Guerre et/ou Paix ?

06/10/2000
Communiqué

Citation : Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire, Numéro spécial, jeudi 13 janvier 2000

" Ivoiriens, ivoiriennes, mes chers compatriotes,
Les hommes qui, en 1995, ont sollicité et obtenu nos suffrages pour exercer la Magistrature suprême et la représentation nationale en vue de notre bien commun, ont trahi la confiance du peuple.Enfermés dans la certitude de la légitimité de leur pouvoir, ces hommes se sont peu à peu éloignés des aspirations du peuple, ne se préoccupant que de leur propre survie politique.
La stratégie, conçue et mise en œuvre pour atteindre cet objectif s’est traduite :
 Par des atteintes répétées aux droits et libertés des citoyens en particulier à la liberté d’expression comme en témoigne l’interdiction des manifestations, l’arrestation et la détention d’opposants et de journalistes ; (...)
 Par l’exaltation des sentiments tribaux et xénophobes pour briser l’unité et la cohésion nationale. (...)
La poursuite de cette politique non seulement conduisait le pays dans une impasse, mais comportait les risques d’un affrontement fratricide.
C’est pour prévenir un tel affrontement, et éviter à la Côte d’Ivoire de connaître l’irréparable, qu’en ce jour du 24 décembre 1999, les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire, en accord avec le sentiment profond des ivoiriens et en pleine conscience de leurs responsabilités devant l’histoire, décident : (...)
de confier à un Comité national de salut public présidé par le Général de Brigade GUEI Robert le soin d’assumer dès ce jour la direction de l’Etat ; (...)
Le Comité national de Salut public proclame son attachement au respect des droits fondamentaux de la personne humaine et au principe de la démocratie et s’engage :
 A assurer la sécurité des personnes et des biens ;
 A restaurer l’autorité de l’Etat ;
 A respecter les engagements internationaux souscrits par la Côte d’Ivoire ;
 A créer les conditions nécessaires à l’instauration d’une vraie démocratie en vue de l’organisation d’élections justes et transparentes pour le retour à une vue constitutionnelle normale. (...)
"

Fait à Abidjan, le 24 décembre 1999
Le Président du Comité national de Salut public
Général de Brigade GUEI Robert

Eté et automne 2000 : interpellations et passages à tabac de journalistes, interdictions de sortie du territoire des responsables de partis politiques, interdiction des meetings, batailles à la machette, défenestrations et violence dans les cités universitaires, tentatives d’enlèvements, rumeurs de complots (comme sous le régime d’Houphouët-Boigny lorsque ce dernier confortait son pouvoir par la menace, l’intimidation, la torture), exactions persistantes de forces armées en grande partie incontrôlées et transformées en milices prédatrices, arrestations, tortures, disparitions... Des forces organisées récemment et placées sous les ordres d’un sergent répriment sauvagement des manifestations et/ou menacent des opposants au régime actuel.

Que sont devenus les engagements du CNSP et de son président le Général Guei ?
La nouvelle constitution ivoirienne adoptée en juillet 2000 reconnaît dans son préambule tous les droits et libertés. Mais depuis des semaines la situation dégénère : on avait espéré que le langage et les actes xénophobes disparaîtraient ; ils se développent : de divers côtés on entretient la division nord-sud ou est-ouest sur des bases ethniques. Des ivoiriens se sentent rejetés
 parce qu’ils portent un patronyme dont l’origine régionale entraîne des difficultés administratives ou même de vie quotidienne ;
 parce que leur couleur de peau est un peu claire
 parce que l’un de leurs aïeux est né de l’autre côté d’une frontière apparue pour certains des années après leur propre naissance.
Des étrangers ont peur alors que depuis des années ils ont apporté leur contribution au développement de l’économie ivoirienne.

Aujourd’hui le CNSP a déclaré l’état d’urgence ; demain la Cour Suprême et la Chambre Constitutionnelle rendront officiels les noms des candidats habilités à se présenter à l’élection présidentielle du 22 octobre. Souhaitons qu’en respect de la constitution largement adoptée par le peuple ivoirien récemment, aucune élimination non fondée en droit et non pleinement justifiée de candidats n’apparaisse afin que ces élections se déroulent dans la plus grande transparence et que la population de Côte d’Ivoire puisse effectivement exprimer sa volonté et conforter son aspiration à la démocratie, la liberté et au développement. Espérons qu’aucune violence (dont la véritable origine restera à prouver) ne vienne ternir ce jour décisif.

Aujourd’hui le CNSP et la Cour Suprême doivent assumer l’entière responsabilité de l’avenir de la République de Côte d’Ivoire. L’enjeu est simple : guerre ou paix, transparence et démocratie ou manipulation et dictature. La transition a soulevé les espoirs de toute une population, faites que ces aspirations ne disparaissent pas dans la confusion ou pire dans un bain de sang qui pourrait, de plus, déstabiliser toute la sous-région. La population de la Côte d’Ivoire mérite la paix et la démocratie.

La FIDH lance un appel au calme et exhorte les autorités ivoiriennes à respecter pleinement les libertés fondamentales et les règles du jeu démocratique

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