié un communiqué de presse pour demander que toute la lumière soit faite et les responsabilités établies sur le cas d’un jeune homme décédé des suites de probables mauvais traitements et d’actes de tortures alors qu’il se trouvait en détention. Le 28 mai 2008, M. Kitenge est intervenu sur les ondes de quatre radios de Kisangani pour demander aux autorités judiciaires de poursuivre les responsables en justice.

L’Observatoire condamne ces menaces à l’encontre des défenseurs et des organisations de défense des droits de l’Homme dont le travail et la dénonciation des violations des droits de l’Homme sont assimilés à des partis pris politique. A cet égard, l’Observatoire rappelle que la FIDH, l’ASADHO, le GL et la LE sont des organisations apolitiques, indépendantes et non-confessionnelles et qu’elles dénoncent les violations des droits de l’Homme perpétrées en RDC ou ailleurs, et quelles que soient leurs auteurs.

Par ailleurs, l’Observatoire prie les autorités congolaises de cesser tout acte de répression à l’encontre de ces organisations et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme.

L’Observatoire réaffirme les dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1998 et notamment ses articles 1 et 9.4 qui disposent que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » et « s’adresser sans restriction aux organes internationaux compétents de manière générale ou spéciale pour recevoir et examiner des communications relatives aux droits de l’Homme, et de communiquer librement avec ces organes ». Selon ce dernier principe, les organisations de défense des droits de l’Homme doivent bénéficier de la possibilité de travailler librement avec la CPI qui demeure une juridiction internationale indépendant et mandatée pour connaître des crimes les plus graves.

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