Libération et actes de torture et de mauvais traitements à l’encontre de M. Farah Abadid Heldid - DJI 001 / 0212 / OBS 015.1

03/02/2012
Appel urgent

3 février 2012

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.


Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de la libération et des actes de torture et de mauvais traitements à l’encontre de M. Farah Abadid Heldid, membre de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) et journaliste pour La Voix de Djibouti.

Selon les informations reçues, le 2 février 2012, en milieu de journée, des agents des forces de l’ordre ont conduit puis abandonné M. Farah Abadid Heldid dans un terrain vague, dans le quartier de Gabode 4, après lui avoir préalablement bandé les yeux.

M. Farah Abadid Heldid avait été enlevé le jour précédent vers 11 heures du matin dans la ville de Djibouti par un policier en tenue et un agent en civil qui l’ont jeté dans une voiture. Ils lui ont bandé les yeux et conduit dans une cellule (probablement des services spéciaux) où ils l’ont déshabillé, menotté et torturé, notamment sur la plante des pieds à l’aide de morceaux de caoutchouc. Ils lui ont également brisé ses lunettes de vue en mille morceaux. Il a passé la nuit nu par terre. Tout au long de sa détention, les policiers lui ont dit qu’ils en avaient « marre de lui » et qu’il devait arrêter ses activités de journaliste, de défenseur des droits de l’Homme et ses activités politiques, allant jusqu’à le menacer de pire s’il continuait. Pendant sa détention, il n’a eu accès ni à son avocat ni à un médecin.

L’Observatoire salue la libération de M. Farah Abadid Heldid et remercie toutes les personnes, organisations et institutions qui sont intervenues en sa faveur.

Cependant, l’Observatoire condamne l’arrestation et les actes de torture infligés à l’encontre de M. Farah Abadid Heldid, en ce qu’ils ne semblent viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme, et rappelle que ce dernier a fait l’objet de multiples arrestations ces dernières années, et qu’une procédure judiciaire à son encontre ainsi qu’à l’encontre de M. Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH, est toujours pendante (cf. rappel des faits).

L’Observatoire souligne par ailleurs que cette arrestation intervient dans un contexte de multiplication des arrestations de militants politiques et d’atteintes aux défenseurs des droits de l’Homme depuis la tenue de l’élection présidentielle à Djibouti en 2011.

Rappel des faits [1] :

Le 5 février 2011, suite à une manifestation organisée le jour même par des étudiants et des lycéens contre la politique d’éducation du Gouvernement, M. Farah Abadid Heldid avait déjà été arrêté en l’absence de mandat par des éléments de la gendarmerie nationale alors qu’il se trouvait au siège du Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD), un parti membre de la principale coalition d’opposition. Conduit dans les locaux de la brigade de recherche de la gendarmerie nationale, à Djibouti-ville, il a été victime d’actes de torture et de mauvais traitements pendant quatre jours sans avoir accès à son avocat ni à un médecin.

Le 9 février 2011, après avoir rendu visite au procureur afin de s’enquérir sur la situation de son collègue, M. Jean-Paul Noël Abdi a à son tour été arrêté, sans qu’aucun mandat d’arrêt ne lui soit présenté par les agents de la gendarmerie nationale qui répondaient aux ordres du même procureur. Le jour même, MM. Noël Abdi et Abadid Heldid ont été déférés devant le parquet de Djibouti et accusés de “participation à un mouvement insurrectionnel” sur la base des articles 145 et 146.4 du Code pénal, qui prévoit jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 francs djiboutiens (environ 27 222 euros) [2]. Ils ont ensuite été placés sous mandat de dépôt et détenus à la prison de Gabode.

Suite à un malaise le 17 février, M. Noël Abdi, qui souffre de diabète et de problèmes cardiaques, a été libéré le 21 février sous contrôle judiciaire pour raisons de santé. Le 22 mars 2011, la juge d’instruction a accepté la demande de mainlevée qui avait été introduite par son avocat. Le 27 mars, le procureur a fait appel de cette décision. Le 31 mars 2011, la Cour d’appel a finalement confirmé la levée du contrôle judiciaire à son encontre.

Le 23 juin 2011, après plus de quatre mois de détention, M. Farah Abadid Heldid a été placé en liberté provisoire.

A ce jour, les charges à l’encontre de MM. Noël Abdi et Abadid Heldid restent pendantes.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie d’intervenir auprès des autorités de Djibouti et de leur demander de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Farah Abadid Heldid et Jean-Paul Noël Abdi et de tous les défenseurs des droits de l’Homme djiboutiens ;

ii. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente sur les graves allégations de torture et de mauvais traitements rapportées ci-dessus, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement - y compris judiciaire - à l’encontre de MM. Farah Abadid Heldid et Jean-Paul Noël Abdi, ainsi qu’à celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti, afin qu’ils puissent mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son :

 article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

 article 6(b), qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances su tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales”

 article 12.2, qui dispose que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la [...] Déclaration ” ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.

Adresses :

· Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 50 49 / 00 253 35 02 01.

· Monsieur Ali Farah Assoweh, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 54 20

· Monsieur Maki Omar Abdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 35 69 90.

· Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 749 10 91. Email : mission.djibouti@djibouti.ch

· Ambassade de Djibouti à Bruxelles, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : amb_djib@yahoo.fr

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos pays respectifs.

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