"Depuis mon amputation, j’attendais le moment où je pourrais dire, en face d’Aliou Mahamane Touré, ce que j’ai subi en 2013 et ce que je vis depuis lors. Je suis heureux d’avoir pu le faire aujourd’hui, mais je regrette que les tortures que nous avons subies n’aient pas été pleinement reconnues. C’est donc une victoire en demi teinte pour moi, et pour les victimes de Gao"
Au terme d’intenses débats, où les victimes ont pu s’exprimer tour à tour, le Ministère public avait suivi les plaidoiries des avocats des parties civiles et requis la condamnation d’Aliou Mahamane Touré, y compris pour l’infraction de crimes de guerre. Après délibération, le jury n’a pas retenu cette dernière infraction. Nos organisations regrettent cette décision qui ne répond pas à l’ampleur et à la gravité des crimes commis à Gao. Aliou Mahamane Touré a finalement été condamné à 10 ans de réclusion criminelle.
"Ce soir, nous sommes satisfaits de la condamnation d’Aliou Mahamane Touré, mais la portée symbolique de ce procès est entachée par les infractions retenues, d’autant que l’ancien commissaire islamique était poursuivi pour crimes de guerre. Qualifier de coups et blessures les amputations commises à Gao est un véritable euphémisme. Ce procès montre tout le chemin qu’il nous reste à parcourir dans la lutte contre l’impunité au Mali"
Le 9 août dernier, les juges de la Cour d’assises de Bamako avaient accordé le report de l’ouverture du procès d’Aliou Mahamane Touré au 18 août, afin de permettre aux parties civiles d’y participer. En effet, celles-ci n’avaient pas pu se rendre à l’audience, aucune mesure n’ayant été prise pour les faire venir de leur domicile de Gao jusqu’à la capitale. La FIDH et l’AMDH, qui ont conduit des enquêtes à Gao dès 2013 et qui ont accompagné les victimes tout au long de la procédure, ont organisé la venue des parties civiles à Bamako et leur accompagnement judiciaire.
Nos organisations rappellent que d’autres procédures judiciaires relatives à la crise que le Mali a connu en 2012-2013 sont en cours et doivent s’accélérer pour endiguer l’impunité et garantir le droit des victimes à la justice. Nos organisations accompagnent notamment plusieurs dizaines de femmes victimes de crimes sexuels dans le Nord du pays et qui attendent un procès. Plusieurs responsables présumés des crimes les plus graves sont toujours en liberté, dont Ag Alfousseyni Houka Houka, l’ancien juge islamique de Tombouctou libéré en 2014. Enfin, nous attendons la reprise du procès de Haya Sanogo et de 17 autres hauts responsables de la junte au pouvoir en 2012 pour l’exécution sommaire de 21 militaires, suspendu depuis le 8 décembre 2016.