Dans une note de position publiée aujourd’hui, la FIDH et la Ligue djiboutienne des droits de l’Homme (LDDH) dénoncent l’échec du dialogue politique et l’intensification de la répression menée à l’encontre des membres de la société civile et de l’opposition. Nos organisations expriment leurs vives préoccupations quant à la situation politique et la multiplication des violations des droits humains, à l’approche de l’élection présidentielle d’avril 2016.
Nos organisations souhaitent également attirer l’attention sur la situation de Omar Ali Ewado, un des membres fondateurs de la LDDH qui doit passer en procès le 17 janvier et appellent les organisations internationales et les diplomaties présentes à assister à son procès. Poursuivi pour diffamation publique, il avait rendu publique une liste de victimes et de disparus du massacre du 21 décembre.
« Omar Ali Ewado doit être libéré lors de l’audience du 17 janvier 2016 car il est poursuivi abusivement pour avoir fait son travail de défenseur des droits humains en dénonçant les crimes commis lors du massacre du 21 décembre 2015 et en demandant des comptes aux autorités djiboutiennes. Ce n’est pas lui qui devrait être poursuivi en justice mais les auteurs du massacre qu’il a dénoncé »
M. Omar Ali Ewado, un des membres fondateurs de la LDDH, a été arrêté le 29 décembre 2015 aux alentours de l’hôpital Bouffard, embarqué à bord d’un véhicule de la Gendarmerie nationale, conduit à la Section de recherche et de documentation (SRD) de la Gendarmerie et détenu incommunicado. Le 31 décembre, il a finalement été placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Gabode et est poursuivi en procédure de flagrance pour « diffamation publique » (article 425 du Code pénal) et « tentative d’entrave à l’exercice de la justice » (article 420 du Code pénal). Son crime : avoir publié une liste de victimes et de disparus lors du massacre perpétré par les forces de l’ordre le 21 décembre 2015 à Balbala [1]. Il a comparu le 10 janvier 2016 devant la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Djibouti, qui a renvoyé l’affaire au 17 janvier 2016. Le procureur de la République a requis 12 mois d’emprisonnement ferme contre M. Ewado.
« Djibouti traverse une crise politique, sécuritaire et des droits humains sans précédent. Et à quatre mois de l’élection présidentielle, il est urgent que la communauté internationale mette en place une Commission internationale d’enquête pour faire la lumière sur le massacre du 21 décembre 2015 et exige que les responsables soient jugés »
Depuis septembre 2015, nos organisations ont pu enregistrer une multiplication significative des arrestations et détentions arbitraires ainsi que des actes de violence, de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de dirigeants ou militants d’opposition, journalistes indépendants et défenseurs des droits humains, ainsi qu’à l’encontre de la population civile. Depuis le mois de juillet 2015, plus d’une centaine de personnes, principalement des militants et des responsables de l’opposition, ont été arrêtées pour des raisons politiques et la majorité d’entre elles n’ont pu bénéficier d’aucune assistance médicale et juridique. La plupart ont été condamnées à l’issue de procédures judiciaires abusives entachées d’irrégularités ou sont l’objet de harcèlement judiciaire. Les manifestations, rassemblements et réunions de l’opposition, sont systématiquement empêchés ou violemment réprimés et sont l’occasion pour les forces de l’ordre d’arrêter et de détenir arbitrairement, et parfois au secret, des militants en recourant à la force de façon excessive et disproportionnée.
Le massacre du 21 décembre 2015 au cours duquel 27 fidèles de la communauté Yonis Moussa ont été tués et 150 d’entre eux blessés par les forces de sécurité djiboutiennes démontre l’escalade de la violence des autorités djiboutiennes à l’égard de toute personne ou groupe considéré comme opposant au régime en place.
A ce jour, la majorité des principaux dirigeants de la coalition de l’opposition, l’Union pour le salut national (USN), sont soit détenus, soit sous le coup de procédures judiciaires. Un an après la signature de l’accord-cadre du 30 décembre 2014 entre l’UMP (Union pour la Majorité présidentielle), coalition au pouvoir, et l’USN (Union pour le salut national), coalition de partis d’opposition, les principales dispositions du texte n’ont pas été mises en œuvre et le pouvoir s’est engagé dans une stratégie de répression de l’opposition. Cet accord devait permettre de mettre un terme à la crise politique que traversait le pays et de mener à la tenue d’une élection présidentielle inclusive et transparente. Il prévoyait notamment la réforme de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et la création d’une commission parlementaire partiaire chargée d’organiser l’élection présidentielle. Au lieu de cela, le président Ismaël Omar Guelleh a récemment annoncé son intention de briguer un 4ème mandat lors de l’élection présidentielle d’avril 2016, ce que condamne l’opposition.
« Le gouvernement djiboutien devrait stopper la répression contre les défenseurs des droits humains et les militants politiques et enfin mettre en œuvre l’accord-cadre avec l’opposition sans quoi l’élection présidentielle d’avril 2016 sera une mascarade démocratique »
Ces atteintes aux droits humains interviennent alors que la mobilisation de l’opposition s’intensifie pour dénoncer les dérives autoritaires du régime, l’impasse politique persistante et le projet du président Ismail Omar Guelleh de briguer un quatrième mandat, après plus de 15 années de règne sans partage. Ce climat de violence d’État s’ajoute à l’intensification des affrontements depuis le mois d’août 2015 entre la branche armée de l’opposition, le FRUD (Front pour la restauration de l’unité et la démocratie branche), et l’armée djiboutienne.