LES DEFENSEURS DES DROITS DE L’HOMME BAILLONNES

24/03/1998
Appel urgent

LA COUR D’APPEL DE NOUAKCHOTT CONFIRME LA PEINE DE 13 MOIS D’EMPRISONNEMENT A L’ENCONTRE DE QUATRE EMINENTS MILITANTS DES DROITS DE L’HOMME

Par arrêt rendu ce jour, la Cour d’Appel de Nouakchott a confirmé la peine de 13 mois d’emprisonnement prononcée contre le Professeur Cheikh Saoud Bouh Kamara, Sociologue, Président de l’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH), association affiliée à la FIDH, Me Fatimata M’Baye, Avocate et Vice Présidente de l’AMDH, Me Brahim Ould Ebetty, Avocat, Secrétaire Général du Conseil de l’Ordre du Barreau de Mauritanie et de l’Association des droits de l’Homme, Gerddes, et enfin Monsieur Messaoud, Architecte et Président de l’Association SOS Esclaves.

Le procès en appel de ces quatre militants des droits de l’Homme qui avaient été condamnés, pour création et appartenance à des organisations non autorisées, à 13 mois d’emprisonnement par le Tribunal Correctionnel de Nouakchott, le 12 février 1998, s’est ouvert le dimanche 15 mars 1998, devant la Cour d’Appel. Etaient présents en tant qu’observateurs Maître Sidiki KABA et Maître Bénédicte CHESNELONG, respectivement Vice-Président et chargée de mission auprès du Bureau exécutif de la FIDH, mandatés par la FIDH et par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme ; ainsi qu’un observateur de l’ONU, désigné par le Secrétaire Général et le Haut Commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies.

En refusant de faire droit à l’exception d’immunité judiciaire dont bénéficie le Professeur Kamara, en sa qualité de membre du Conseil d’Administration du Fonds des Nations Unies contre les Formes Contemporaines d’Esclavage, les autorités mauritaniennes ont démontré leur mépris des conventions et instances internationales qui veillent à la protection des droits de l’Homme.Le collectif de 50 avocats constitué pour la défense des quatre militants a, de façon limpide, démontré les incohérences, les nullités, et l’absence de fondement des poursuites engagées, à la suite de la diffusion d’un reportage par des chaînes françaises (France 3 et CFI) sur les séquelles de l’esclavage en Mauritanie, dans lequel seul Boubacar Messaoud était interviewé.

Le maintien de sanctions pénales quand la relaxe s’imposait suscite les plus vives inquiétudes sur l’indépendance de la justice en Mauritanie. Cette décision, que la FIDH condamne et déplore, confirme ainsi un net recul des libertés fondamentales en Mauritanie.

La FIDH rappelle que lorsque le verdict a été rendu en première instance, l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme, programme de la FIDH et de l’OMCT, qui avait mandaté un observateur international, s’était déjà déclaré consterné par cette décision qui marquait une nette régression en matière de liberté d’opinion et d’expression.

Les autorités mauritaniennes en sanctionnant en raison de cette seule qualité les défenseurs des droits de l’Homme ( la Cour ayant abandonné à l’encontre de Mr Messaoud l’autre chef de poursuite de " diffusion de fausse nouvelles par la voie audiovisuelle ") atteste de son mépris pour sa propre Constitution qui proclame et garantit les libertés fondamentales comme celle d’association, d’expression et d’opinion et plus généralement pour la Déclaration Universelle des droits de l’Homme à laquelle cette même Constitution se réfère pourtant expressément.

A l’heure où la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies se réunit, où les membres du Club de Paris réexaminent la dette Mauritanienne, un avertissement des plus fermes doit être signifié sans délai par la Communauté Internationale à la Mauritanie.

La France a, à cet égard, une responsabilité première, compte tenu des liens très étroits qu’elle conserve avec ce pays, et de son attachement proclamé au respect des droits de l’Homme. Elle se doit plus que jamais, en cette année anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, de ramener à la raison ceux qui bafouent les libertés les plus élémentaires et qui condamnent, uniquement en raison de leur action, les militants des droits de l’Homme. En l’occurence, les autorités mauritaniennes, au plus haut niveau.

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