Arrestations arbitraires / Harcèlement - DJI 001 / 0206 / OBS 016

20/02/2006
Appel urgent

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir d’urgence à propos de la situation suivante à Djibouti.

Description des faits :

L’Observatoire a été informé par l’Union des travailleurs du port (UTP) de Djibouti de l’arrestation arbitraire de M. Mohamed Ahmed Mohamed, responsable aux affaires juridiques de l’UTP, et de M. Djibril Ismael Egueh, secrétaire général du Syndicat du personnel maritime et du service de transit (SP-MTS), deux organisations affiliées à l’Union djiboutienne du travail (UDT).

Selon les informations reçues, le 20 février 2006, les forces de sécurité ont arrêté M. Mohamed Ahmed Mohamed à son domicile et M. Djibril Ismael Egueh sur son lieu de travail, sans aucun mandat ni motif officiel. Ils les ont ensuite conduits aux bureaux de la Brigade criminelle et des renseignements généraux.

MM. Mohamed et Egueh étaient revenus la veille d’un séminaire de formation syndicale en Israël, organisé par l’Institut international de la centrale syndicale israélienne Histadrut. Ils auraient été interrogés sur leurs activités syndicales et sur les buts et motifs de cette formation. Toutefois, aucune information n’a été transmise aux représentants de la Ligue djiboutienne des droits de l’Homme (LDDH) et de l’UDT, venus s’informer du sort de leurs collègues et des motifs de ces arrestations.

L’Observatoire condamne fermement ces arrestations, qui s’inscrivent dans le cadre d’un harcèlement constant à l’encontre des dirigeants et membres de syndicats depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, selon les informations reçues, de nombreuses correspondances de l’UDT auraient été subtilisées, ou substituées par d’autres, à la poste de Djibouti depuis août 2005, notamment une plainte adressée par l’UDT au Bureau International du Travail (BIT), au sujet des licenciements et mises en pré-retraite abusifs dont avaient été victimes 12 dirigeants et militants syndicaux du port de Djibouti, dont M. Mohamed Ahmed Mohamed, en septembre 2005 (cf. appels urgents de l’Observatoire DJI 002/0905/OBS 084 et 084.1 et communiqué de presse du 22 décembre 2005).

En outre, le 22 janvier 2006, M. Hassan Cher Hared, secrétaire aux relations internationales de l’UDT, secrétaire général du Syndicat des postiers de Djibouti, et employé de la Poste, a été arrêté sur son lieu de travail par deux officiers des renseignements généraux. M. Cher Hared a été interrogé sur les dossiers de candidatures de plusieurs syndicalistes adressées au Centre pour la coopération internationale (MASHAV), division du ministère des Affaires étrangères israélien à Addis Abeba, afin de participer à la formation précitée. Il a ensuite été informé qu’il risquait d’être poursuivi pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » et « intelligence avec une puissance étrangère ». M. Cher Hared a cependant été relâché après l’interrogatoire.

L’Observatoire rappelle que M. Hassan Cher Hared avait été licencié sans préavis le 25 mai 2005 pour "fautes professionnelles graves, absentéisme et insubordination", après une mise à pied de huit jours. Dans sa lettre de notification, le directeur avait qualifié le militantisme de M. Cher Hared de "comportement irresponsable". Le licenciement de M. Cher Hared faisait suite, notamment, à ses observations concernant la gestion financière de la Poste, déplorant des dépenses illicites. M. Hassan Cher Hared avait également fait des déclarations en faveur des droits économiques, sociaux et culturels le 1er mai 2005, journée mondiale du travail (Cf. appel urgent DJI 001/0605/OBS 042). En août 2005, M. Hassan Cher Hared avait été réintégré à la Poste et affecté à Balbala, dans la banlieue de Djibouti. Toutefois, M. Hared, bien que rémunéré, n’a pas de poste défini. De plus, sa ré-affectation est illégale tant qu’aucune décision annulant son licenciement n’a pas été prise.

L’Observatoire réitère sa vive préoccupation à l’égard de l’ensemble de ces faits et actes de harcèlement récurrents dont sont victimes les défenseurs des droits économiques et sociaux à Djibouti, en particulier les représentants syndicaux. L’Observatoire souligne que ces faits s’inscrivent en violation de la Convention (n°98) sur le droit d’organisation et de négociation collective de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par Djibouti en août 1978, ainsi que de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations-unies le 9 décembre 1998, en particulier son article 5 selon lequel « afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit de communiquer avec des organisations non gouvernementales ou intergouvernementales ».


Actions demandées :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités djiboutiennes et de leur demander de :

i. garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mohamed Ahmed Mohamed et M. Djibril Ismael Egueh ;

ii. procéder à leur libération immédiate et inconditionnelle en l’absence de toute charge valable à leur encontre ;

iii mettre fin à toute forme de harcèlement et de représailles à l’encontre de MM. Mohamed Ahmed Mohamed, Djibril Ismael Egueh et Hassan Cher Hared, ainsi que contre l’ensemble des membres ou responsables de syndicats et des défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti, afin qu’ils puissent mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

iv. se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement son article 1 qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international », son article 5 sus-mentionné, et son article 11 qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, d’exercer son occupation ou sa profession conformément à la loi » ;

v. se conformer plus généralement aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ainsi qu’aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme auxquels Djibouti est partie.

Adresses :

· Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais du Peuple, BP 109, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 354060 / 47 71.

· Ismael Ibrahim Hemed, Ministre de la justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’homme, BP 12, Djibouti Ville. Tel / Fax : 00 253 35 40 21 / 54 20.

· Mohamed Barkat Abdillahi, Ministre de l’emploi et de la solidarité nationale. Cité ministérielle, BP 155-170, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 72 68.

***

Paris - Genève, le 20 février 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : + 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

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