Référendum constitutionnel : Des résultats contestables, des opposants harcelés, une journée à hauts risques

29/10/2015
Communiqué
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AFP

(Brazzaville, Paris) La FIDH, l’OCDH et les organisations membres de la coalition #MonVoteDoitCompter dénoncent les résultats du référendum constitutionnel qui s’est tenu en République du Congo le 25 octobre, avalisant l’adoption d’une nouvelle Constitution qui permettra à l’actuel président, Denis Sassou Nguesso, de briguer un troisième mandat en 2016.

Les résultats officiels publiés le 27 octobre, indiquent que 92,96 % des votants ont dit « oui » à ce nouveau projet de Constitution et que 72,44 % des électeurs se sont rendus aux urnes pour voter alors que d’après les observations de nos organisations, les Congolais ont largement boudés les urnes, et l’opposition a boycotté le scrutin. Face à ce qui s’apparente à un coup de force constitutionnel, nos organisations appellent à l’abandon du projet constitutionnel, manifestement non consensuel et illégal, visant principalement le maintien au pouvoir du président Sassou Nguesso après plus de trente années passées à la tête du pays et demandent à la communauté internationale de s’investir en faveur d’un processus électoral libre, transparent et inclusif en vue de l’élection présidentielle de 2016.

« Au regard de l’ampleur de la contestation, du boycott du scrutin par l’ensemble de l’opposition politique et du peu d’engouement pour le vote constaté dimanche sur l’ensemble du territoire, les chiffres annoncés par les autorités congolaises, notamment le taux de participation, apparaissent en complète inadéquation avec la réalité de ce qui a pu être observé. Nos organisations appellent la communauté internationale à condamner unanimement les résultats du référendum et à faire pression sur les autorités pour qu’elles retirent le nouveau projet de Constitution et s’engagent à tenir des élections libres et transparentes sans changer la règle du jeu »,

ont déclaré nos organisations.

D’après les informations recueillies, les habitants des quartiers du sud de la capitale, Brazzaville, ont en grande partie boycotté le scrutin et sont restés chez eux. Dans les quartiers nord et le quartier du centre-ville, là où une forte mobilisation était attendue, l’afflux des populations vers les bureaux de vote est resté limité. Même constat sur l’ensemble du territoire. Dans au moins cinq sous-préfectures du sud, le vote n’a pas eu lieu, « pour diverses raisons » a déclaré le Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Zéphirin Mboulou, lors de l’annonce des résultats à la radio-télévisée mardi 27 octobre.

Par ailleurs, un des leaders de l’opposition Guy Brice Parfait Kolelas est assigné à résidence depuis jeudi 22 octobre avec une trentaine de ses militants. Ils sont encerclés dans le domicile de l’opposant à Brazzaville par les soldats de la Garde présidentielle. Jeudi, les autorités congolaises ont déclaré que les éléments de la Garde présidentielle avaient été déployés pour sécuriser la zone. D’après nos sources, les gardes empêchent les opposants de sortir et de recevoir des visites et seul l’ambassadeur de France a pu, en invoquant la clause d’assistance, leur apporter des vivres le 26 octobre. Nos organisations condamnent l’atteinte à la liberté de circulation et l’acte d’intimidation que constitue l’assignation à résidence des militants d’opposition et exhortent les autorités congolaises à procéder au retrait des éléments de la Garde présidentielle afin de les libérer.

De même, six activistes de la société civile, opposés au référendum constitutionnel, qui avaient été arrêtés le 9 octobre dans le quartier de Bacongo, au sud de Brazzaville, par des éléments de la police et de la gendarmerie, et qui ont été transférés à la Direction Générale de la Surveillance du Territoire (DGST)1 le samedi 10 octobre, sont toujours en détention à la maison d’arrêt de Brazzaville, où ils ont été transférés le lundi 19 octobre. D’après les informations recueillies par nos organisations, ils ont tous pu recevoir des visites mais seulement certains d’entre eux ont bénéficié de l’assistance d’un avocat. Trois hommes, Fernand Dzanga, George Kikele, Okemba Koumou, ont également été arrêtés à leurs domiciles par la police à Dongou, dans le département de la Likouala au nord-ouest du pays, le jour du scrutin, vers 7h du matin. Ils sont accusés d’avoir encouragé leurs proches à voter contre le référendum pour une nouvelle Constitution. Ils ont été libérés du commissariat de Doungou lundi 26 octobre dans l’après midi. Nos organisations appellent les autorités congolaises à libérer immédiatement toutes les personnes arbitrairement détenues et à respecter leurs droits de recevoir des visites ainsi que de bénéficier d’une assistance médicale et juridique.

« Les autorités congolaises doivent cesser de harceler, d’intimider, d’arrêter et de détenir ceux qui s’opposent à la modification de la Constitution. Des enquêtes indépendantes sur la répression des manifestations du 20 et 21 octobre 2015, qui avait fait au moins 5 morts, doivent être menées et leurs auteurs poursuivis en justice. A la veille de la grande mobilisation de l’opposition, nous appelons les autorités congolaises à respecter strictement le droit de manifester pacifiquement et leur rappelons que ceux qui auront ordonné et perpétré des violations des droits humains devront être tenus pénalement responsables de leurs actes »

, ont déclaré nos organisations.

Dans toutes les grandes villes du pays, l’opposition a lancé des appels à manifester demain, vendredi 30 octobre, contre les résultats du scrutin du 25 octobre et le projet de nouvelle Constitution. Nos organisations appellent tous les acteurs à la retenue, et exhortent les autorités congolaises à respecter le droit de manifester pacifiquement des citoyens congolais et à s’assurer que les forces de police et de gendarmerie n’aient pas recours à des armes létales ainsi qu’à un usage disproportionné et excessif de la force pour maîtriser les manifestants.

Contexte
Le 22 septembre dernier, Denis Sassou Nguesso, a exprimé sa volonté de tenir un référendum pour décider d’un « changement » de la Constitution en vigueur en République du Congo depuis 2002 pour lui permettre de briguer un troisième mandat présidentiel. Les opposants au référendum, qui y voient une tentative de coup d’État constitutionnel, se sont massivement mobilisés et ont été sévèrement réprimés mardi 20 et mercredi 21 octobre 2015, entraînant la mort d’une vingtaine de personnes d’après le bilan établi par nos organisations. Les bilans officiels parlent de 4 victimes. Denis Sassou Nguesso est au pouvoir depuis 1979. En 1992, il perd les premières élections pluralistes avant de revenir au pouvoir par les armes en 1997 à la suite de plus de deux années de guerre civile. En 1999, les services de sécurité du régime sont accusés d’avoir éliminés plus de 300 disparus du Beach de Brazzaville, des réfugiés retournant au Congo. Une affaire toujours pendante devant la justice française. Depuis, les élections de 2002 Denis Sassou Nguesso est réélu à la faveur d’élections contestées.
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