Harcèlement / Menaces de mort / Poursuites judiciaires - RDC 001 / 0105 / OBS 001

04/01/2005
Appel urgent
RDC

L’Observatoire a été informé de graves menaces à l’encontre de plusieurs membres de l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO)-section du Katanga, du Centre des droits de l’Homme et du droit humanitaire (CDH), du Groupe évangélique pour la non-violence (GANVE) et de la Nouvelle dynamique syndicale (NDS), ainsi qu’à l’encontre de leurs familles. Ces quatre associations font partie de la Concertation des associations de défense des droits de l’Homme du Katanga (CADHOK), une plate-forme d’une dizaine d’ONG, créée en 1994.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, vous prie d’intervenir de toute urgence à propos de la situation suivante en République Démocratique du Congo (RDC).

Description des faits :

Depuis le début de l’année 2004, la CADHOK a régulièrement dénoncé l’exploitation abusive des ressources minières de la province du Katanga, notamment par une usine de traitement des minerais de cuivre, de cobalt et d’hétérogénite de la Société minière du Katanga (SOMIKA), une entreprise privée à capitaux indiens. Cette usine est implantée sur une zone déclarée inconstructible en 2000, à proximité de la nappe phréatique de Kimilolo, qui alimente la station de pompage de la Régie congolaise de distribution d’eau (REGIDESO) subvenant aux besoins en eau potable de 70% de la population de Lubumbashi. En 2004, la CADHOK s’est à plusieurs reprises publiquement inquiétée des risques de pollution de la nappe de Kimilolo, et des risques sanitaires encourus par la population.
A la suite de la campagne menée par la société civile, les autorités ont pris diverses mesures ordonnant la cessation des activités de cette usine et sa délocalisation. Ainsi, dans une lettre datée du 13 décembre 2004, le vice-ministre des Mines, M. Cirimwami Muderhwa, a ordonné à la SOMIKA de mettre un terme à ses activités sur le site de Kimilolo. Cette décision a provoqué le mécontentement des dirigeants de la SOMIKA et des 350 salariés de l’usine, pour la plupart journaliers, et regroupés au sein de l’association des Exploitants miniers et artisanaux du Katanga (EMAK), une association professionnelle proche des pouvoirs publics.

Selon les informations reçues, depuis cette date, les membres de l’ASADHO-Katanga, du CDH, du GANVE et de la NDS sont victimes d’actes de harcèlement et de menaces graves, dont tout porte à croire qu’ils constituent des actes de représailles de la part des dirigeants de la SOMIKA et des membres de l’EMAK.
Ainsi, le 16 décembre 2004 au soir, un groupe d’individus s’est présenté au siège de l’ASADHO-Katanga. Ces hommes ont affirmé à la sentinelle qu’ils recherchaient M. Marc Walu, directeur financier de l’ASADHO/Katanga. Toutefois, ils ont déclaré qu’ils " reviendraient le chercher plus tard ", alors même que la sentinelle les avait informés que M. Walu se trouvait dans les bureaux.

Le 21 décembre 2004, cinq personnes, qui se sont présentées comme faisant partie des cadres de la SOMIKA, ont fait irruption à la " Maison Ekumène ", organisation religieuse membre du GANVE, et ont menacé deux volontaires espagnoles, qui avaient relayé les communiqués de la CADHOK et du GANVE relatifs à la SOMIKA dans leur dernier bulletin.

Le 23 décembre 2004, l’ASADHO/Katanga, le GANVE et la NDS ont reçu un courrier électronique anonyme menaçant les membres de ces trois organisations et leurs familles. Ce courrier, envoyé par l’adresse " First true ", contenait notamment le message suivant : " Observez bien autour de vous et vous comprendrez que nous n’allons plus vous permettre de vous laisser agir comme avant. Nous vous connaissons. Ce que vous faites. Où vous résidez. Où vous travaillez. Quand chacun va au travail. Quand il termine. Un déboulement du pneu de voiture est vite arrivé. Un pétard sur le bureau est vite arrivé. Une visite au domicile est vite arrivée. Les agissements plus forts vous conviennent, et si vous ne voulez pas penser à vos enfants.... Si vous êtes raisonnables, contactez-nous par ici. ".

Le 28 décembre 2004, l’ASADHO/Katanga, le GANVE, le CDH et la Ligue congolaise de sauvegarde des droits des consommateurs (LISCO) ont publié, dans le cadre de la CADHOK, un communiqué de presse conjoint dénonçant le refus de la SOMIKA d’obtempérer à la décision du vice-
ministre, ainsi que les menaces perpétrées à l’encontre de leurs membres.

Le 29 décembre 2004, deux responsables de l’EMAK se sont présentés sur le lieu de travail de M. Jean-Marie Kabanga, membre du GANVE. Ce dernier a cependant pu sortir sans être remarqué. Quelques heures plus tard, des personnes non identifiées ont été aperçues dans le quartier où réside M. Kabanga, alors qu’ils interrogeaient ses voisins sur son adresse exacte et ses horaires de travail.

Le 31 décembre 2004, l’ASADHO, le GANVE, le CDH et la NDS ont reçu un second courrier électronique de menace, provenant à nouveau de l’adresse " First true ", et rédigé comme suit : " Vous ne voulez pas être raisonnables. Certains de vos amis l’ont été. Nous connaissons chacun d’entre vous, vos conseils d’administration respectifs. Nous vous disons qu’il y aura des actions concrètes et vous risquez de ne plus voir vos enfants. Nous connaissons votre comportement et votre emploi du temps :
 ASADHO : Jean-Claude Katende (président de l’ASADHO/Katanga), [Freddy] Kitoko, [Golden] Misabiko, [Marc] Walu, [George] Kapiaka, [Timothée] Mbuyia
 NDS : Jean-Pierre Muteba, secrétaire général, Cryspin
 GANVE : [Jean-Marie] Kabanga, [Léon] T[s]hiya
 CDH : Grégoire Mulamba
Si vous avez des femmes et des enfants, pensez une dernière fois à eux. Dernier avertissement et ceux qui vous entêtent ne vont pas vous protéger ".

Le même jour, le CDH et la NDS ont reçu un autre courrier électronique d’un individu prétendant faire partie d’un complot organisé par la SOMIKA, avec la complicité de l’EMAK. Cette personne cherchait à les mettre en garde contre des tentatives d’empoisonnement à l’encontre des personnes citées par le second courrier électronique de " First true ".
L’Observatoire est d’autant plus préoccupé par ces menaces que la majorité des personnes nommément citées dans les courriers anonymes du 31 décembre 2004 ont fait l’objet d’atteintes à leur intégrité physique, de menaces et de filatures. Ainsi, le 2 décembre 2004, M. Jean-Pierre Muteba, secrétaire général de la NDS, a dû être hospitalisé à Lubumbashi, à la suite de ce que les médecins ont identifié comme une tentative d’empoisonnement. M. Muteba a été transféré à Kinshasa pour y recevoir les soins nécessaires, et a pu revenir à Lubumbashi par la suite, ses jours n’étant plus en danger. M. Muteba avait déjà été arrêté et détenu du 18 au 29 en mars 2003, à la suite d’une déclaration qu’il avait faite à la presse, dénonçant les pillages des ressources naturelles dans la Province de Katanga (cf. appel urgent RDC 002/0303/OBS 016).
Par ailleurs, le 23 décembre 2004, M. Golden Misabiko, président honoraire de l’ASADHO/Katanga, chargé de la démocratie et de la bonne gouvernance, s’est rendu compte qu’il était surveillé, et a été menacé par deux hommes des services de sécurité à Lubumbashi (cf. appel urgent RDC 001/1204/OBS 097 du 29 décembre 2004).

Enfin, l’Observatoire a été informé que le 29 octobre 2004, la SOMIKA a déposé plainte pour diffamation devant le tribunal de paix de Kenya Katuba (Lubumbashi), à l’encontre de M. Jean-Marie Kabanga et de M. Léon Tshiya, également membre du GANVE. Le 4 octobre 2004, le GANVE avait publié en son nom propre un communiqué de presse intitulé " Cela nous concerne tous ", dénonçant les risques de pollutions de la station de pompage de la REGIDESO. Après trois reports, la prochaine audience a été fixée au 11 janvier 2005.

Actions demandées :

Merci d’écrire aux autorités de la République Démocratique du Congo, afin de leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de tous les défenseurs des droits de l’Homme précités ;

ii. Mener une enquête complète et impartiale sur les faits sus-
mentionnés, afin d’identifier leurs auteurs, les poursuivre en justice et les sanctionner selon les lois en vigueur ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 et plus particulièrement à son article 12-2, qui dispose que "l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la République démocratique du Congo.

Adresses :

 Le Président de la République, S.E M. Joseph Kabila, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : upp@ic.cd

 Le Vice-Président de la République en Charge de la Commission Politique, Défense et Sécurité, M. Azarias Ruberwa Manywa, Cabinet du Vice-Président de la République, avenue roi Baudouin ex-3Z, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Email : vice_presidence.rdc@ic-cd

 Le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, M. Ramazani Baya, Cabinet du Ministre, bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo

 Le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, M. Kisimba Ngoyi, Ministère de la Justice et Garde des Sceaux, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : 00 243 88 05 521

 La Ministre des Droits Humains, Mme Marie-Madeleine Kalala, Cabinet du Ministre, Boulevard du 30 juin, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax : 00 243 12 20 664, Email : min_droitshumains@yahoo.fr

 Le Président de l’Observatoire National des Droits de l’Homme (ONDH), M. Innocent-Michel Mpiga Tshibasu, Cabinet du Président, avenue Sendwe, Kinshasa/Kalamu, République Démocratique du Congo

 Ambassadeur, Mindua Kesia-Mbe, Antoine, Mission permanente de la République démocratique du Congo, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, e-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +4122 740.16.82

Paris - Genève, le 4 janvier 2005

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.
L’’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : observatoire@iprolink.ch Tel et fax FIDH : + 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

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