Le 14 avril 2016, une manifestation populaire a été organisée à Banjul, la capitale gambienne, en faveur d’une réforme électorale en vue de l’élection présidentielle prévue en décembre prochain. Cette manifestation a été violemment réprimée par les forces de l’ordre, qui ont procédé à un grand nombre d’arrestation, notamment celle de Ebrima Solo Sandeng, l’un des dirigeants du Parti démocratique unifié (UDP), principal mouvement d’opposition en Gambie. Ce dernier a trouvé la mort le 15 avril, après une journée de détention, dans des circonstances qui laissent craindre qu’il ait été victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, à la suite desquels il aurait succombé. L’Organisation des Nations unies a confirmé la mort de deux autres militants en détention qui seraient également membres de l’UDP sans que plus d’information n’ait été fournie à leurs sujets.
Une nouvelle manifestation, organisée le 16 avril afin de demander justice pour la mort de Solo Sandeng et la libération des personnes détenues arbitrairement, a de nouveau été réprimée dans la violence par les forces de sécurité gambiennes. Les manifestants ont été dispersés au moyen de gaz lacrymogène et de tirs de balles. Mme Fatoumata Jawara, dirigeante de la section jeunesse de l’UDP et Mme Nogoi Njie, 2eme vice-présidente de la branche Femme du parti, ont été gravement blessées et arrêtées après avoir été passées a tabac au cours de la manifestation. M Oussainou Darboe, chef de l’UDP, et plusieurs dizaines d’autre opposants arrêtés au cours de ces manifestations sont toujours détenus au secret.
« Les autorités gambiennes doivent immédiatement mettre un terme à la répression en cours, libérer toutes les personnes arbitrairement détenues, et faire la lumière sur les crimes graves commis au cours du week-end du 14 au 16 avril, notamment sur les circonstances de la mort des trois opposants. Les auteurs et responsables de ces crimes doivent être identifiés et poursuivis devant des juridictions indépendantes »
Ces manifestations pacifiques étaient organisées pour protester contre les réformes de la loi électorale de 2009 introduites à l’été 2015 par le gouvernement, qui visent notamment les conditions de participation à l’élection présidentielle. Ces réformes prévoient ainsi le versement d’une caution de 500 000 dalasis (environ 11 700 euros) pour se porter candidat et le paiement de 1 million de dalasis (environ 23 400 euros) pour former un parti politique. Chaque parti doit recueillir au moins 10 000 signatures de soutiens citoyens et avoir un représentant dans toutes les circonscriptions électorales du pays. En outre, ces réformes ont porté à 65 ans l’âge maximum pour être candidat. À seulement quelques mois de l’échéance électorale, et alors que Yahya Jammeh a été investi candidat de l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotique (APRC), son parti au pouvoir, le 26 février 2016, nos organisations craignent que le régime ne tente d’empêcher toute compétition politique et dénoncent les atteintes au pluralisme politique qui peuvent en découler.
Depuis son accession au pouvoir après un coup d’État en 1994, le président Yahya Jammeh a systématiquement muselé toute forme d’opposition et de contestation. Les violences des 14 et 16 avril 2016 mettent en lumière la nature répressive du régime en place. A mesure que l’élection du mois de décembre approche, nos organisations craignent que le gouvernement n’accroisse sa répression à l’encontre des opposants politiques, des journalistes indépendants et des défenseurs des droits humains, ce qui pourrait dégénérer en des violences pré-électorales.
« A huit mois de l’élection présidentielle le gouvernement de Yahya Jammeh doit impérativement cesser la répression à l’encontre des voix contestataires et respecter les libertés de réunion pacifique et d’expression, afin que le processus électoral soit crédible, inclusif et apaisé »
Ce nouvel épisode de violence s’est déroulé alors que la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples tenait sa 58e session jusqu’au 20 avril à Banjul. La Commission africaine et l’ONU ont par ailleurs dénoncé ces événements graves et appelé les autorités gambiennes a conduire une enquête indépendante sur la mort en détention des trois opposants et les violences commises à l’encontre des manifestants ainsi qu’à relâcher immédiatement et inconditionnellement les personnes détenues arbitrairement.
« Mon vote doit compter »
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