La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), son organisation membre la Maison des droits de l’Homme du Cameroun (MDHC) et son organisation partenaire le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (Redhac), appellent les autorités du Cameroun, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine ainsi que les Nations unies, et en particulier le Conseil des droits de l’homme et l’Unesco, à tout mettre en œuvre pour la mise en place immédiate d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances de l’assassinat de Martinez Zogo, afin que tou·tes les responsables (commanditaires et exécutant·es) soient traduit·es en justice pour répondre de leur acte.
« Cette nouvelle attaque portée à la liberté d’expression montre la fragilité de l’état de droit au Cameroun. Les autorités camerounaises doivent immédiatement mettre en place une enquête indépendante et approfondie, soutenue par la communauté internationale, pour identifier les responsables du très probable assassinat de Martinez Zogo. »
Une voix contre la corruption au Cameroun
Depuis plusieurs années, le journaliste et directeur de la chaîne de radio Amplitude FM, par ailleurs animateur de la très populaire émission Embouteillages, dénonçait quotidiennement l’ampleur de la corruption au Cameroun. Ses investigations sur ces affaires ciblaient les cercles de pouvoir, en dénonçant nommément les principaux·ales concerné·es, en particulier Jean Pierre Amougou Belinga, influent patron du groupe de presse l’Anecdote, ou encore Louis Paul Motaze, actuel ministre des Finances. Martinez Zogo avait récemment averti ses collègues et partagé un audio dans lequel il se disait menacé.
Le 17 janvier 2023, jour de sa dernière émission, il est enlevé sur la route de son domicile par plusieurs hommes cagoulés qui l’ont fait entrer de force dans un 4 x 4 noir, devant la gendarmerie de Nkol-Nkondi où il avait tenté en vain de se réfugier. Quatre jours plus tard, son corps nu, mutilé et en état de décomposition avancé est retrouvé dans un terrain vague à Ebogo II, dans une banlieue de la localité de Soa.
« Les organisations de la société civile camerounaise appellent à la plus grande transparence des autorités concernant l’enquête en cours et veilleront à ce crime ne reste pas impuni. »
Des précédents inquiétants
En 2020 déjà, Martinez Zogo avait purgé deux mois de prison pour « diffamation criminelle » suite à une poursuite de Sylvie Biye Essono, ancienne épouse d’un responsable du gouvernement qui avait été visée par le travail d’investigation du journaliste.
En 2019, le corps mutilé du journaliste camerounais Samuel Wazizi avait été retrouvé dans un hôpital militaire de Yaoundé, près d’un an après sa mise en détention. À ce jour, les résultats des enquêtes n’ont pas encore élucidé les circonstances de ce décès. Dans des circonstances similaires, le journaliste de Chillen Music Télévision (CMTV) avait été accusé de terrorisme par les autorités du pays après ses sujets sur la couverture de la crise anglophone. Il avait disparu pendant sa période de détention sans que sa famille et ses avocat·es n’aient été informé·es de son sort, et alors que des audiences sur son affaire se tenaient encore. Son corps n’a jamais été restitué à ses proches et l’enquête sur sa mort n’a jamais abouti.
Selon le classement de l’organisation Reporters sans frontières en 2022, le Cameroun figurait à la 118e place sur 180 pays en ce qui concerne la liberté de la presse.
Le décès de Martinez Zogo endeuille toute la communauté des défenseur·es des droits humains et des journalistes. La FIDH, la MDHC et le REDHAC présentent leurs plus sincères condoléances à sa famille, ses collègues, ainsi qu’à tou·tes ceux et celles qui ont œuvré à ses côtés dans ce combat universel pour la justice et l’état de droit, et leur font part de toute leur solidarité militante.