Niger : la Démocratie confisquée

11/02/2010
Rapport

L’Association Nigérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (ANDDH), rend public ce jour son rapport soutenu par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) intitulé « Niger : la Démocratie confisquée », qui fait la synthèse des conditions du déroulement du processus référendaire et des élections législatives.

A cette occasion, nos organisations rappellent qu’en dépit de leurs appels incessants pour le respect des textes que le peuple nigérien s’est librement donné, le processus de remise en cause des acquis démocratiques au Niger s’est poursuivi, engendrant le climat de tension politique vécu aujourd’hui par la population nigérienne.

Alors que les citoyens nigériens s’apprêtaient à se rendre aux urnes en décembre 2009 pour élire un nouveau Président de la République (la Constitution du Niger interdisant au Président en exercice de se représenter pour un troisième mandat), le Président Tandja Mamadou en a décidé autrement. Dans l’objectif de prolonger son mandat de 3 ans, le Président a unilatéralement décidé de réviser la Constitution par voie de référendum ce, à moins de six (6) mois de la fin de son mandat.

Pour réussir son plan, le Président a dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle opposés à cette révision et s’est octroyé indûment les pleins pouvoirs (utilisation de l’article 53) pour interdire toute manifestation de l’opposition et légitimer la répression de toute voix dissidente ; pour l’ANDDH et la FIDH, la tenue de ce référendum était illégale.

C’est donc dans ce contexte de coup d’État constitutionnel que l’ANDDH avait décidé d’enquêter sur les conditions du déroulement du processus référendaire et d’observer les élections législatives.

Les résultats de ces investigations et observations ont révélé de graves irrégularités.

S’agissant du référendum, les enquêteurs de l’ANDDH ont relevé les irrégularités suivantes :
 des arrestations arbitraires de défenseurs des droits de l’Homme et de membres de partis politiques de l’opposition ;
 une implication massive et illégale des autorités administratives et coutumières pour appeler la population à voter « Oui » ;
 l’achat de vote ;
 des menaces à l’encontre des chefs traditionnels ;
 le vote de mineurs et le vote massif par témoignage ;
 l’absence dans certains bureaux de bulletins « Non » ;
 des votes multiples sans carte d’identité, etc.

Les élections législatives ont, quant à elles, été émaillées des irrégularités suivantes :
 le non respect de la date de clôture de la campagne électorale ;
 l’usage des moyens de l’État à des fins de campagne ;
 l’implication des chefs traditionnels dans la campagne ;
 l’ouverture et la fermeture des bureaux de vote en dehors des heures légales ;
 l’inobservation des procédures du code électoral ;
 des dépouillements à huis clos ou en dehors des bureaux de vote ;
 l’absence de scrutateurs lors du dépouillement, etc.

A l’heure actuelle, la médiation entamée sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) semble piétiner malgré les efforts du médiateur et du Cadre Indépendant de la Société Civile pour trouver une voie de sortie de crise.

Or, si cette crise perdure, le pays risque de faire face à de graves difficultés dont les citoyens seront les premières victimes. L’isolement diplomatique et les sanctions économiques ont déjà frappé le Niger en réaction au déficit démocratique : d’ores et déjà, la CEDEAO a suspendu le Niger de toutes ses instances et l’Union européenne a gelé son appui budgétaire et son aide au développement. Il en est de même pour certains partenaires bilatéraux tels que le Danemark et les États-Unis qui ont également suspendu leur aide au développement.

A tous ces problèmes d’ordre politique s’ajoute l’inquiétude de la situation humanitaire consécutive à une désastreuse campagne agro-pastorale en 2009 qui risque de plonger près de 7,8 millions de personnes en situation de vulnérabilité accrue si rien n’est fait. L’ANDDH avait pourtant tiré la sonnette d’alarme dès octobre 20091 sur la gravité de la situation, qui a été confirmée par une enquête gouvernementale depuis lors.

Au regard de la gravité de la situation tant sur le plan social, économique que politique, l’ANDDH et la FIDH demandent notamment :

 à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, de mener ses négociations dans le but de mettre en place un processus de transition consensuel devant déboucher dans les plus brefs délais sur l’organisation d’élections présidentielles et législatives pluralistes et transparentes ;

 au chef de l’État, d’agir pour le seul intérêt du peuple nigérien, en mettant fin à cette dérive dictatoriale ;

 aux différents acteurs politiques, de mettre tout en œuvre pour faire aboutir les négociations en cours, seul critère pour démontrer leur bonne foi au peuple nigérien.

Voir en ligne : Crise au Niger
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