Le Président de la Ligue djiboutienne des droits humains condamné à 6 mois de prison ferme sans réelle possibilité de défense

19/03/2007
Communiqué

Le 18 mars 2007, M. Jean-Paul Noël Abdi, président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), a été condamné par la Chambre des flagrants délits du Tribunal de première de instance de Djibouti à 6 mois de prison ferme et 100.000 francs djiboutiens d’amende. Il a été condamné pour « divulgation de fausses nouvelles », « dénonciation calomnieuse » et « diffamation » à propos d’une communication de la LDDH émise le 14 février 2007 concernant la découverte d’un charnier dans le village du Day (district de Tadjourah) comprenant les corps de sept civils qui auraient été tués par les forces gouvernementales le 1er janvier 1994.

Présent au procès, l’avocat de M. Abdi, Maître Zakaria Abdillahi, avait formulé une demande de renvoi, les pièces les plus importantes du dossier, notamment celles relatives à la procédure préliminaire et la plainte du ministère de la Défense, ne lui ayant pas été communiquées. Me Zakaria Abdillahi fondait également sa demande de renvoi sur le besoin de citer d’importants témoins. Sa demande ayant été refusée par les juges, il n’a pu défendre son client. Après une heure d’audience, la Chambre a prononcé la condamnation et émis un mandat de dépôt. M. Abdi a été conduit à la prison centrale de Gabode. Son avocat a fait appel ce matin.

Compte tenu des charges retenues contre M. Abdi, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), s’étonne, dans un premier temps, que l’affaire ait été portée devant la Chambre des flagrants délits et non le Tribunal correctionnel.

L’Observatoire dénonce également le fait qu’aucune pièce importante du dossier n’ait été préalablement communiquée à l’avocat de M. Abdi, ce en violation des droits de la défense garantis par la loi djiboutienne et les dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifiés respectivement par Djibouti en 1991 et 2003.

L’Observatoire rappelle en outre que l’arrestation de M. Abdi le 9 mars 2007 s’était effectuée de façon arbitraire, sans mandat, et que son passeport avait été saisi par les forces de police sans décision de justice (cf. communiqué de l’Observatoire du 13/03/2007).

L’Observatoire prie les autorités djiboutiennes de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Abdi et demande que toutes les irrégularités de procédure soient dûment prises en compte par les juges à l’occasion du jugement en appel qui doit intervenir dans les plus brefs délais.

L’Observatoire demande plus généralement aux autorités djiboutiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, notamment à son article premier qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » et à son article 6.b qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances su tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales », ainsi qu’aux dispositions des instruments internationaux et régionaux ratifiés par Djibouti.

L’Observatoire prie enfin la Rapporteure spéciale de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples sur les défenseurs des droits de l’Homme ainsi que la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme de saisir les autorités de Djibouti sur le cas de M. Jean-Paul Noël Abdi.

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