Lettre ouverte à Monsieur Maaouya Ould’ Sid Ahmed Taya,

24/05/2001
Rapport

Président de la République Islamique de Mauritanie

Monsieur le Président,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) tient à vous exprimer sa plus vive préoccupation concernant le transfert à Aioun de Monsieur Chbih Ould Cheikh Malaïnine, leader du Front Populaire Mauritanien, ainsi que ses conditions de détention.

En effet, Monsieur Chbih Ould Cheikh Malaïnine a été transféré le jeudi 17 mai à Aouin une ville située à 850 km de Nouakchott, dans une cellule exiguë, privé de tout contact avec l’extérieur pendant la journée, dans une région où les températures varient entre 42 et 46° degré à l’ombre. Ce transfert est intervenu à la suite de l’intervention du Parquet général auprès de la Cour suprême qui a demandé le dessaisissement de la Cour criminelle de Nouakchott au profit de celle d’Aioun.

Le procès ouvert sous haute tension le 10 avril 2001 avait été renvoyé au 17 avril 2001 pour audition des témoins à charge cités par l’accusation.

Le renvoi de l’affaire Chbih Ould Cheikh Malaïnine devant une juridiction géographiquement enclavée et sans communication de la requête aux fins de renvoi à l’accusé et à sa défense, comme le stipulent les articles 102, 236, 573 et 61 du Code de procédure pénale mauritanien, constitue une violation flagrante des droits de la défense et atteste de la volonté des autorités mauritaniennes de créer les conditions d’une parodie de justice. En guise de protestation contre l’atteinte aux droits de la défense les avocats de Monsieur Chbih Ould Cheikh Malaïnine ont décidé le boycott pur et simple de l’audience prévue le 28 avril prochain à Aioun.
La FIDH considère qu’au regard des conditions brutales dans lesquelles se sont déroulés l’arrestation et l’interrogatoire ainsi que les atteintes graves aux droits de la défense, les conditions d’un procès équitable et impartial ne sont pas réunies.

En outre, les conditions de détention de Monsieur Chbih Ould Cheikh Malaïnine, malade du cœur, démontrent une fois de plus le mépris avec lequel les autorités mauritaniennes traitent des citoyens et des libertés publiques. Ces méthodes sont en contradiction flagrante avec les engagements souscrits par la Mauritanie dans le domaine des droits de l’Homme et avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Depuis plusieurs mois les arrestations de leaders ou d’opposants politiques se sont multipliées en Mauritanie. La FIDH y voit un signe extrêmement inquiétant de tentative de museler purement et simplement toute forme d’opposition politique et plus largement toute forme de liberté d’expression.

La FIDH appelle au respect par la Mauritanie de sa législation et des instruments internationaux auxquels elle a souscrit, à l’arrêt de toute répression et menaces à l’encontre des partis politiques, ainsi qu’au respect de la dignité humaine.

La FIDH demande donc que Monsieur Chbih Ould Cheikh Malaïnine soit reconduit à Nouakchott dans les plus brefs délais, et qu’il soit remis en liberté si aucune charge sérieuse ne pèse contre lui.

La FIDH vous demande enfin et plus généralement, Monsieur le Président, de donner les orientations politiques nécessaires à votre Gouvernement, afin qu’il se conforme aux dispositions découlant des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme auxquels la Mauritanie est partie.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

SIDIKI KABA
Président

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