Djibouti : Rejet de la demande de mise en liberté provisoire de M. Houssein Ahmed Farah

14/11/2012
Appel urgent

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables du rejet par la Cour suprême de la demande de mise en liberté provisoire de M. Houssein Ahmed Farah, journaliste pour La Voix de Djibouti, membre de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) et du parti d’opposition Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD).

Selon les informations reçues, le 11 novembre 2012, la Cour suprême de Djibouti a rejeté le recours introduit par M. Houssein Ahmed Farah contre le rejet par la chambre d’accusation, le 16 août 2012, de sa demande de mise en liberté provisoire. À ce jour, les avocats de M. Farah n’ont pas eu connaissance des motifs de cette décision et attendent de recevoir l’arrêt de la Cour suprême de Djibouti. L’Observatoire rappelle que M. Farah est maintenu arbitrairement en détention préventive à la prison centrale de Gabode depuis le 11 août 2012 sur la base d’accusations manifestement infondées, sans qu’aucune instruction n’ait été menée (voir rappel des faits).

Les accusations portées contre M. Houssein Ahmed Farah seraient liées à son prétendu soutien au "mouvement" des étudiants et lycéens, qui ont manifesté dans les rues de Djibouti les 5 et 18 février 2011 pour contester les conditions non transparentes de l’organisation des élections présidentielles d’avril 2011 ainsi que la légalité de l’amendement constitutionnel d’avril 2010. Lors de ces manifestations, qui ont été sévèrement réprimées, plusieurs dizaines de lycéens, étudiants et membres de l’opposition avaient alors été arrêtés, et certains demeurent toujours détenus arbitrairement à la prison de Gabode.

Trois autres défenseurs des droits de l’Homme, MM. Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH, décédé entre temps, Farah Abadid Hildid, membre de la LDDH et journaliste pour La Voix de Djibouti, et Hassan Amine Ahmed, également membre du conseil national du Parti djiboutien pour le développement (PDD), avaient également été visés par cette vague de détentions arbitraires et de harcèlement judiciaire depuis le 9 février 2011[1]. À ce jour, aucun n’est détenu mais les charges de “participation à un mouvement insurrectionnel” contre M. Farah Abadid Hildid restent pendantes.

L’Observatoire exprime sa vive préoccupation quant à l’état de santé de M. Houssein Ahmed Farah, dont les conditions de détention font craindre qu’il ne s’aggrave, d’autant que M. Farah n’a bénéficié d’aucune assistance médicale appropriée depuis son arrestation et que des actes de mauvais traitements à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en détention sont régulièrement rapportés.

L’Observatoire appelle donc une fois de plus les autorités de Djibouti à libérer M. Houssein Ahmed Farah de manière immédiate et inconditionnelle et à mettre un terme aux poursuites à son encontre ainsi qu’à celles à l’encontre de M. Farah Abadid Hildid, en ce que ces actes ne semblent viser qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme et ne semblent étayés par aucun élément de preuve valable.

Rappel des faits :

Le 8 août 2012, M. Houssein Ahmed Farah a été arrêté puis transféré et placé en détention à la prison centrale de Gabode le 11 août. M. Farah est accusé de s’être soustrait au contrôle judiciaire auquel il était soumis depuis le 23 juin 2011 suite à des accusations de “participation à un mouvement insurrectionnel” remontant au mois de février 2011, un chef d’accusation au titre duquel il avait passé plus de quatre mois en détention préventive et pour lequel il encourt jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 francs djiboutiens (environ 27 222 euros) (articles 145 et 146.4 du Code pénal)[2]. Il est également poursuivi pour “faux et usage de faux”pour avoir soi-disant distribué de fausses cartes d’électeurs d’un parti politique dissout par décret présidentiel[3]. Cependant, ces accusations paraissent toutes deux infondées, d’autant que le 15 septembre 2012, deux témoins ont déclaré au juge d’instruction avoir signé sous la contrainte un document mettant en cause M. Houssein Ahmed Farah et préparé à l’avance par les enquêteurs de police.

Le 16 août 2012, la chambre d’accusation a rejeté la demande de mise en liberté provisoire introduite par M. Houssein Ahmed Farah. Ce dernier a alors fait appel de cette décision. Le 30 octobre 2012, la Cour suprême de Djibouti a étudié ce recours et mis sa décision en délibéré pour le 5 novembre.

Le 5 novembre 2012, la Cour suprême de Djibouti a reporté au 11 novembre 2012 son verdict au sujet du recours introduit par M. Houssein Ahmed Farah contre le rejet par la chambre d’accusation, le 16 août 2012, de sa demande de mise en liberté provisoire. Par ailleurs, le 4 novembre 2012, la chambre d’accusation avait rejeté une seconde demande de mise en liberté provisoire introduite suite au premier rejet.

Pendant sa garde à vue et son placement sous mandat de dépôt, ainsi que durant les quelques jours qui ont suivi, M. Houssein Ahmed Farah n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat. De plus, il n’a pu recevoir de visite au cours des premières semaines de sa détention. Enfin, bien que son état de santé soit préoccupant et nécessite un traitement spécifique, le journaliste n’a bénéficié d’aucune assistance médicale appropriée depuis son arrestation.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de Djibouti en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Houssein Ahmed Farah, Farah Abadid Hildid, Hassan Amine Ahmed et de tous les défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti ;

ii. Libérer de manière immédiate et inconditionnelle M. Houssein Ahmed Farah, en ce que sa détention ne semble viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;

iii. Garantir à M. Houssein Ahmed Farah l’accès immédiat et inconditionnel à un avocat de son choix et aux membres de sa famille ainsi que luigarantir un examen médical immédiat par un médecin de son choix, conformément, entre autres, à l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations unies ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement - y compris judiciaire - à l’encontre de MM. Houssein Ahmed Farahet Farah Abadid Hildid ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à :
 son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 6(b), qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ;
 et son article 12.2, qui prévoit que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la [...] Déclaration ” ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.

Adresses :

· Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 21 35 50 49 / 00 253 21 35 02 01.
· Monsieur Ali Farah Assoweh, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel : 00 253 21 35 15 06/ Fax : 00 253 21 35 54 20
· Madame Kadidja Abeba, Présidente de la Cour suprême de Djibouti, Boulevard de la République, Tél : 00 253 21 35 70 27 / 00 253 21 35 92 10
· Monsieur Maki Omar Abdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 21 35 69 90.
· Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 749 10 91. Email : mission.djibouti@djibouti.ch
· Ambassade de Djibouti à Bruxelles, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : amb_djib@yahoo.fr

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 14 novembre 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d ’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 331 43552518 /33143 551880
· Tel et fax OMCT :+41 228094939 /4122809 4929

[1]Cf. appels urgents de l’Observatoire DJI 001 / 0212 / OBS 015, diffusé le 2 février 2012, DJI 001 / 0212 / OBS 015.1, diffusé le 3 février 2012, DJI 002 / 0811 / OBS 106.1, diffusé le 4 mai 2012, et DJI 002 / 0811 / OBS 106.2, diffusé le 10 mai 2012.
[2]Cf. appel urgent de l’OMCT DJI 160211, diffusé le 16 février 2011 : http://www.omct.org/fr/urgent-campaigns/urgent-interventions/djibouti/2011/02/d21122/
[3]L’article 265 du Code pénal sanctionne le faux et usage de faux de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 francs djiboutiens (environ 4 321 euros).

Lire la suite