Nigéria : accord historique arraché au géant pétrolier ENI par une communauté, pour endiguer les inondations chroniques de son village

Après des années de bataille, les habitants de la communauté d’Aggah dans l’Etat de Rivers, au Nigeria, renouent enfin avec l’espoir d’une vie normale après avoir subi des inondations à répétition depuis 1970, parfois mortelles, du fait des colossaux travaux de terrassement du géant pétrolier ENI. Un accord historique conclu sous l’égide de l’OCDE entre les communautés et ENI a été publié le 2 octobre. Il impose au géant pétrolier d’effectuer enfin les travaux permettant d’endiguer des inondations dévastatrices pour les récoltes, l’environnement, et les communautés. Il fait suite à la plainte déposée contre ENI devant le point de contact national italien de l’OCDE le 15 décembre 2017 par une association représentant la communauté affectée : l’ Egbema Voice of Freedom (EVF), et ses représentants : Advocates for Community Alternatives (ACA) et Chima Williams & Associates (CWA). Cette plainte avait été déposée avec le soutien de la FIDH.

La plainte soulignait les effets dévastateurs des inondations sur la santé, les biens, les conditions de vie et l’environnement de la communauté Aggah. Elle alléguait que l’entreprise n’avait pas respecté les Principes directeurs de l’OCDE, qui établissent des normes internationales de conduite des entreprises auxquelles l’Italie et ses entreprises sont assujetties. Alors que les procédures qui aboutissent devant les Point de contact national (PCN) de l’OCDE sont rares, l’accord répond aux préoccupations essentielles des plaignants, à savoir la construction urgente de solutions de drainage pour atténuer les inondations ainsi que la possibilité de recourir à un expert technique pour déterminer de nouveaux efforts doivent être déployés.

"La communauté d’Aggah se réjouit de cette nouvelle. Cet accord fait suite à des années de bataille pour amener ENI et sa filiale NAOC à agir pour résoudre les inondations qu’elles ont créé. Nous restons cependant vigilants sur la manière dont la société et sa filiale nigériane vont mettre en œuvre l’accord", a affirmé le pasteur Evaristus Nicholas, porte-parole d’Egbema Voice of Freedom.

ENI a installé des forages pétroliers dans la ville d’Aggah et ses environs depuis les années 1960. La plainte fait valoir que l’entreprise a construit des routes surélevées, des terrassements et des plates-formes qui bloquent complètement les cours d’eau naturels qui coulaient autrefois à Aggah, provoquant de violentes inondations annuelles sur de vastes étendues de terres agricoles et de zones résidentielles depuis 1970. Selon une enquête menée auprès de plus de deux mille habitants d’Aggah, 90% des ménages ont perdu des produits agricoles et plus de 65% ont signalé de graves problèmes de santé à la suite des inondations. Plusieurs personnes se sont noyées dans les eaux de crue, dont un villageois qui est mort le mois dernier. Les inondations détruisent également les réseaux d’égouts, ce qui entraîne une vaste pollution et nuit à l’écosystème.

"Depuis des années, la communauté avait demandé à NAOC, filiale nigériane d’ENI, de régler le problème des inondations. En vain", a déclaré Jonathan Kaufman, directeur exécutif de l’ACA. "Le jeu a changé lorsque nous sommes allés en Italie pour faire valoir les Principes directeurs de l’OCDE, qui s’appliquent à toutes les entreprises italiennes, et lorsque nous avons demandé à ENI de prendre la responsabilité de ce qui se passait sur le terrain à Aggah."

"C’est une nouvelle particulièrement positive. D’abord, parce que la demande centrale de la communauté est enfin satisfaite par l’ENI. Deuxièmement, parce qu’il est extrêmement rare que les victimes obtiennent gain de cause devant le mécanisme de plainte de l’OCDE . C’est le résultat d’un effort constant et concerté de la communauté, des militants et des ONG pour amener l’entreprise à agir", a déclaré Giacomo Cremonesi, avocat italien et représentant de la FIDH dans la procédure devant le PCN italien.

Après que la plainte a été jugée recevable, le PCN italien a ouvert une procédure de médiation entre les parties en présence d’un tiers. Ce processus a abouti à un accord qui a été rendu public mercredi 2 octobre 2019. Il prévoit la construction urgente de nouveaux ponceaux et canaux de drainage ainsi que l’entretien et la gestion des canalisations existantes pour répondre aux inondations. Il indique également la vérification de l’impact de ces mesures en présence d’un expert technique, afin de déterminer si d’autres mesures doivent être prises. Les arpenteurs de NAOC sont déjà présents localement pour déterminer l’emplacement de toute nouvelle construction.

« Cette réussite montre que lorsque les victimes coordonnent correctement leur action avec celle de leurs avocats et présentent leurs cas avec un solide soutien en matière de preuve, les entreprises - aussi puissantes soient-elles - sont obligées d’écouter. Cela souligne encore davantage les avantages qu’il y a à suivre une procédure régulière et la primauté du droit. »

Prince Chima Williams, CWA

Contacts Presse :
Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) [anglais, français]
Sacha Feierabend : sfeierabend@fidh.net +33 6 85 12 24 53

Advocates for Community Alternatives (ACA) [anglais]
Jonathan Kaufman : jonathan@advocatesforalternatives.org +233 55 555 0377

Chima Williams & Associates (CWA) [anglais]
Prince Chima Williams : princewchima@yahoo.co.uk ; +2348023649890.

Egbema Voice of Freedom (EVF) [anglais]
Pastor Nicholas Evaristus : royalgraceassembly_evarist@yahoo.com ; +2348064329322

Lire la suite