Le mercredi 13 mars 2013, le Conseil constitutionnel a confirmé les résultats provisoires des élections législatives du 22 février 2013 annoncés plus tôt, à savoir une victoire écrasante de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP – coalition des partis au pouvoir) avec plus de 80% des sièges du Parlement, l’UMP remportant 55 sièges contre 10 pour l’opposition.
L’opposition djiboutienne rassemblée au sein de l’Union pour le salut national (USN) a d’ores et déjà rejeté les résultats publiés et exprimé son intention de former un recours. Contrairement à certaines déclarations faites au lendemain des élections, il ressort d’informations recueillies par nos organisations, que ces élections ont été entachées de nombreux manquements et irrégularités, particulièrement dans certains bureaux de vote à Obock, Dikill, Tadjourah et Ali-Sabieh.
« Il est regrettable que les élections législatives du 22 février n’aient pas rempli toutes les exigences de transparence et de crédibilité alors même que pour la première fois depuis près de dix ans, les partis politiques de l’opposition avaient décidé de prendre part aux élections, laissant espérer un véritable pluralisme démocratique », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
Depuis les élections du 22 février 2013 c’est un climat politique tendu qui prévaut à Djibouti. Les élections du 22 février 2013 se sont tenues sur fond de fortes contestations populaires à l’encontre du régime d’Ismail Omar Guelleh. Les manifestations et meetings de l’opposition se sont multipliés, tout comme la répression des forces de l’ordre, faisant preuve d’un usage disproportionné de la force.
Nos organisations ont pu recueillir des informations fiables concernant au moins 6 personnes tuées par balles les 25 et 26 février 2013 par les forces de l’ordre. Il s’agit de 5 militants de l’opposition et d’un lycéen. Plusieurs autres cas de personne décédées au cours des manifestations des 25 et 26 février 2013 ont été signalés, sans que ces nouveaux cas puissent être vérifiés à ce stade en raison des risques et pressions qui pèsent sur les familles de militants de l’opposition tués ou blessés, la population préférant taire ces violations, craignant une répression encore plus forte. Les défenseurs des droits de l’Homme ne sont pas épargnés non plus et subissent harcèlements et menaces.
Depuis les manifestations du 25 février 2013, un grand nombre de militants et sympathisants politiques sont toujours détenus à la prison centrale de Gabode. D’après les informations recueillies, 90 personnes y seraient à ce jour incarcérées. Les jugements de certains détenus, accusés entre autres de « participation à une manifestation illégale, incitation à la violence, trouble à l’ordre public » ou encore « participation à un mouvement insurrectionnel », ont commencé et les peines prononcées s’avèrent particulièrement lourdes : jusqu’à 18 mois de prison ferme assortis de perte des droits civiques pour plusieurs années.
Ainsi, M. Daher Ahmed Farah, Président du Mouvement pour le Renouveau démocratique et le Développement (MRD) et porte-parole de l’USN a lui aussi aussi été placé en détention. Poursuivi notamment pour « trouble à l’ordre public et participation à un mouvement insurrectionnel », le Procureur de la République a requis contre lui 1 an de prison ferme le mercredi 13 mars. Le verdict rendu le 17 mars 2013 condamne M. Daher Ahmed Farah à deux mois de prison ferme. Ses avocats ont annoncé qu’ils feraient appel de cette décision.
En outre, les conditions de détention de toutes ces personnes restent préoccupantes. Des cas de mauvais traitement et de torture sont dénoncés, les prévenus n’ont qu’un accès limité voire dans certains cas inexistant à leurs avocats ; et leurs familles ne bénéficient pas de droit de visite. Ainsi, le 8 mars, certains parents de détenus ont tenté de braver cette interdiction et se sont rendus à la prison de Gabode pour tenter de voir leurs proches détenus. La police est arrivée, les a empêchés d’entrer, et les a emmenés sans ménagement dans des camions au centre de rétention administrative de Nagad, où ils ont été placés en détention 72 heures avant d’être relâchés. Parmi eux, il y avait de nombreuses femmes et enfants.
« Cette répression à l’encontre de la population civile et de l’opposition politique doit immédiatement cesser », a déclaré la LDDH. « Nos organisations n’ont eu de cesse de condamner la réaction violente et disproportionnée des forces de l’ordre et demandent à nouveau que toute la lumière soit faite par une enquête impartiale et indépendante sur les graves violations des droits de l’Homme qui ont lieu », a-t-elle ajouté.
La FIDH et la LDDH appellent les autorités djiboutiennes à strictement garantir le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, conformément à leurs engagements régionaux et internationaux. Nos organisations exhortent les autorités politiques à tout mettre en œuvre pour assurer un exercice indépendant, impartial et équitable de la justice, et réitèrent leur demande en faveur de l’ouverture immédiate d’une enquête judiciaire pour faire la lumière sur les agissements des forces de l’ordre et sanctionner les auteurs de violations des droits humains.
Enfin, la FIDH et la LDDH appellent la communauté internationale, notamment les Nations unies, l’Union africaine, l’Union européenne, la Ligue des États arabes et l’Organisation de la conférence islamique à condamner les violations des droits de l’Homme commises par les autorités djiboutiennes et à contribuer à une solution politique à la crise actuelle.