Retour de mission en Guinée : accompagner les victimes du 28 septembre 2009 dans leur quête de justice et de réparation

FIDH

Contexte de la mission
Du 26 mai au 1er juin 2025, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), en collaboration avec l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) et l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA), avec le soutien de l’Union Européenne (UE), a mené une mission conjointe à Conakry. Cette mission s’inscrit dans le cadre du suivi du procès historique des responsables des crimes commis lors du massacre du 28 septembre 2009 et des jours suivants, pour lesquels huit accusés, dont l’ancien président Moussa Dadis Camara, ont été condamnés par le Tribunal criminel de Dixinn le 31 juillet 2024.

État des lieux du processus judiciaire
Le procès du 28 septembre 2009 a constitué une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité en Guinée. Huit des douze accusés ont été reconnus coupables de crimes contre l’humanité, dont meurtres, assassinats, viols, actes de torture, enlèvements, séquestrations et violences sexuelles, et condamnés à des peines allant de dix ans à la réclusion à perpétuité.
Toutefois, la procédure n’est pas encore achevée : la quasi-totalité des parties a fait appel, et l’audiencement du procès en appel ainsi que des dossiers connexes (notamment contre Bienvenue Lamah et d’autres accusés) n’a toujours pas eu lieu.

La grâce présidentielle : un obstacle à la justice

Le 28 mars 2025, le Général Mamadi Doumbouya a accordé une grâce présidentielle à Moussa Dadis Camara, alors même que la procédure d’appel était en cours et le le jugement pas encore definitif. Cette décision, non conforme au Code de procédure pénale guinéen et non susceptible de recours, a porté une atteinte grave aux droits des victimes et illustre une instrumentalisation politique de la justice.
Les victimes craignent désormais que d’autres grâces soient accordées, notamment en faveur de Toumba Diakité, Moussa Thiégboro Camara ou Claude Pivi, ce qui viderait le procès de son sens.

L’indemnisation des victimes : un processus opaque et incomplet

Un décret présidentiel du 26 mars 2025 a établi un dispositif d’indemnisation pour les victimes reconnues par le jugement du 31 juillet 2024. Cependant, la liste officielle issue de dudit jugement ne prend en compte que 334 victimes, alors que les organisations accompagnent 749 victimes dont les dossiers ont été transmis au Tribunal et au ministère de la Justice.
Le processus de sélection est opaque, les critères non explicités, et de nombreux cas d’homonymie compliquent l’identification des victimes. Les organisations de victimes ne sont ni consultées ni associées aux prises de décision, ce qui génère frustration et perte de confiance dans le processus de réparation.

Activités menées pendant la mission
La mission a permis de renforcer l’accompagnement des victimes à travers des réunions d’information et de mobilisation, la coordination avec les autorités et la représentation au sein du Comité d’indemnisation des victimes.
Plusieurs communiqués de presse ont été publiés pour dénoncer la grâce présidentielle, appeler à la reprise rapide du procès en appel et des procedures connexes, et exiger un processus d’indemnisation plus inclusif et transparent.

Recommandations
 Dénoncer la grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara comme non conforme à la procédure pénale et contraire aux intérêts des victimes.
 Appeler à la programmation rapide du procès en appel et des dossiers connexes, et à une communication transparente sur les avancées judiciaires.
 Soutenir les autorités guinéennes dans l’organisation du procès en appel et de celui en lien avec les procedures « connexe », tout en décourageant toute nouvelle grâce présidentielle

Conclusion
La mission a confirmé l’urgence de garantir l’indépendance de la justice et la participation effective des victimes au processus judiciaire et à l’indemnisation. Malgré les avancées, les décisions récentes des autorités mettent en péril la lutte contre l’impunité et la confiance des victimes envers l’État. La FIDH, l’OGDH et l’AVIPA continueront de se mobiliser pour que justice soit rendue et que les droits des victimes soient pleinement respectés.

Exiger un processus d’indemnisation inclusif et transparent, associant pleinement les organisations de victimes et prenant en compte toutes les victimes reconnues par le collectif d’avocats.

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