Gbagbo et Blé Goudé devant la CPI : un pas important vers la justice pour les victimes de la crise post électorale

© CPI

(Abidjan, La Haye) Le 28 janvier s’ouvrira à La Haye le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, respectivement anciens chef de l’Etat et leader des « jeunes patriotes ».

Nos organisations se félicitent de la tenue de ce procès qui représente un pas important pour la lutte contre l’impunité des crimes internationaux perpétrés durant les violences post électorales en Côte d’Ivoire en 2010 et 2011. Il s’agit également du premier procès d’un ancien chef d’Etat devant la CPI.

« Ce procès revêt une portée particulière par le message qu’il envoie : les plus hauts responsables politiques d’un Etat, quel que soit leur rang ou position, ne bénéficient d’aucune immunité devant la CPI s’ils sont accusés de crimes internationaux et auront à en répondre devant la justice » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.

Quatre charges de crimes contre l’humanité ont été retenues contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé : le meurtre, le viol, les autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – la tentative de meurtre, et la persécution perpétrés dans le contexte des violences post-électorales en Côte d’Ivoire. Au cours de la crise, déclenchée après 28 novembre 2010 et le refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle, au moins 3000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes violées. Charles Blé Goudé est jugé pour avoir joué un rôle central dans le « cercle restreint » de Laurent Gbagbo, servant d’intermédiaire entre ce dernier et les mouvements de jeunes patriotes, donc le COJEP dont il était président.

Les victimes de la crise post électorale participeront au procès. Au total, 668 d’entre elles ont été autorisées à rejoindre la procédure, 199 à l’encontre de Laurent Gbagbo et 469 à l’encontre de Charles Blé Goudé. Nos organisations se félicitent de la participation de centaines de victimes dans ces procédures et appellent à une représentation juridique efficace, dotée des moyens nécessaires.

« La participation de victimes ivoiriennes au procès est cruciale pour sa réussite. Leur voix devra être entendue et nous avons confiance qu’elles obtiendront justice, après plusieurs années d’attente et d’espoir », a déclaré Pierre Adjoumani Kouamé, président de la LIDHO.

En Côte d’Ivoire, la justice nationale a engagé plusieurs procédures à l’issue de la crise post électorale. La création d’une Cellule spéciale d’enquête en juin 2011 a permis aux magistrats instructeurs de conduire des enquêtes judiciaires et de mettre en cause plus de 150 personnes pour leur rôle présumé dans les crimes commis pendant cette période. Si les poursuites ont, dans un premier temps, visé exclusivement des individus du camp Gbagbo, elles concernent désormais l’ensemble des acteurs de la crise et plusieurs officiers des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ainsi que leurs supplétifs ont été inculpés en 2015.

Plusieurs de nos organisations accompagnent près de 300 victimes dans ces procédures judiciaires et la FIDH, le MIDH et la LIDHO y sont constituées parties civiles.

« Le procès qui s’ouvre doit s’inscrire dans une logique de complémentarité entre justice nationale et justice internationale. Les défis posés à la justice après les crimes commis pendant la crise devront être relevés conjointement à La Haye et à Abidjan, pour que l’ensemble des principaux responsables puissent être jugés » a déclaré Aimée Zebeyoux, présidente de l’Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire.

Les procédures nationales se poursuivent et le président Alassane Ouattara a réaffirmé à plusieurs reprises, au cours des derniers mois, sa volonté de voir se tenir dans un délai raisonnable, les procès de la crise post électorale. La nomination d’un nouveau ministre de la Justice en janvier 2016 pourrait ainsi donner une nouvelle impulsion à la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction, à travers notamment un budget renforcé et un soutien politique renouvelé.

« Sur le plan national, l’instruction n’est pas terminée. Les juges ont accompli un travail important et enregistré des avancées qu’il faut saluer, notamment au regard de l’ampleur des procédures engagées, mais plusieurs mois seront encore nécessaires pour achever les instructions et préparer des procès satisfaisants » a déclaré Me Yacouba Doumbia, président du Mouvement ivoirien des droits humains et avocat des victimes en Côte d’Ivoire.

Alors que le président ivoirien a répété que la Côte d’Ivoire ne transférerait plus personne à La Haye, estimant que la justice ivoirienne est désormais capablee de juger les responsables des crimes les plus graves, et que le Bureau du Procureur entame son enquête sur les crimes commis par les forces ayant soutenu Alassane Ouattara, le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devra poser les bases d’une complémentarité effective entre juridictions nationale et internationale.

Pour plus d’information, lire le Questions-Réponses sur le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé devant la CPI.

Retour sur la procédure

La Côte d’Ivoire, qui n’était pas partie au Statut de Rome à cette époque, avait reconnu la compétence de la CPI le 18 avril 2003 par une déclaration au titre de l’article 12(3) du Statut. Le 14 décembre 2010, puis le 3 mai 2011, la présidence ivoirienne avait réaffirmé la compétence de cette juridiction.

Après un examen préliminaire, le Procureur de la CPI avait soumis, le 23 juin 2011, une requête aux fins d’ouvrir une enquête sur la situation Côte d’Ivoire sur sa propre initiative. Le 3 Octobre 2011, la Cour a ouvert une enquête visant les crimes relevant de sa compétence commis à partir du 28 novembre 2010. Le 22 février 2012, la Chambre préliminaire a décidé d’étendre l’autorisation d’enquête aux crimes commis entre le 19 septembre 2002 et le 28 novembre 2010. Le 14 février 2013, la Côte d’Ivoire a ratifié le Statut de Rome.

A la suite du mandat d’arrêt émis le 23 novembre 2011, Laurent Gbagbo a été transféré au centre de détention de la CPI à La Haye le 30 novembre 2011. Charles Blé Goudé a été remis à la CPI par les autorités ivoiriennes le 22 mars 2014 sur la base d’un mandat d’arrêt émis par la Cour le 21 décembre 2011. Les charges à leur encontre ont été confirmées respectivement le 12 juin et le 11 décembre 2014 et leur procès confié à la Chambre de première instance I.

Le 11 mars 2015, la Chambre de première instance I a joint les deux affaires afin d’assurer l’efficacité et la rapidité de la procédure. La Chambre a estimé que les charges confirmées contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé concernaient les mêmes crimes supposément commis au cours de la même période et que tous les deux étaient présumés avoir participé au « cercle restreint » qui a mis en place un « plan commun ».

Le 7 mai 2015, la Chambre a annoncé l’ouverture du procès au 10 novembre, mais le 28 octobre, faisant suite à une requête de la défense de Laurent Gbagbo, a repoussé l’ouverture au 28 janvier 2016. I

Le 11 mars 2015, la Chambre de première instance I a joint les deux affaires afin d’assurer l’efficacité et la rapidité de la procédure. La Chambre a estimé que les charges confirmées contre Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé concernaient les mêmes crimes supposément commis au cours de la même période et que tous les deux étaient présumés avoir participé au « cercle restreint » qui a mis en place un « plan commun ».

Le 7 mai 2015, la Chambre a annoncé l’ouverture du procès au 10 novembre, mais le 28 octobre, faisant suite à une requête de la défense de Laurent Gbagbo, a repoussé l’ouverture au 28 janvier 2016.
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