Appel à la mise en oeuvre urgente des accords de Cotonou

26/01/2007
Communiqué

Lettre Ouverte

A l’attention de :
M. Louis Michel, Commissaire européen pour le Développement
H.E Dr Karl Prinz, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne à Conakry,
H.E Mme. Anna Silvia Piergrossi, cheffe de la délégation de L’Union europénne à Conakry
M. Michael Matthiessen, Représentant personnel de Javier Solana pour les droits de l’Homme
Mme Helena Merks, Présidente du Groupe de travail de Conseil sur les pays ACP
M. Peter Rothen, Président du Groupe de travail du Conseil sur les droits de l’Homme

RE. Répression en Guinée Conakry - Appel à la mise en oeuvre de la procédure d’urgence des accords de Cotonou

Excellences, Mesdames, Messieurs,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) vous appelle à intervenir d’urgence à la suite de la répression sanglante des manifestations populaires qui se déroulent dans tout le pays.

Une grève générale a été déclenchée depuis le 10 janvier 2007 afin de protester contre l’inflation, les dysfonctionnements dans la gestion des affaires publiques et la corruption, ainsi que l’impunité qui règne dans le pays.

Répression violente des manifestants

Selon les informations reçues, au 14ème jour de la grève générale, les forces de police et militaire guinéennes déployées dans le pays et qui tirent à balles réelles avaient déjà provoqué la mort d’environ 60 personnes et avaient fait plusieurs centaines de blessés parmi les manifestants. Pour le seul centre hospitalier universitaire (CHU) de Donka, on dénombrait près de 150 blessés.

Pour la seule journée du 23 janvier, les forces de sécurité appelées « anti-gang » ont tué 4 personnes au cours de la manifestation qui s’est déroulée dans la haute banlieue de Conakry.
Le droit à la vie et le droit de manifestation, gravement bafoués à cette occasion, sont pourtant des droits reconnus et garantis par les instruments régionaux et internationaux de droits de l’Homme ratifiés par la Guinée.

Attaques ciblées contre des défenseurs des droits de l’Homme

En outre, d’après nos informations, une vingtaine de dirigeants syndicaux ont été la cible des autorités, et victimes de mauvais traitements. Ceux-ci ont notamment été dirigés contre les représentants des quatre syndicales ouvrières indépendantes : Dr. Ibrahima Fofana, secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), Mme Hadja Rabiatou Diallo, secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs guinéens (CNTG), M. Yamodou Touré, secrétaire général de l’Organisation des syndicats libres de Guinée (ONSLG), et M. Abdoulaye Baldé, secrétaire général de l’Union démocratique des travailleurs de Guinée (UDPG).

Selon les informations reçues, le 22 janvier 2006, de nombreux membres de la garde rapprochée du Président de la République, les Bérets rouges, conduits par le fils du Président de la République, M. Ousmane Conté, se sont rendus à la Bourse du travail où sont réunis de nombreux syndicalistes et membres d’organisations de la société civile depuis le début de la grève générale menée depuis le 10 janvier 2007.

A leur arrivée, les Bérets rouges ont saccagé l’ensemble des bureaux et des ordinateurs et ont passé à tabac de nombreux syndicalistes à coups de crosse. Une vingtaine de dirigeants syndicaux, parmi lesquels Dr. Ibrahima Fofana, Mme Hadja Rabiatou Diallo, M. Yamodou Touré et M. Baldé, ont également été frappés, puis arrêtés et conduits dans les locaux de la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS). Ils n’ont été libérés que tard dans la nuit du 22 au 23 janvier 2007.

Ces faits interviennent alors que le 12 juin 2006, M. Fodé Bangoura, ministre d’Etat chargé des Affaires présidentielles, avait déclaré vouloir "broyer les syndicalistes", qui venaient de lancer une grève générale pour protester contre la cherté de la vie dans le pays. M. Bangoura aurait par ailleurs, à la même époque, menacé de mort M. Ibrahima Fofana, M. Louis Mbemba Soumah, secrétaire général du Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG, affilié à l’USTG), et M. Ahmadou Diallo, premier secrétaire général adjoint de la CNTG.

Un conflit susceptible de s’étendre

La FIDH est particulièrement inquiète de la poursuite de la répression alors que la garde présidentielle, appelée les « bérets rouges », est depuis peu épaulée par des forces militaires étrangères issues de Guinée-Bissau, risquant ainsi de régionaliser le conflit.

Suspension de l’accord de Cotonou

De part ces actes, les autorités guinéennes s’inscrivent en violation des « obligations essentielles » de l’Accord de Cotonou, découlant du respect des droits de l’Homme des principes démocratiques et de l’Etat de droit visés à l’article 9 paragraphe 2. Nous estimons en outre que la nature particulièrement grave et évidente de ces violations constitue un « cas d’urgence particulière », au titre de l’Article 96.b de cet accord.

Nous appelons en conséquence l’Union européenne à ouvrir une procédure d’urgence à l’encontre de la Guinée, en vertu de l’Article 96 des accords de Cotonou, et à décider de la suspension temporaire de l’accord, si les consultations avec les autorités guinéennes n’aboutissent pas à une cessation immédiate des actes de répression et au déploiement d’une enquête internationale indépendante sur ces faits.

Nous appelons en outre l’Union européenne à intervenir explicitement auprès des autorités guinéennes en vertu des lignes directrices pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à la présente, je vous prie d’agréer, Madame, Messieurs, l’expression de mes sentiments les plus respectueux

Sidiki KABA
Président

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