Djibouti : le président Sarkozy doit demander au président Ismaël Omar Guelleh l’arrêt des violations des droits de l’Homme

Nicolas Sarkozy reçu par Ismaïl Omar Guelleh en janvier à Djibouti. (Gérard Cerles/AFP)

La FIDH et ses organisations membres à Djibouti et en France, respectivement la LDDH et la LDH, ainsi que l’UDT, l’OMCT, l’UIDH et RSF appellent le président français Nicolas Sarkozy à demander au président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh, l’arrêt des violations des droits de l’Homme et des droits syndicaux à Djibouti ainsi que des actes concrets en faveur d’une transition politique permettant un réel système démocratique à Djibouti.

La FIDH et ses organisations membres à Djibouti et en France, respectivement la LDDH et la LDH, ainsi que l’UDT, l’OMCT, l’UIDH et RSF appellent le président français Nicolas Sarkozy à demander au président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh, l’arrêt des violations des droits de l’Homme et des droits syndicaux à Djibouti ainsi que des actes concrets en faveur d’une transition politique permettant un réel système démocratique à Djibouti.

« Alors que l’on célèbre le premier anniversaire de la révolution tunisienne, la France doit tirer les leçons du passé et ne plus soutenir jusqu’au bout des dictatures sans avenir » a déclaré Mme Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Le président français, M. Nicolas Sarkozy, doit recevoir ce mercredi 21 décembre 2011 à 17h son homologue djiboutien, M. Ismaël Omar Guelleh, qui a entamé son troisième mandat dans la contestation populaire [1] et étouffe toute contestation par l’emprisonnement et la torture dans son pays. A cette occasion, nos organisations appellent le président Sarkozy à aborder la situation des droits de l’Homme à Djibouti lors de son entretien avec Ismaël Omar Guelleh, de condamner les violations et d’obtenir des engagements du président djiboutien pour démocratiser le pays, notamment des élections réellement libres, une indépendance de la justice, le respect effectif des libertés publiques et individuelles comme la liberté de la presse et la liberté syndicale.

« La situation des droits humains est terrible à Djibouti : il y a eu depuis un an une multiplication des arrestations et détentions arbitraires, la pratique de la torture est toujours aussi rependue, la liberté d’expression des djiboutiens est constamment niée, les défenseurs des droits de l’Homme sont en prison ou sous le coup de procédures judiciaires, la liberté syndicale est foulée aux pieds depuis 10 ans » a déclaré Jean-Paul Noël Abdi, président de la Ligue djiboutienne de défense des droits humains (LDDH) et lui-même sous le coup de deux procédures judiciaires dont une pour « participation à un mouvement insurrectionnel ». [2]

« Le président Sarkozy reçoit un chef d’État dont le régime oppresse ses propres citoyens. Il doit être ferme et condamner ces atteintes graves aux droits de l’Homme tout en exigeant d’Ismaël Omar Guelleh des actes concrets pour libérer les prisonniers politiques, stopper les atteintes aux défenseurs des droits de l’Homme et juger les agents de l’État auteur des tortures » a déclaré M. Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme et du Citoyen (LDH).

Dernier épisode en date, les convocations le 13 décembre 2011 par la juge d’instruction Rahima Moussa Dawaleh de MM. Farah Abadid et Houssein Robleh, deux journalistes de La Voix de Djibouti, arrêtés le 21 novembre et sévèrement torturés pour obtenir des informations sur leurs activités de journaliste et d’activiste des droits de l’Homme. Leur avocat n’a pas pu avoir accès à l’intégralité du dossier d’où il ressort toutefois que l’incrimination qui évolue sans cesse s’achemine finalement vers une accusation fausse d’« appel à une rébellion armée ».

« MM. Farah Abadid et Houssein Robleh sont inquiétés parce qu’ils collaborent avec un média en exil et sont ainsi susceptibles de ’faire sortir’ de l’information de Djibouti. Leur cas illustre le manque de liberté de la presse dans ce pays et le harcèlement auquel s’exposent les journalistes  », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.

La situation des libertés syndicales est elle aussi préoccupante depuis de longues années. Ainsi le mouvement syndical djiboutien libre, dont l’UDT est depuis 1995 dans le collimateur des autorités : confiscation du siège de l’UDT par décret présidentiel au profit du ministère de la jeunesse et de sport en octobre 2011 [3] ; licenciements de dirigeants et militants syndicaux dont le secrétaire général de l’UDT pour fait de grèves ; non respect des résolutions et les recommandations du Bureau international du travail (BIT) réitérées chaque année et les missions de bons offices de l’OIT et de l’OAT ; harcèlement et répression constante des centrales syndicales libres de l’UDT et de l’UGTD dont les autorités djiboutiennes refusent de reconnaître l’existence légale et la légitimité ; création et soutien de syndicats inféodés au pouvoir et non légitimes afin de mettre en avant ces syndicats pro-pouvoir lors des conférences internationales notamment celle annuelle de l’OIT ; non respect des conventions et recommandations de l’OIT bien que Djibouti ait ratifié des 1978 plus des dizaines de conventions de l’OIT dont celles fondamentales.

« Nous appelons également les autorités de Djibouti à se conformer aux recommandations adoptées par le Comité contre la torture des Nations unies (CAT) lors de sa dernière session en novembre 2011, et en particulier celles relatives à la pratique fréquente de la torture par les forces de l’ordre et aux conditions de détention », a ajouté Gerald Staberock, secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).


Rappel

Six mois après l’élection présidentielle qui a vu le président Ismaël Omar Guelleh reconduit pour un troisième mandat après une élection-mascarade, le bilan de la répression post-électorale s’alourdit de semaine en semaine. Ainsi, le 16 octobre 2011, plusieurs dizaines de jeunes diplômés chômeurs issus de l’Université de Djibouti ont été interpellés lors d’une manifestation à la Place Lagarde à Djibouti-ville appelant à une politique sociale d’emploi. Placés en garde à vue au centre de rétention de Nagad, 32 des jeunes interpellés ont été déférés devant la justice et placés aussitôt sous mandat de dépôt à la prison centrale de Gabode. Le verdict a été mis en délibéré et devrait intervenir dans les prochains jours.

« Le gouvernement djiboutien doit procéder à la libération immédiate de tous les jeunes et tous les prisonniers politiques qui sont actuellement emprisonnés à Djibouti. Le gouvernement a l’obligation de se conformer aux engagements pris en matière de protection des droits humains » avait déclaré, le 4 novembre 2011 Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH.

Le 18 septembre 2011, quatre prisonniers politiques, MM. Hassan Amine, Ismaël Hassan Aden dit Madheedh, Ismaël Abdillahi Doualeh dit Sitiin et Abdi Osman dit Indabuur, ont entamé une grève de la faim pour protester contre leur arrestation et détention arbitraire depuis le 8 août, sous l’accusation fallacieuse de « participation à une insurrection armée ». M. Hassan Amine, qui est membre de la direction du Parti djiboutien pour le développement (PDD), a été arrêté à son domicile à Randa [4] Il serait en réalité poursuivi pour avoir rendu visite à des prisonniers politiques et en particulier d’avoir fourni des médicaments à Mohamed Ahmed dit Jabha [5], privé de soins ; pour avoir dénoncé des arrestations arbitraires et tortures de civils dans le nord du pays ; et enfin pour avoir joué un rôle actif dans l’organisation de la manifestation de 18 février 2011. Ismaël Hassan Aden dit Madheedh, qui est militant du PND, serait poursuivi pour son rôle, très actif, dans la mobilisation pacifique contre le pouvoir. Il aurait été torturé lors de sa détention par des gendarmes. Ismaël Abdillahi Doualeh dit Sitiin, distribuait le seul journal d’opposition, La République, journal du parti PND d’Aden Robleh Awaleh. Il était constamment harcelé par la police et aurait été torturé à la Section de Recherche et de Documentation (SRD). Abdi Osman dit Indhabuur, cadre de l’Union pour la Démocratie et la Justice (UDJ), a été arrêté en février 2011 à la suite de la grande manifestation, en raison de son rôle dans cette mobilisation. Il aurait lui aussi été torturé par des agents de la gendarmerie.

Depuis les grandes manifestations de février 2011 critiquant les manipulations constitutionnelles permettant au président sortant de briguer un troisième mandat et appelant à plus de liberté, la prison de Gabode et les geôles du régime ne désemplissent pas : opposants, défenseurs des droits de l’Homme, syndicalistes, collaborateurs de médias et autres citoyens ordinaires sont arbitrairement arrêtés, jetés en détention et souvent torturés. Outre les 4 grévistes de la faim, la prison centrale de Gabode est le lieu de détention d’une vingtaine de prisonniers politiques tels que :

  • Mohamed Ahmed Abdillahi, frère de l’opposant Mahdi Ahmed Abdillahi (mort le 14 avril 2009 à la prison centrale de Gabode), interpellé en mars 2009 à Djibouti-ville, torturé et condamné à 5 ans de prison en juin 2010 ;
  • Mohamed Hassan Robleh, militant du Mouvement pour le renouveau Démocratique (MRD), et Adan Mahamoud Awaleh, interpellés le 25 février 2011 à Djibouti-ville et torturés ;
  • Hamoud Elmi Ahmed dit Gedaleh, militant de l’Union pour la démocratie et la Justice (UDJ), interpellé en février 2011 et torturé ;
  • Mohamed Ahmed dit Jabha du Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (FRUD), interpellé en mai 2010 au nord du pays et torturé ;
  • Zakaria Awaleh, Mahdi Abdillahi, Zeinab Mohamed Robleh, Idriss Mohamed Robleh et leur père Mohamed Robleh, interpellés le 16 septembre 2011 pour avoir manifesté leur opposition en présence du président Guelleh dans la ville d’Ali-Sabieh au sud du pays où le président possède une résidence secondaire. Ils ont eux aussi été torturés ;
  • Ahmed Aidahis, pasteur nomade, interpellé début 2011 et accusé de soutien au FRUD a été violemment torturé et remis en liberté depuis lors [6]

A ces personnes, s’ajoutent 58 autres, qui ont été interpellées le 16 septembre 2011 lors de la manifestation d’Ali-Sabieh contre le président Guelleh. Détenues au poste de police de Galilé à la frontière avec l’Éthiopie pour avoir crié spontanément « mort à la dictature » sur le passage du président de retour de la mosquée, elles ont été libérées depuis lors.

La situation des défenseurs des droits de l’Homme demeurent aussi en suspens. Ainsi, M. Jean-Paul Noël Abdi et M. Farah Abadid Hildid, respectivement président et membre de la LDDH, qui avaient été arrêtés le 5 février 2011, et accusés de "participation à un mouvement insurrectionnel", sont toujours en attente de jugement. Ils encourent jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 Francs djiboutiens [7] M. Farah Abadid Hildid, en liberté provisoire depuis le 23 juin 2011, a été torturé entre le 5 et 9 février 2011 par des membres de la SRD.

« Cette répression systématique contre les opposants et la population doit cesser » avait déclaré Me Sidiki Kaba, président d’Honneur de la FIDH. « L’usage systématique de la torture contre les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’Homme est une honte pour Djibouti et une pratique d’un autre temps. Les auteurs de ces tortures devront être poursuivis » avait-il ajouté.

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