Le message du 24 février du Chef d’État major de l’armée de terre, Pépé Roger SAGNO, mettant « toutes les unités de l’armée de terre en alerte à partir du mardi 25 février 2020 sur toute l’étendue du territoire national et cela jusqu’à nouvel ordre », et demandant à des unités militaires d’ « organiser des patrouilles diurnes et nocturnes » est un nouveau signe de l’escalade en cours, qui pourrait menacer à terme l’unité et la paix dans le pays.
Ce message est intervenu une semaine avant l’organisation du référendum du 1er mars, qui vise à l’adoption d’une nouvelle Constitution ouvrant la possibilité d’un troisième mandat pour le Président Alpha Condé, au pouvoir depuis décembre 2010. En réaction, le FNDC appelle à de nouvelles journées de manifestations à partir d’aujourd’hui, jeudi 27 février.
« Étant donné l’impunité quasi totale accordée aux membres des forces armées guinéennes depuis des décennies, la mise en alerte et le déploiement des unités de l’armée de terre dans tout le pays ne peuvent qu’alimenter le cycle des violences et de répression. Notre message est clair : les militaires doivent rester dans les casernes et ne pas interférer dans la vie politique et la séquence électorale en cours, déjà très controversées » ajoute Drissa Traoré, Vice Président de la FIDH.
Des unités spécialisées sont déjà déployées dans le cadre du processus électoral, ce qui n’a pas empêché des dizaines de morts par balles, une fois encore dans une totale impunité.
Les manifestations appelées par le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) afin de contester la volonté présidentielle de changer la constitution pour permettre un troisième mandat, assimilable à un coup d’État constitutionnel, ont déjà été violemment réprimées par les forces de l’ordre, occasionnant la mort d’au moins 37 personnes depuis octobre 2019. « Selon des sources concordantes, la plupart de ces victimes ont été tuées par balles et aucune mesure concrète n’a encore été prise par les autorités compétentes pour mener des enquêtes sérieuses et poursuivre en justice les présumés auteurs de ces crimes » insiste Abdoul Gadiry DIALLO, Président de l’OGDH.
A quelques jours d’une élection controversée, la situation est extrêmement tendue. Outre les 37 personnes tuées depuis octobre 2019, plusieurs cas de blessés - dont une dizaine par balles - des arrestations et détentions arbitraires, des menaces et intimidations contre des journalistes dans l’exercice de leur métier ainsi que des destructions d’édifices publics et de biens ont été remontés à nos organisations. « La plupart des arrestations ont été effectuées en violation des règles de procédure pénale » a dénoncé Me Frédéric LOUA, Président de MDT.
Outre leur demande de cantonnement des militaires à leur caserne, la FIDH et ses ligues membres en Guinée condamnent les violences commises contre les manifestants, exigent la libération sans délai des militants du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) arrêtés, et demandent l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités du récent cycle de violences.
Enfin, la FIDH et ses ligues membres rappelle que la Constitution Guinéenne en ses articles 6, 9, 10 et 7 garantit respectivement le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et morale, l’interdiction contre les arrestations et détentions arbitraires, le droit de manifestation et de cortège, la liberté d’expression et oblige l’État à les respecter et à les protéger. « La république de Guinée est partie à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la Gouvernance qui consacre le principe de l’alternance démocratique. L’État guinéen doit s’y soumettre » a ainsi déclaré Alice MOGWE, Présidente de la FIDH.