Visite des principaux mécanismes régionaux de protection des droits de l’Homme au Kenya : l’occasion pour le pays de se conformer à ses engagements

22/07/2013
Communiqué
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Dans la perspective de la visite au Kenya de la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples (Cour africaine) et de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), la FIDH et son organisation membre, KHRC, appellent les autorités kényanes à saisir cette occasion pour se conformer à leurs engagements et obligations en matière de protection des droits de l’Homme, en particulier en matière d’accès à la justice pour les victimes de violations.

La Cour africaine entame aujourd’hui une mission de sensibilisation au Kenya avec pour objectif de renforcer la protection des droits de l’Homme dans ce pays. La FIDH et KHRC considèrent cette visite comme une opportunité pour le Kenya de faire la déclaration au titre de l’article 34.6 du Protocole portant création de la Cour africaine, pour enfin permettre aux individus et ONG au Kenya, en cas d’épuisement des voies de recours internes, d’avoir un accès direct à cette instance pour dénoncer la responsabilité de l’État dans les cas de violations des droits de l’Homme. « Le Kenya est un État partie au Protocole portant création de la Cour africaine depuis 2004. Il est temps de garantir l’effectivité de ce mécanisme fondamental. Faire la déclaration au titre de l’article 34.6 pourra sans aucun doute renforcer la protection contre les violations des droits de l’Homme au Kenya et accroître la capacité des victimes à obtenir justice et réparation » a déclaré Sheila Muwanga Nabachwa, Vice Présidente de la FIDH, Directrice Exécutive adjointe des Programmes à la Foundation for Human Rights Initiative (FHRI – Ouganda).

La FIDH et KHRC appellent les autorités kényanes à saisir l’opportunité de la visite de la Cour pour se conformer à la décision prise par cette dernière sur la protection des droits de la Communauté Ogiek. Le 15 mars 2013, faisant suite à une requête de la CADHP, au nom de la Communauté Ogiek de la Mau Forest, la Cour africaine a ordonné au Kenya de réinstaurer les restrictions légales à la vente de parcelles de terre se trouvant dans la Mau Forest, pour éviter tout dommage irréparable à cette communauté. “Le Kenya a fait des progrès notable dans la mise en place de mesures de protection des droits des communautés marginalisées, en particulier de leurs droits fonciers, et cela, conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution. Les mesures provisoires rendues par la Cour africaine concernant la situation des Ogiek représentent une opportunité pour le gouvernement kényan de démontrer sa volonté de respecter ses obligations constitutionnelles et de rompre avec les approches rhétoriques des administrations passées » a déclaré Atsango Chesoni, Directrice Exécutive de KHRC.

L’accès à la justice et la lutte contre l’impunité devront également être au cœur des discussions entre les autorités kényanes et la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), qui tiendra dans ce pays, du 20 au 24 juillet, sa 14ème Session extraordinaire. La FIDH et KHRC appellent la CADHP à adresser des messages clairs et publiques aux autorités kényanes sur la nécessité de garantir l’accès à la justice et à la réparation pour les victimes des violences post-électorales de 2007/8, conformément à leurs obligations au titre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples et des autres instruments régionaux et internationaux pertinents, et comme une pré-condition à l’établissement durable et effectif de l’État de droit dans ce pays. La CADHP doit par ailleurs appeler à ce que ce processus s’accompagne de réformes immédiates et adéquates dans le secteur de la sécurité et de mesures permettant de garantir l’indépendance, la crédibilité et la responsabilité du secteur judiciaire.

« Alors que les réformes du secteur judiciaire sont à saluer, d’autres réformes au sein d’institutions pourtant clés de la chaîne pénale sont à la traîne. Il est impératif que ces réformes soient mises en œuvre dans une égale mesure, pour rétablir la confiance du public dans les institutions telles que les agences de sécurité ou le Parquet. Elles doivent permettre de garantir la justice pour les victimes des violences de 2007/8 et surtout la non-répétition des crimes. Le gouvernement doit par ailleurs veiller à ce que les auteurs des violences de 2007/8 de rang intermédiaire ou subalterne soient effectivement poursuivis » a ajouté Atsango Chesoni.

Rappelant que le Kenya a été examiné par la CADHP en 2007, la FIDH et KHRC exhortent les autorités à prendre toutes les mesures requises pour mettre en œuvre les recommandations issues de cette Session, et pour soumettre sans délais leur deuxième rapport périodique à la Commission. Nos organisations insistent en particulier sur les recommandations relatives à la lutte effective contre les violences sexuelles et sexistes, contre la corruption, à la protection des populations autochtones et des personnes réfugiées, à l’abolition de jure de la peine de mort ou encore à la déclaration au titre de l’article 34.6 du Protocole portant création de la Cour africaine. Nos organisations appellent par ailleurs les autorités kényanes à réitérer leur engagement à garantir la capacité des défenseurs des droits de l’Homme à opérer dans un environnement libre et sans crainte et à pleinement impliquer les organisations de la société civile dans le processus de rédaction de leur deuxième rapport périodique à la CADHP, qui doit être soumis depuis 2009. La FIDH et KHRC appellent par ailleurs les autorités à mettre en œuvre les décisions de la CADHP relatives aux droits fonciers ancestraux de la communauté Endorois et à soumettre un rapport circonstancié à cet égard. Nos organisations exhortent enfin les autorités à ratifier dans les plus brefs délais la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et la Convention sur la Protection et l’Assistance des Personnes déplacées internes en Afrique.

« Le Kenya ne pourra pas appliquer une politique de l’autruche alors que les deux principaux mécanismes régionaux de protection des droits de l’Homme sont sur son territoire. Ce pays, où la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples a été adoptée, n’aura d’autre choix que de s’engager clairement à respecter ses obligations en matière de droits de l’Homme. Et ces engagements n’auront d’autre choix que d’être suivis par des actions concrètes » a déclaré Mabassa Fall, Représentant de la FIDH auprès de l’Union africaine.

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