Djibouti : Libération provisoire de M. Houssein Ahmed Farah

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libération provisoire de M. Houssein Ahmed Farah, journaliste pour La Voix de Djibouti, membre de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH) et du parti d’opposition Mouvement pour le renouveau démocratique et le développement (MRD), ainsi que de la poursuite du harcèlement judiciaire à son encontre.

Selon les informations reçues, le 18 novembre 2012, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Djibouti a décidé de placer M. Houssein Ahmed Farah en liberté provisoire sous contrôle judiciaire, apportant ainsi une réponse favorable à sa quatrième demande de libération provisoire. L’arrêt de la chambre d’accusation n’ayant pas été communiqué à ce jour, les avocats ignorent les motifs exacts de cette décision. L’Observatoire rappelle que M. Houssein Ahmed Farah était maintenu arbitrairement en détention préventive à la prison centrale de Gabode depuis le 11 août 2012 sur la base d’accusations manifestement infondées, sans qu’aucune instruction n’ait été menée (voir rappel des faits).

Cependant, le même jour, la chambre d’accusation a également décidé de maintenir la procédure judiciaire, malgré les réquisitions du parquet général lui demandant son annulation. En attendant la rédaction de l’arrêt de la chambre d’accusation, les avocats de M. Farah vont introduire un pourvoi sur la nullité de la procédure.

L’Observatoire rappelle également que les accusations portées contre M. Houssein Ahmed Farah seraient liées à son prétendu soutien au « mouvement » des étudiants et lycéens, qui ont manifesté dans les rues de Djibouti les 5 et 18 février 2011 pour contester les conditions non transparentes de l’organisation des élections présidentielles d’avril 2011 ainsi que la légalité de l’amendement constitutionnel d’avril 2010. Lors de ces manifestations, qui ont été sévèrement réprimées, plusieurs dizaines de lycéens, étudiants et membres de l’opposition avaient alors été arrêtés, et certains demeurent toujours détenus arbitrairement à la prison de Gabode.

L’Observatoire salue la libération provisoire de M. Houssein Ahmed Farah et remercie toutes les personnes, organisations et institutions qui sont intervenues en sa faveur.

Néanmoins, l’Observatoire s’inquiète de la poursuite du harcèlement judiciaire à son encontre, en ce que les accusations manifestement infondées portées contre lui ne semblent viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme. L’Observatoire appelle donc une fois de plus les autorités de Djibouti à mettre un terme aux poursuites visant M. Houssein Ahmed Farah, en ce que ces actes ne semblent étayés par aucun élément de preuve valable.

Rappel des faits :

Les 5 et 18 février 2011, des étudiants et lycéens, ont manifesté dans les rues de Djibouti pour contester les conditions non transparentes de l’organisation des élections présidentielles d’avril 2011 ainsi que la légalité de l’amendement constitutionnel d’avril 2010.

Plusieurs défenseurs des droits de l’Homme, dont MM. Jean-Paul Noël Abdi, président de la LDDH, décédé entre temps, Farah Abadid Hildid , membre de la LDDH et journaliste pour La Voix de Djibouti, et Hassan Amine Ahmed, également membre du conseil national du Parti djiboutien pour le développement (PDD), avaient été visés par une vague de détentions arbitraires et de harcèlement judiciaire [1]. À ce jour, aucun n’est détenu mais les charges de “participation à un mouvement insurrectionnel” contre M. Farah Abadid Hildid restent pendantes.

Le 8 août 2012, M. Houssein Ahmed Farah a été arrêté puis transféré et placé en détention à la prison centrale de Gabode le 11 août. M. Farah est accusé de s’être soustrait au contrôle judiciaire auquel il était soumis depuis le 23 juin 2011 suite à des accusations de “participation à un mouvement insurrectionnel” remontant au mois de février 2011, un chef d’accusation au titre duquel il avait passé plus de quatre mois en détention préventive et pour lequel il encourt jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 francs djiboutiens (environ 27 222 euros) (articles 145 et 146.4 du Code pénal) [2]. Il est également poursuivi pour “faux et usage de faux”pour avoir soi-disant distribué de fausses cartes d’électeurs d’un parti politique dissout par décret présidentiel [3]. Cependant, ces accusations paraissent toutes deux infondées, d’autant que le 15 septembre 2012, deux témoins ont déclaré au juge d’instruction avoir signé sous la contrainte un document mettant en cause M. Houssein Ahmed Farah et préparé à l’avance par les enquêteurs de police.

Le 16 août 2012, la chambre d’accusation a rejeté la demande de mise en liberté provisoire introduite par M. Houssein Ahmed Farah. Ce dernier a alors fait appel de cette décision. Le 30 octobre 2012, la Cour suprême de Djibouti a étudié ce recours et mis sa décision en délibéré pour le 5 novembre.

Le 5 novembre 2012, la Cour suprême de Djibouti a reporté au 11 novembre 2012 son verdict au sujet du recours introduit par M. Houssein Ahmed Farah contre le rejet par la chambre d’accusation, le 16 août 2012, de sa demande de mise en liberté provisoire. Par ailleurs, le 4 novembre 2012, la chambre d’accusation avait rejeté une autre demande de mise en liberté provisoire introduite suite au premier rejet.

Le 11 novembre 2012, la Cour suprême de Djibouti a rejeté le premier recours introduit par M. Houssein Ahmed Farah contre le rejet par la chambre d’accusation, le 16 août 2012, de sa demande de mise en liberté provisoire.

Pendant sa garde à vue et son placement sous mandat de dépôt, ainsi que durant les quelques jours qui ont suivi, M. Farah n’a pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat. De plus, il n’a pu recevoir de visite au cours des premières semaines de sa détention. Enfin, bien que son état de santé soit préoccupant et nécessite un traitement spécifique, le journaliste n’a bénéficié d’aucune assistance médicale appropriée pendant toute la durée de sa détention.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités de Djibouti en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Houssein Ahmed Farah et de tous les défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti ;

ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement - y compris judiciaire - à l’encontre de M. Houssein Ahmed Farah ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à :
 son article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 6(b), qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ;
 et son article 12.2, qui prévoit que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la [...] Déclaration ” ;

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.

Adresses :

• Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 21 35 50 49 / 00 253 21 35 02 01.
• Monsieur Ali Farah Assoweh, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel : 00 253 21 35 15 06/ Fax : 00 253 21 35 54 20
• Madame Kadidja Abeba, Présidente de la Cour suprême de Djibouti, Boulevard de la République, Tél : 00 253 21 35 70 27 / 00 253 21 35 92 10
• Monsieur Maki Omar Abdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 (21) 35 69 90.
• Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 749 10 91. Email : mission.djibouti@djibouti.ch
• Ambassade de Djibouti à Bruxelles, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : amb_djib@yahoo.fr

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos pays respectifs.

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Paris-Genève, le 21 novembre 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

• E-mail:Appeals@fidh-omct.org
• Tel et fax FIDH : +33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
• Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / +41 22 809 49 29

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