« Bien que le limogeage du commandant Sékou Resco Camara ne soit pas en lien direct avec la procédure judiciaire en cours, il constitue néanmoins un signal positif pour le bon exercice de la justice », a déclaré Me Patrick Baudouin, responsable du Groupe d’action judiciaire de la FIDH et avocat des victimes. « Pour que le travail de justice puisse se faire en toute sérénité, il est absolument nécessaire que toutes les personnes inculpées pour des graves violations des droits humains soient relevées de leurs fonctions en attendant qu’une juridiction indépendante puisse statuer sur leur responsabilité pénal individuelle », a-t-il ajouté.
Si nos organisations ont pris acte de l’éviction de M. Sékou Resco Camara, elles demeurent préoccupées par les informations faisant état de sa possible nomination auprès d’une représentation diplomatique de la Guinée à l’étranger. Une telle nomination, éloignerait M. Resco Camara du territoire guinéen ce qui ne garantirait plus sa représentation devant les juges et constituerait un très mauvais signal pour la justice nationale.
« Nous ne pouvons croire que M. Resco Camara, qui a été formellement mis en cause par la justice guinéenne pour des faits d’une extrême gravité, puisse être nommé à de nouvelles fonctions qui le soustrairait, de fait, à la justice et serait perçue comme une prime à l’impunité. S’il demeure présumé innocent, M. Camara doit néanmoins se tenir à la disposition de la justice de son pays » a déclaré Me Drissa Traore, vice-président de la FIDH.
À la suite d’une plainte déposée par la FIDH et l’OGDH devant le tribunal de première instance de Dixinn (Conakry II) le 18 mai 2012, le Procureur de la République avait ouvert une enquête le 29 mai 2012, pour « arrestation illégale, séquestration, coups et blessures volontaires, abus d’autorité, crimes et délits commis dans l’exercice de ses fonctions ». À ce jour, l’instruction a permis de réunir des éléments probants permettant d’inculper le commandant Sékou Resco CAMARA, le général Nouhou THIAM et le commandant Aboubacar Sidiki CAMARA dit « De Gaulle », respectivement les 14 février, 25 février et 31 juillet 2013.
En octobre 2010, selon les informations transmises à la justice, des éléments de la garde rapprochée du Président par intérim de la transition auraient arrêté et détenu arbitrairement plusieurs individus et les auraient soumis à des actes de torture en présence et suivant les instructions de M. Sékou Resco Camara, du Général Nouhou Thiam, et du Commandant Aboubacar Sidiki Camara dit De Gaulle.
Si l’instruction, ouverte en mai 2012, a d’abord progressé rapidement, elle semble aujourd’hui marquer le pas. Une commission rogatoire a été adressée en août 2013 au Commandant Cissé de l’escadron de gendarmerie de Hamdallaye, où les faits auraient été commis, mais n’a toujours pas abouti. De même, le Commandant Gabriel Tamba Diawara du camp PM3 de Matam, où les 17 victimes constituées parties civiles et accompagnées par la FIDH et l’OGDH avaient été transférées et détenues pendant 48h après les faits, n’a toujours pas été entendu par le juge d’instruction.
« Depuis sa nomination en janvier 2014, le nouveau ministre guinéen de la justice a affirmé à plusieurs reprises vouloir placer la lutte contre l’impunité au cœur de son action. Nous espérons que cette affaire, qui est emblématique de la violence politique et de l’impunité qui a longtemps eu cours en Guinée pourra aboutir rapidement, compte tenu tant de la gravité des faits que du droit des victimes à la justice, dans des délais raisonnables » a déclaré Thierno Sow, président de l’OGDH.