Lettre ouverte à Monsieur Kumba Yala

04/02/2002
Communiqué

Président de la République de Guinée Bissau

Monsieur le Président de la République,

Nous avons appris l’arrestation, le samedi 2 février 2002, de Monsieur Fernando Gomes, responsable du parti d’opposition Alliance socialiste. Cette arrestation fait suite au mandat d’arrêt lancé contre lui dans le cadre d’une procédure relative à l’utilisation d’un financement octroyé à la Ligue guinéenne des droits de l’Homme par une Fondation hollandaise, en 1999. Fernando Gomes était président de la Ligue à cette époque.
Cette arrestation intervient le lendemain de la libération vendredi dernier de Monsieur Mane, Vice-président de la Ligue Guinéenne des droits de l’Homme, qui avait été arrêté le 26 janvier dans le cadre de la même affaire.
Lors d’un entretien avec vous, nos chargés de mission, qui étaient en Guinée Bissau du 22 au 29 janvier, vous avaient déjà fait part de l’extrême préoccupation de la FIDH face à cette procédure et aux menaces qui pèsent sur la liberté d’expression en Guinée Bissau. En effet, l’article 13 de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme prévoit que "chacun a le droit , individuellement ou en association avec d’autres, de solliciter, recevoir et utiliser des ressources dans le but exprès de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales par des moyens pacifiques". La destination exacte des fonds octroyés à la Ligue ne concerne que la Ligue et son bailleur de fonds.
Dans ces circonstances, la FIDH a toutes les raisons de croire que la procédure en cours est exclusivement motivée par la volonté de réduire au silence un opposant politique, Monsieur Gomes, et d’affaiblir la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, organisation indépendante affiliée à notre Fédération. La FIDH considère par conséquent que l’arrestation de Monsieur Gomes viole les articles 19 et 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui consacrent les libertés d’expression et d’association. Cette détention est arbitraire.
Par ailleurs, la FIDH déplore le climat de radicalisation de la vie politique en Guinée Bissau, illustré notamment par la fermeture d’organes de presse privée ; les menaces de confiscation des immeubles sièges de la Confédération syndicale nationale et du PAIGC, un des partis politiques représenté au Parlement ; la destitution et le placement en détention du Président et du Vice-président de la Cour Suprême ; les menaces de dissolution du Parlement ; la mise à l’écart de certains éléments jugés modérés de la direction du parti politique au pouvoir (le PRS) ; et le refus de promulgation du nouveau texte constitutionnel voté par la quasi-totalité des députés siégeant à l’Assemblée Nationale Populaire.
En tant que Président de la République, vous êtes le garant du respect des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales. La FIDH vous demande par conséquent de tout mettre en œuvre pour que Fernando Gomes soit libéré dans les plus brefs délais, et pour que son intégrité physique et psychologique soient respectées. La FIDH vous demande également de garantir le respect des libertés d’expression et d’association, et en particulier la liberté d’action des défenseurs des droits de l’Homme, conformément aux normes internationales de protection des droits de l’Homme.
Vous remerciant de l’attention et des suites que vous voudrez bien réserver à la présente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Sidiki Kaba
Président

Lire la suite