Ethiopie : répression massive contre les organisations de la société civile

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​​La récente dissolution d’organisations de la société civile (OSC) met en lumière le rétrécissement toujours plus important de l’espace de la société civile en Éthiopie. Violation majeure du droit à la liberté d’association et d’expression, cette décision génère d’importantes répercussions sur toute la société civile. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, partenariat entre la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), exhorte les autorités éthiopiennes à mettre immédiatement fin à l’intensification de cette répression contre l’espace de la société civile et contre les organisations nationales indépendantes de défense des droits humains.

Paris - Genève, 19 juin 2024. Ces dernières semaines, l’Autorité éthiopienne pour les organisations de la société civile (Acso) aurait fermé au moins 1 504 organisations de la société civile (OSC) au motif qu’elles n’auraient pas transmis leur rapport annuel. L’organisme en charge de superviser et de veiller à ce que les OSC respectent la loi nationale en vigueur, a décidé ces dissolutions dans le cadre de la loi sur les OSC révisée en 2011.

Cette loi oblige les organisations a soumettre un rapport annuel détaillant leurs activités principales dans un délai de trois mois après échéance de l’année fiscale. En cas de non respect de ce délai, une convocation publique est envoyée, suivie de la dissolution de l’organisation concernée. Cependant, lorsqu’elles manquent de financement, les OSC rencontrent des difficultés à respecter les obligations de l’Acso concernant ces rapports. Le manque de capacités matérielles, cumulé aux difficultés concernant la recherche de financements pour mener leurs activités ne permet pas de répondre aux lourdes exigences administratives.

Ces fermetures systématiques ont de graves répercussions sur la société civile et génèrent un climat de peur, d’isolement et de stigmatisation pour les organisations concernées et pour les autres acteurs·ices de la société civile éthiopienne. Cette mesure radicale apparaît d’une part comme une réponse punitive à des activités pourtant légitimes, et tend d’autre part à réduire au silence les organisations et les acteurs·ices de la société civile.

Cette dissolution sans précédent s’inscrit dans le cadre plus large de la répression contre l’espace de la société civile et contre les défenseur·es des droits humains. Au cours des derniers mois, les plus importantes organisations éthiopiennes de défense des droits humains font face à une hausse des actes d’intimidation, de harcèlement et de menaces de la part des autorités, y compris de l’Acso. Dans cette même dynamique, plusieurs défenseur·es des droits humains et journalistes ont été détenu·es arbitrairement.

Un rapport de l’Ethiopian Press Freedom Defenders, un collectif de professionnel·les des médias éthiopiens, a révélé qu’environ 200 journalistes ont été arrêté·es par les autorités depuis 2019. La fermeture arbitraire des OSC apparaît donc comme une nouvelle tentative pour restreindre la société civile. Il semble d’ailleurs que les autorités utilisent cette mesure comme un outil allant de pair avec d’autres formes de harcèlement relatif au travail de ces organisations. Ces dernières années, plusieurs défenseur·es des droits humains, y compris des journalistes, des universitaires, ou encore des figures de la société civile, ont été contraint·es à l’exil par crainte des représailles.

Dans le but de respecter, protéger, promouvoir le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion, l’Observatoire exhorte les autorités éthiopiennes à se conformer à leurs obligations en matière des droits humains conformément à la Constitution éthiopienne, à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et au Pacte international des droits civils et politiques.
L’Observatoire demande aux autorités éthiopiennes d’abroger immédiatement la décision de dissolution des OSC visées et de permettre à ces dernières de poursuivre leurs activités sans crainte de représailles.
L’Observatoire appelle les partenaires internationaux et régionaux en Éthiopie à s’engager dans des discussions diplomatiques avec les autorités éthiopiennes par le biais d’un plaidoyer international ou par la mise en œuvre de potentielles sanctions. Ceci dans le but d’encourager l’Éthiopie à annuler les dissolutions et de protéger la société civile et les défenseur·es des droits humains.
L’Observatoire recommande également à ces mêmes partenaires internationaux et régionaux de porter une attention particulière à cette situation qui tend à s’aggraver et cela par le biais de communications publiques dénonçant la répression à laquelle font face la société civile et les défenseur·es, en coopérant avec les OSC pour documenter les violations des droits humains et en fournissant une assistance financière et technique pour soutenir leurs activités.

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