Initialement prévu en octobre 2014, le procès devant les assises devait connaître des faits suivants : atteinte à la défense nationale, attentat ou complot contre l’autorité de l’État, constitution de bandes armées, direction ou participation à une bande armée, participation à un mouvement insurrectionnel, trouble à l’ordre public, coalition de fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme et xénophobie, reprochés aux pro-Gbagbo relativement à la crise post électorale. Il n’a finalement pu s’ouvrir que le 29 décembre 2014.
81 accusés y ont comparu et le verdict a été rendu le 10 mars 2015. De nombreux prévenus ont été condamnés à des peines de prison ferme, notamment l’ex-première dame Simone Gbagbo, condamnée à 20 de réclusion et Michel Gbagbo, le fils de l’ex président Laurent Gbagbo, condamné à 5 ans d’emprisonnement.
La FIDH, le MIDH et la LIDHO, qui ont pu observer l’essentiel du procès, déplorent la faible qualité d’une procédure d’instruction qui n’a pas ou peu cherché à étayer les charges retenues contre les prévenus et dont le procès a révélé les carences : absence d’éléments de preuve probants, faiblesse des témoignages à charge et de l’accusation dans son ensemble.
"La faiblesse du procès a montré qu’il restait beaucoup de chemin à parcourir pour la justice ivoirienne. A son terme, des personnes ont été lourdement condamnées, sur la base d’éléments peu convaincants, ce qui n’est pas de nature à crédibiliser une justice dont la Côte d’Ivoire a tant besoin pour l’instauration d’un Etat de droit pérenne" , a déclaré Me Yacouba Doumbia, président du MIDH.
Les insuffisances de ce procès sont également préoccupantes pour les instructions toujours en cours concernant les crimes les plus graves commis pendant la crise post électorale, où plus de 3000 personnes ont été tuées et des centaines de femmes ont été victimes de viol et autres violences sexuelles. La FIDH, la LIDHO et le MIDH sont constitués parties civiles dans ces procédures et accompagnent devant les juridictions nationales une centaine de victimes, qui attendent la tenue de procès équitables et conformes aux standards internationaux.
"Pour les victimes des crimes les plus graves de la crise post-électorale que nous représentons, ce procès avait valeur de test, parce que les instructions judiciaires les concernant sont encore en cours. Le moins que nous puissions dire aujourd’hui, c’est que nous ne sommes pas rassurés, et que la justice ivoirienne devra donner davantage de garanties pour juger les graves violations des droits humains commises entre 2010 et 2011 par les clans Gbagbo et Ouattara" , a déclaré Me Drissa Traore, Vice Président de la FIDH.
Comme Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, dont la Chambre de première instance I de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé, le 11 mars 2015, que les affaires seraient jointes, Simone Gagbo est accusée par la CPI de crimes contre l’humanité. Elle est également poursuivie pour ces faits devant la juridiction ivoirienne, dans le cadre d’une instruction toujours en cours au sein de la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction.
"Ce procès doit servir de contre exemple pour les procédures en cours sur les graves violations des droits humains : la justice ivoirienne doit veiller à conduire, dans les meilleurs délais, des procédures minutieuse et exigeantes, dans lesquelles les charges seront suffisamment étayées et les poursuites équilibrées, pour qu’au terme des procès à venir, les victimes obtiennent enfin justice. Dans le cas contraire, la Côte d’Ivoire devra transférer Simone Gbagbo, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, à la CPI" , a déclaré Me Patrick Baudouin, président d’honneur et coordinateur du Groupe d’action judiciaire de la FIDH.
Pour plus d’informations, lire le rapport FIDH-LIDHO-MIDH "Côte d’Ivoire : choisir entre la justice et l’impunité" de décembre 2014.