Nouvel articleNER 001 / 0709 / OBS 095.4 Relaxe / Disparition forcée

14/08/2009
Appel urgent

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Niger.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé par l’Association nigérienne des droits de l’Homme (ANDDH) de la relaxe de M. Marou Amadou, président du Front uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques (FUSAD), du Comité de réflexion et d’orientation indépendant pour la sauvegarde des acquis démocratiques (CROISADE), membre du bureau national du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire - Publiez ce que vous payez, et représentant de la société civile à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), et de son transfert postérieur vers une destination inconnue.

Selon les informations reçues, le 11 août 2009, M. Marou Amadou a été relaxé par le Tribunal de grande instance (TGI) "hors classe" de Niamey, devant lequel il comparaissait selon la procédure de flagrant délit pour "atteinte à la sûreté de l’Etat" (cf. rappel des faits).

Vers 17h45, alors que plusieurs membres de la société civile nigérienne étaient réunis devant la prison civile de Niamey et attendaient que les formalités nécessaires la libération M. Amadou soient effectuées, deux véhicules 4x4 des Forces nationales d’intervention et de sécurité ont embarqué ce dernier et l’on conduit vers une destination inconnue. Selon les informations reçues, les véhicules auraient pris la route de Tillabéri. Il est possible qu’il soit transféré à la prison de haute sécurité de Koutoukalé, située à une quarantaine de kilomètres de Niamey.

L’Observatoire condamne fermement la disparition forcée de M. Marou Amadou, et ce quelques heures à peine après qu’une décision de justice ordonnant sa libération eut été prononcée. L’Observatoire exige par conséquent que toutes les mesures nécessaires soient prises pour localiser M. Marou Amadou dans les meilleurs délais et que ce dernier soit libéré de façon immédiate et inconditionnelle, conformément à la décision du TGI "hors classe" de Niamey.

Rappel des faits :

Le 29 juin 2009, M. Marou Amadou avait déjà été arrêté par la police nigérienne à Niamey et placé en détention dans les locaux de la police judiciaire de Niamey.

Le 30 juin, il a été accusé de “provocation à la désobéissance des forces de défense et de sécurité”, de “complot contre l’autorité de l’Etat” et d’“entreprise de démoralisation de l’armée” ainsi que de “flagrant délit de presse”. Ces accusations font suite aux propos que M. Amadou a tenu lors d’une émission diffusée sur la chaîne de télévision Dounia le 29 juin, dans laquelle il a fait référence à une déclaration du Front de défense de la démocratie (FDD) invitant l’armée à respecter l’article 13 de la Constitution du Niger, qui prévoit que “nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal”[1].

Le 2 juillet 2009, M. Marou Amadou a été libéré. Il reste cependant poursuivi pour “provocation à la désobéissance des forces de défense et de sécurité”, de “complot contre l’autorité de l’Etat” et d’“entreprise de démoralisation de l’armée” sur la base des articles 76, 78 et 79 du Code pénal nigérien - pour lesquels il encourt la peine capitale - ainsi que de “flagrant délit de presse”, sur la base de l’article 48 de l’Ordonnance portant régime de la liberté de la presse.

Le 9 août 2009, M. Amadou, en sa qualité de président du FUSAD, a lu une déclaration à l’occasion du dixième anniversaire de la Constitution du Niger, dénonçant notamment le régime corrompu du Président Tandja Mamadou et le référendum du 4 août 2009, et rappelant l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 12 Juin 2009 déclarant illégal ce référendum.

Le 10 août 2009, M. Marou Amadou a été arrêté vers six heures du matin par la police judiciaire pour “atteinte à la sûreté de l’Etat”. Il a ensuite été placé sous mandat de dépôt dans l’après-midi et écroué à la prison civile de Niamey pour "atteinte à la sûreté de l’Etat".

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités nigériennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Marou Amadou et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme nigériens ;

ii. Prendre toutes les mesures nécessaires pour localiser M. Marou Amadou ;

iii. Garantir à M. Marou Amadou l’accès immédiat et inconditionnel à un avocat de son choix et à sa famille, conformément avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies ;

iv. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Marou Amadou, arbitrairement détenu, conformément à la décision de justice du TGI "hors classe" de Niamey ;

v. Garantir une enquête immédiate, efficace, exhaustive, indépendante et impartiale sur ces évènements, dont les conclusions seront rendues publiques, et ce afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal civil indépendant, compétent et impartial et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

vi. Veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de M. Marou Amadou et de tous les défenseurs des droits de l’Homme nigériens ;

vii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

viii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Niger.


Adresses

· M. Mamadou Tandja, Président de la République du Niger, Fax : + 227 20 73 34 30.

· M. Seini Oumarou, Premier Ministre, Fax : + 227 20 73 58 59.

· M. Garba Lompo, Ministre de la Justice, Fax : +227 20 72 37 77.

· M. Albade Aboufa, Ministre de l’Intérieur, Fax : + 227 20 72 21 76

· Mission permanente du Niger auprès de l’Union européenne, Fax : + 32 2 648 27 84

· Ambassadeur M. Adani Illo, Mission permanente du Niger auprès des Nations unies à Genève, Avenue du Lignon 36 (2ème étage), 1219 Le Lignon, Suisse. Fax : +41 22 979 24 51. Email : missionduniger@gmail.com

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Niger dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 11 août 2009

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] La référence à cet article s’inscrit dans un contexte où le président Tandja Mahamadou a procédé à la dissolution de l’Assemblée nationale, le 26 mai 2009, puis s’est attribué des pouvoirs d’exception sur la base de l’article 53 de la Constitution, lui permettant de gouverner par le biais d’ordonnances et de décrets. Il a depuis suspendu l’application des articles 104 à 107 de la Constitution relatifs à la Cour constitutionnelle, qu’il a par la suite dissoute. Le 4 août, un référendum considéré comme inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle dissoute a été convoqué, afin d’introduire dans la Constitution la non-limitation du nombre de mandats présidentiels. Cette modification doit lui permettre de briguer un troisième mandat.

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