8ème Assemblée Parlementaire Paritaire ACP-UE : La Côte d’Ivoire

19/11/2004
Communiqué

La FIDH exprime sa plus vive préoccupation face aux nouvelles violences en Côte d’Ivoire
Le 4 novembre 2004, des raids aériens de l’aviation des forces gouvernementales ivoiriennes ont été déclenchés contre les positions de l’ex-rébellion dans le centre, le nord et l’ouest de la Côte d’Ivoire.

Le 6 novembre, des avions de l’armée ivoirienne ont bombardé, à Bouaké, une base militaire française, tuant neuf soldats. Or, l’examen des enregistrements de drones ivoiriens montrerait que l’attaque aérienne de Bouaké était un acte prémédité. En effet, le 6 novembre, peu après 13 heures , à la suite de deux survols en rase-mottes du camp français à Bouaké, signalé par des drapeaux et une infirmerie frappée de la Croix-Rouge, un Soukhoï-25 lâche ses roquettes de 57 mm, placées dans des "paniers" sous ses ailes. Elles tuent neuf militaires français et un visiteur américain. Toute erreur semble exclue : la position rebelle la plus proche se situe à 1,5 km.

Convaincue de faire l’objet d’un "plan d’attaque établi" , l’armée française riposte en détruisant des avions et hélicoptères militaires ivoiriens stationnés à l’aéroport de Yamoussoukro.

De violentes manifestations anti-françaises conduites par les "Jeunes patriotes", partisans du Président Laurent Gbagbo, s’attaquent à l’armée française. La riposte aurait entraîné la mort de plusieurs personnes et fait de nombreux blessés.
Depuis, des scènes de pillage se sont succédées à Abidjan malgré l’intervention des forces de l’opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Sous l’apparence d’une irruption de colère populaire, il s’agit d’une opération encadrée par les organisations "patriotiques", auxquelles des listes de cibles ont été distribuées au préalable, selon des témoignages dignes de foi.

Les maisons et appartements occupés par des Français, des Européens et des étrangers sont mis à sac. Les établissements scolaires sont saccagés et incendiés comme le lycée français Mermoz.

A la radio nationale, l’antenne a été ouverte « aux citoyens » qui appellent en direct à « la chasse aux Français ».

Le gouvernement français a ainsi dû organiser l’évacuation de plus de 4 500 ressortissants étrangers, essentiellement français, depuis le 10 novembre.
La FIDH condamne les appels à la xénophobie lancés contre des ressortissants français par certains partisans du Président Laurent Gbagbo qui ont encouragé la population à se livrer à des pillages et à des chasses à l’homme notamment à Abidjan.

Pour une résolution politique durable du conflit

Les actions militaires menées par les forces gouvernementales violent les récentes résolutions du Conseil de sécurité et remettent en cause les efforts de paix agréés jusqu’à présent par les forces belligérantes et soutenus par la Communauté internationale.
La FIDH condamne fermement ces actions qui sapent un processus de transition déjà extrêmement fragile et renvoie au spectre d’une guerre meurtrière pour la population civile.
La FIDH soutien l’embargo sur les armes imposé à la Cote d’ivoire par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1572 du 16 novembre 2004.
Rappelant que, indépendamment des récents événements, le pays connaît un conflit sanglant depuis près de deux ans, la FIDH appelle l’ensemble des parties en conflit à tout mettre en oeuvre pour que la paix soit instaurée dans les plus brefs délais, afin de mettre un terme aux souffrances de la population civile, première victime du conflit.

Pour une justice effective permettant de régler durablement le conflit
Au vue de l’impunité presque absolue qui règne, ces dernières années, vis à vis des responsables de violations graves des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, la résurgence de troubles graves ne peut guère étonner.
La FIDH rappelle que des violations particulièrement graves des droits de l’Homme ont été perpétrées à l’occasion des manifestations de l’opposition ivoirienne les 25 et 26 mars 2004, à Abidjan et dans le reste du pays.
Le bilan des évènements avait fait état, selon le MIDH (Mouvement Ivoirien des Droits de Humains), de 200 morts par balle et 400 blessés et disparus, là où les autorités évoquaient 37 morts, et l’opposition 350 à 500.
A l’évidence, c’est l’arbitraire qui a présidé à la répression des manifestations, marquée par des crimes qu’il convient de qualifier « d’exécutions sommaires ».
La FIDH considère que ces évènements extrêmement graves sont porteurs de lourdes incertitudes pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, d’autant que continue d’y prévaloir une situation d’impunité clairement et régulièrement identifiée, y compris par le Conseil de sécurité des Nations Unies, comme facteur de risque majeur de violations des droits de l’Homme (résolution 1464 du 4 février 2003).
Une nouvelle fois l’exigence s’impose de la vérité sur les faits, de la justice et de la réparation pour les victimes et leurs famille. Il s’agit non seulement de répondre à un droit fondamental qu’elles réclament en vain, mais aussi de prévenir la perpétration de nouveaux crimes et, au-delà de contribuer à l’instauration d’une paix durable et à une vie politique apaisée.
Les autorités ivoiriennes ignorent toujours les dispositifs prévus dans les accords de Marcoussis aux fins d’enquête sur les violations des droits de l’Homme et de répression des crimes commis.
La FIDH est également extrêmement préoccupé par la découverte par l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) de trois charniers comptant une centaine de morts à Korhogo, zone sous contrôle de la rébellion, située au nord de la Côte d’Ivoire. Les corps seraient ceux de victimes des affrontements qui ont opposé deux groupes rivaux de la rébellion les 20 et 21 juin derniers.
La FIDH et ses organisations membres demandent que toute la lumière soit faite sur ces meurtres dans les plus brefs délais et appellent la Commission d’enquête internationale créée sous l’égide des Nations Unies à identifier les responsables. La FIDH appelle les autorités ivoiriennes à faire poursuivre et à sanctionner les auteurs de ces meurtres, dans le respect des dispositions internationales relatives aux droits de l’Homme.
En outre, la FIDH appelle la Commission d’enquête internationale à faire toute la lumière sur toutes les violations graves des droits de l’Homme commises depuis le 19 septembre 2002, conformément à son mandat.
La FIDH souligne combien la situation actuelle lui paraît résulter de l’impunité quasi absolue dont ont bénéficié ses dernières années et bénéficient encore les auteurs de crimes internationaux et violations graves des droits de l’Homme perpétrés en Côte d’Ivoire.
La FIDH rappelle que pourtant l’impératif de justice pour les victimes de tels crimes avait été identifié par trois commissions internationales onusiennes, dans les accords de Marcoussis, et par le Conseil de sécurité lui-même, comme une condition indispensable à la réussite de la transition et à la prévention de tels crimes.
La responsabilité des autorités ivoiriennes, des forces rebelles comme de toutes les autres parties intervenantes dans la crise ivoirienne est manifeste, leur comportement actuel engage leur responsabilité pénale, la FIDH souhaite donc qu’elles aient à rendre compte de leurs actes.
Considérant que les conflits ne peuvent en aucune manière faire abstraction de la justice s’ils veulent se régler durablement, la FIDH demande :

A l’Union africaine
A l’union européenne
Ainsi qu’à tous les représentants présents à la 8ème session de l’Assemblée Parlementaire Paritaire :

 de s’investir pleinement pour un règlement politique durable de la crise ivoirienne,
 de contribuer à l’établissement des faits et des responsabilités afin que les auteurs des violations perpétrées soient effectivement traduits en justice,
 de faire pression sur les autorités ivoiriennes afin qu’elles ratifient le statut de la Cour pénale internationale, dont l’intervention serait certainement utile à prévenir l’aggravation de la situation et, en tout cas, à contribuer à lutter effectivement contre l’impunité,
 d’appeller le Conseil de Sécurité à saisir la Cour pénale internationale de ces questions, conformément à la position exprimée par la FIDH dans son communiqué du 8 novembre 20041 .

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