Harcèlement et diffamation à l’encontre d’un défenseur

Paris-Genève, le 12 février 2010. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), exprime sa préoccupation face à l’intensification des menaces et des entraves subies par le défenseur Biram Ould Dah Ould Abeid, conseiller à la Commission nationale mauritanienne des droits de l’Homme, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) et chargé de mission auprès de SOS-Esclaves.

Le 6 février 2010, M. Biram Ould Dah Ould Abeid, qui est très actif dans la lutte pour l’abolition du crime d’esclavage dans son pays, s’est vu refuser sa demande de renouvellement de passeport par la Direction de la sûreté nationale, sans motif valable. M. Biram Ould Dah Ould Abeid, en tant que membre de la Commission nationale des droits de l’Homme, dispose en effet d’un passeport de service dont le renouvellement dépend d’une demande écrite adressée au directeur de la sûreté nationale. Cependant, suite à une notification verbale du secrétaire général du Gouvernement, la Direction de la sûreté nationale a refusé la demande de M. Biram Ould Dah Ould Abeid, dont le passeport arrive à expiration le 4 avril 2010. Or M. Biram Ould Dah Ould Abeid doit assister au Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH), organisé à Genève du 5 au 14 mars 2010, afin de présenter le documentaire "Chasseurs d’esclaves"[1] sur le travail mené par l’organisation SOS-Esclaves, et les autorités suisses exigent une période de validité du passeport de trois mois au-delà de la date de sortie du territoire pour accéder à une demande de visa. De plus, le 9 février, l’Inspecteur général des armées, le colonel Mohamed Ould Meguett, a signalé à deux proches de M. Biram Ould Dah Ould Abeid intervenus en faveur de ce dernier à ce sujet que le refus de renouvellement de son passeport "n’était qu’un avertissement" et que la tolérance à son égard "avait atteint ses limites".

M. Biram Ould Dah Ould Abeid est l’objet d’une attention particulière des autorités mauritaniennes depuis sa participation à la conférence intitulée "L’esclavage en terre d’Islam : pourquoi les maîtres mauritaniens n’affranchissent pas leurs esclaves ?", organisée au Centre d’accueil de la presse étrangère (CAPE) le 17 février 2009 à Paris. Lors de cette conférence, ce dernier avait notamment dénoncé la persistance de l’esclavage et sa légitimation par l’application de la charia en Mauritanie et ses déclarations avaient été reprises dans plusieurs journaux africains. Puis les actes de harcèlement à l’encontre de M. Biram Ould Dah Ould Abeid se sont amplifiés à la suite de la conférence de presse donnée à Nouakchott le 3 novembre 2009 par Mme Gulnara Shahinian, rapporteure spéciale des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, au terme de sa visite. Les autorités reprocheraient à M. Biram Ould Dah Ould Abeid d’avoir informé Mme Shahinian sur la persistance des pratiques esclavagistes et la gravité de ce problème en Mauritanie[2].

Ainsi, par exemple, au mois de novembre 2009, un article anonyme contenant des propos diffamatoires à son encontre, notamment des allégations sur ses liens avec les services secrets israéliens, avait été publié sur le portail d’information elbidaya.net et relayé par un grand nombre de sites Internet mauritaniens. De plus, à cette même période, un individu non-identifié avait tenté de s’introduire à son domicile avant de prendre la fuite. En outre, le 23 novembre 2009, le Ministre de l’Intérieur avait averti M. Biram Ould Dah Ould Abeid par l’intermédiaire d’un proche de ce dernier qu’il avait reçu "un mandat du président de la République pour traiter son cas" et l’avait également sommé de "cesser toute déclaration ou activité de lutte contre l’esclavage" et de "venir lui exposer tous les cas d’esclavage dont il avait connaissance".

L’Observatoire condamne les atteintes à la liberté de mouvement de M. Biram Ould Dah Ould Abeid ainsi que les actes de menaces et diffamation à son encontre, et considère que ces mesures visent à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme.

Par conséquent, l’Observatoire demande instamment aux autorités mauritaniennes de cesser les actes de harcèlement à l’encontre de M. Biram Ould Dah Ould Abeid, de lever immédiatement les obstacles à sa liberté de mouvement, et de garantir l’intégrité physique et psychologique de ce dernier conformément à l’article 12.2 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998.

Par ailleurs, l’Observatoire a été informé de la visite, depuis le 9 février 2010, d’une mission de promotion de la Commission africaine de droits de l’Homme et des peuples (CADHP) composée notamment du commissaire M. Mohamed Khalfallah, rapporteur de la CADHP sur les défenseurs des droits de l’Homme en Afrique. L’Observatoire appelle donc le commissaire Khalfallah à intervenir auprès des autorités mauritaniennes en faveur de M. Biram Ould Dah Ould Abeid et, le cas échéant, de prendre publiquement position sur cette affaire au cours de sa visite en Mauritanie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :

· FIDH : Gaël Grilhot / Karine Appy : + 33 1 43 55 25 18

· OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39

 [1]

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