Cameroun : Détention arbitraire, harcèlement judiciaire et mauvais traitements infligés à M. Franklin Mowha

22/07/2014
Appel urgent
en fr

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Cameroun.

CMR 002 / 0714 / OBS 066

Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire /
Mauvais traitements

Cameroun
22 juillet 2014

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par le Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale (REDHAC) de la détention arbitraire, du harcèlement judiciaire et des mauvais traitements infligés à M. Franklin Mowha, président de Frontline Fighters For Citizens Interests (FFCI), une association de défense des droits de l’Homme opérant dans la région Ouest du Cameroun [1].

Selon les informations reçues, M. Franklin Mowha est détenu et poursuivi depuis décembre 2013 pour « destruction de biens publics » et « outrage à fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions » sur la base des articles 187 et 154 du Code pénal, et risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement et de 20 000 à 20 millions de FCFA. Au vu des dispositions de ces articles, il est à craindre qu’une lourde amende impossible à payer par M. Franklin lui soit infligée dans le but de le maintenir en détention.

Le 4 décembre 2013, M. Franklin Mowha a été arrêté alors qu’il se trouvait à la Brigade Ter de la Gendarmerie de Bangangté, Chef lieu du département du Ndé, afin de rendre visite à M. Nouyep Serge, membre du Mouvement des paysans du Cameroun (M-PAC), gardé à vue en raison d’un litige intercommunautaire.

Par ailleurs, dans une lettre adressée le 1er février 2010 au sous-préfet de l’Arrondissement de Bangangté, et dans une autre en date du 26 décembre 2013 au Président de la République du Cameroun, M. Franklin Mowha a dénoncé des actes de torture et autres exactions à l’encontre des populations autochtones Bororos, sur instruction du Chef supérieur [2] de Bangangté.

Le jour même de son arrestation, M. Franklin Mowha a été publiquement passé à tabac dans la cour de la Brigade Ter par les gendarmes de cette unité, qui auraient agi sur les ordres des autorités administratives de la brigade Ter de la Gendarmerie et du Chef supérieur de Bangangté. M. Mowha a subi des blessures au nez et aux côtes, et se trouvait encore sous perfusion lors d’une visite rendue par le REDHAC le 23 juin 2014.

M. Franklin Mowha a été initialement déféré le 6 décembre 2013 à 7h30 devant le procureur de la République de Bangangté, qui n’a retenu aucune charge à son encontre. Les gendarmes de la Brigade Ter l’ont ensuite ramené en cellule avant de le déférer le même jour devant le procureur du Tribunal militaire de Bafoussam (Ouest-Cameroun), et ce bien que cette affaire devrait relever des juridictions pénales de droit commun, en contradiction totale avec les principes généraux du droit voulant qu’une juridiction militaire ne jugent que des militaires.

L’Observatoire dénonce fermement ce dysfonctionnement de la justice, et rappelle que l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent ». L’Observatoire rappelle par ailleurs que le Comité des droits de l’Homme des Nations unies avait déjà relevé, dans son observation générale n° 32 portant sur l’interprétation de l’article 14 du Pacte, que « le jugement de civils par des tribunaux militaires ou d’exception peut soulever de graves problèmes s’agissant du caractère équitable, impartial et indépendant de l’administration de la justice ».

Suite à sa comparution devant le procureur du Tribunal militaire le 6 décembre 2013, M. Mowha a été transféré à la prison centrale de Bafoussam, où il est maintenu en détention préventive depuis plus de sept mois. M. Franklin Mowha a récemment reçu une ordonnance de son renvoi devant le Tribunal militaire mais, à ce jour, aucune audience n’a encore été fixée.

L’Observatoire s’inquiète vivement de la détention arbitraire et des mauvais traitements subis par M. Mowha Franklin, ainsi que des actes de harcèlement judiciaire à son encontre sur la base d’accusations fallacieuses visant à entraver ses activités de défenseur des droits de l’Homme. L’Observatoire s’inquiète tout particulièrement de l’utilisation abusive de la justice militaire à l’encontre d’un civil, de surcroît défenseur des droits de l’Homme, afin de nier ses droits les plus élémentaires. L’Observatoire appelle les autorités camerounaises à le libérer immédiatement et inconditionnellement.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités camerounaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Franklin Mowha et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun ;

ii. Libérer M. Franklin Mowha de manière immédiate et inconditionnelle car sa détention est arbitraire en ce qu’elle ne vise qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de M. Franklin Mowha ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun ;

iv. Se conformer à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent », et à l’observation générale n° 32 du Comité des droits de l’Homme, qui souligne par ailleurs que « le jugement de civils par des tribunaux militaires ou d’exception peut soulever de graves problèmes s’agissant du caractère équitable, impartial et indépendant de l’administration de la justice » (para. 22) ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;
 et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Cameroun.

Adresses :

· M. Paul Biya, Président de la République, Présidence de la République, Palais de l’Unité, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax +237 222 08 70
· M. Philémon Yang, Premier ministre et Chef du gouvernement, Primature du Cameroun, Fax : +237 22 23 57 35 et courriel : spm@spm.gov.cm
· M. Laurent Esso, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax : + 237 223 00 05
· M. Alain Edgard Mebe Ngo’o, Ministre Délégué à la Présidence de la République chargée de la Défense B.P1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax +237 223 59 71
· M. SADI René Emmanuel, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Fax : + 237 222 37 35
· Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), Tel : +237 222 61 17, Fax : +237 222 60 82, E-mail : cndhl@iccnet.cm
· Mission permanente de la République du Cameroun auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, rue du Nant 6, 1207 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 736 21 65, Email : mission.cameroun@bluewin.ch
· Ambassade de la République du Cameroun à Bruxelles, 131 av. Brugmann, 1190 Forest, Belgium, Fax : + 32 2 344 57 35 ; Email : ambassade.cameroun@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Cameroun dans vos pays respectifs.

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