Agressions contre la MONUC : Les autorités nationales doivent appeler la population au calme

03/06/2004
Communiqué
RDC

La FIDH est vivement préoccupée par les événements militaires de ce début de semaine et la forte tension qui règne aujourd’hui dans l’ensemble du pays, risquant de saper les efforts entrepris par le processus de paix en cours en République démocratique du Congo (RDC), et plongeant la population civile dans la plus grande insécurité.

Le mercredi 2 juin 2004 au matin, la ville de Bukavu a été prise par des troupes insurgées conduites par l’ancien adjoint au commandant de la région militaire de Bukavu, Jules Mutebuzi, avec l’appui des renforts venus de Goma et dirigés par le général Laurent Nkunda. Tous deux affirment défendre les ressortissants de leur ethnie Banyamulenge, des Congolais d’origine tutsie selon eux victimes de violences.

Cette insurrection constitue une violation du cessez-le-feu signé mardi à Bukavu sous l’égide de la Mission de l’Organisation des Nations unies en République du Congo (MONUC) et du processus de paix, dénoncée publiquement par le président Kabila comme étant soutenue par le Rwanda, a soulevé une vague de protestation et de tension au sein de la population congolaise sur l’ensemble du territoire, notamment à Kinshasa, Kisangani, Lumumbashi, Klemie et Kindu.

Le Groupe Lotus, organisation membre de la FIDH, a indiqué que mercredi, dès 11 H du matin, des étudiants notamment de l’Université de Kisangani ont protesté dans les rues contre la prise du pouvoir des insurgés à Bukavu mais également contre le gouvernement et le personnel de la MONUC pour leur passivité face à cette situation. Celle-ci aurait dû, conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies et la résolution 1493 du Conseil de sécurité du 28 juillet 2003, « prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection des civils et des agents sous la menace imminente de violences physiques ».

Très vite, la manifestation a dégénéré en plusieurs incidents contre les biens et les personnes de la MONUC : 2 jeeps ont été brûlées ; le quartier général de la MONUC a fait l’objet de jets de pierre ; l’Hôtel Olympia où résident certains contingents des Nations unies a été incendié ; des habitations du personnel de la MONUC ont été sérieusement endommagées ; 2 militaires ont été grièvement blessés. D’autres agences du système des Nations unies comme le Programme alimentaire mondial et le PNUD ont également été visés par les manifestants, leurs biens brûlés ou saccagés.

Depuis ces évènements, Kisangani est ville morte. Les étudiants ont érigé des barricades empêchant les éléments de la MONUC de circuler entre le centre ville et l’aéroport. La police et les militaires congolais, déployés mais sans armes, semblent passifs face à ces graves débordements.

A Kinshasa, les évènements sont tout aussi inquiétants depuis mercredi après-midi. Au moins plusieurs dizaines de milliers de personnes sont dans la rue pour également protester contre l’apparente apathie de la MONUC et des autorités gouvernementales face à la prise de Bukavu par les insurgés. La MONUC tire en l’air pour éloigner la population, tandis que les forces de polices, débordées, semblent tirer à balles réelles. D’après la Ligue des Electeurs et l’Asadho, organisations membres de la FIDH, on déplore 7 personnes tuées, plusieurs blessés parmi les manifestants et de nombreux dégâts matériels : l’Unité électorale de la MONUC située avenue du Flambeau a été saccagée, plusieurs engins motorisés ont été brûlés, des sièges de partis politiques pillés.

Considérant que la prise de la ville de Bukavu par des éléments armés prétendus sous obédience rwandaise constitue une véritable insurrection contraire aux dispositions de la Charte des Nations unies, visant à saper le processus de paix en cours en RDC.

Consciente également que cette attaque militaire a été rendue possible par les obstacles politiques et le manque de volonté patent des acteurs de la transition de mettre en place dans les délais impartis le processus de transition démocratique amorcé il y a un an.

Considérant enfin, malgré l’absence de réaction de la MONUC et de l’armée congolaise face à cette insurrection, que les protestations violentes de la population civile contre les forces de maintien de la paix sont contraires aux dispositions internationales et régionales relatives à la protection des droits humains et portent atteintes, elles aussi, au bon déroulement de la transition démocratique.

La FIDH demande :

Aux insurgés de Bukavu :

 de déposer immédiatement les armes et de se conformer aux accords de paix signés à Pretoria le 17 septembre 2002 ;

 de se conformer aux Conventions de Genève de 1949, notamment la Convention IV sur la protection des civils.

Aux autorités nationales :

 d’intervenir publiquement pour appeler les manifestants au calme ;

 de protéger l’intégrité physique et des biens du personnel de la MONUC ainsi que de protéger la population civile, conformément aux dispositions internationales et régionales relatives aux droits de l’Homme ;

 de mettre en place une commission d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur toutes les atteintes aux personnes et aux biens perpétrées lors des manifestations et d’engager des poursuites contre leurs auteurs conformément au droit à un procès équitable ;

 d’accélérer la mise en place du processus de paix et de transition démocratique conformément aux dispositions de l’Accord global et inclusif en favorisant la mise en place d’une armée nationale réunifiée ; en mettant en place le programme de désarmement et réinsertion des combattants ; en adoptant les lois organiques portant création, organisation et fonctionnement des institutions d’appui à la démocratie (Commission vérité réconciliation, Commission électorale indépendante, Observatoire national des droits de l’Homme,...) nécessaires à la réalisation effective du processus de transition démocratique devant déboucher dans un an sur la tenue d’élections libres et pluralistes.

 de se conformer aux Conventions de Genève de 1949, notamment la Convention IV sur la protection des civils.

A la Mission de l’Organisation des Nations unies en RDC :

 de prendre les mesures nécessaires, dans les zones de déploiement de ses unités armées pour assurer la protection des civils et des agents humanitaires sous la menace imminente de violences physiques ;

 de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture d’armes et de tout matériel ou assistance s’y rapportant, aux groupes armés opérant dans le Nord et le Sud Kivu et en Ituri, et aux groupes qui ne sont pas parties à l’Accord global et inclusif sur la transition en République démocratique du Congo.

 d’aider le gouvernement à mettre en place le processus de désarmement, démobilisation, rapatriement, réinsertion ou réinstallation (DDRRR) des groupes armés étrangers

 d’aider le Gouvernement d’unité nationale et de transition à désarmer et à démobiliser les combattants congolais qui pourraient décider volontairement de prendre part au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR)

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