Cameroun : Arrestation et détention de M. Célestin Yandal

06/03/2014
Appel urgent

L’Observatoire a été informé par des sources fiables de l’arrestation et de la détention de M. Célestin Yandal, président du Collectif des jeunes de Touboro, une association de défense des droits des jeunes dans la région de l’Adamaoua.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Cameroun.

Description de la situation :

Selon les informations reçues, le 23 novembre 2013, M. Célestin Yandal a été placé en détention dans les locaux de la gendarmerie de Ngaoundéré, où il croyait se rendre pour une rencontre privée avec l’un de ses proches qui travaille à la gendarmerie, sur les conseils d’un gendarme en civil rencontré quelques heures plus tôt. M. Yandal rentrait d’un déplacement à Douala où il s’était entretenu le 19 novembre avec des membres du Réseau de défenseurs des droits humains de l’Afrique centrale (REDHAC) à propos de violations subies par plusieurs jeunes de Touboro de la part du Lamido (chef traditionnel) de Rey Bouba, second vice-président du Sénat camerounais. Ce dernier avait en effet ordonné aux autorités locales, et notamment au procureur de la République de Tcholliré, l’arrestation de quatorze jeunes de cette localité pour troubles à l’ordre public à Touboro lors d’altercations avec les hommes de mains du Lamido qui étaient venus racketter les populations de cette localité.

Détenu à la gendarmerie de Ngaoundéré du 23 novembre au 5 décembre 2013, il a été transféré dans la nuit du 5 décembre à 2 heures du matin de Ngaoundéré à Tcholliré, sans motifs précis, afin de comparaître devant le procureur de Tcholliré, qui lui a dans un premier temps signifié sa libération, avant de le ré-arrêter à la sortie du tribunal, l’informant de son mandat de dépôt à la prison de Tcholliré pour cinq chefs d’accusation : trois relevant du procureur, pour « destruction des effigies du Chef de l’Etat pendant les élections législatives et municipales du 30 septembre 2013 », « destruction de la barrière du Lamido de Rey-Bouba », « menaces simples et violation du domicile d’un chef Djavor (un village) » ; et deux relevant du juge d’instruction, pour « tentative d’assassinat d’un certain Abdou, l’un des hommes de main’’ du Lamido », et « vol aggravé chez un Dogari (soldat du Lamido), qui déclare que M. Yandal et ses collègues l’auraient agressé et lui auraient dérobé 92 000 FCFA » (soit 140 euros).

Suite à sa comparution devant le procureur de Tcholliré, M. Yandal a été transféré le 5 décembre 2013 à la prison centrale de Garoua, officiellement pour assurer « sa sécurité ». Il a ensuite comparu pour la première fois le 16 janvier 2014 devant la Cour d’appel du Nord, lors de laquelle son avocat a requis sa liberté provisoire en présentant toutes les garanties exigées par la loi. La Cour a cependant rejeté cette demande de liberté, et renvoyé l’audience au 20 mars 2014, au motif que le « procureur de Tcholliré n’avait pas envoyé ses conclusions ».

Le 26 février, dans le cadre d’une commission rogatoire mise en place par le parquet, M. Yandal a été entendu par le juge d’instruction, qui lui a signifié sa prochaine comparution devant le procureur de Tcholliré le 20 mars 2014. Son avocat a immédiatement saisi la Cour suprême pour demander que son client soit jugé à Garoua ou dans toute autre juridiction que celle de Tcholliré, arguant que le procureur de Tcholliré ne pouvait être impartial dans cette affaire, et que son client ne pourrait donc pas bénéficier d’un procès équitable au sein de cette juridiction.

L’Observatoire s’inquiète de la détention arbitraire de M. Yandal, qui repose sur des accusations fallacieuses ne visant qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme et prie les autorités camerounaises de procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités camerounaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Célestin Yandal et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun ;

ii. Libérer M. Yandal de manière immédiate et inconditionnelle car sa détention est arbitraire en ce qu’elle ne vise qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de M. Yandal ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement
 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;
 et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Cameroun.

Adresses :

• M. Paul Biya, Président de la République, Présidence de la République, Palais de l’Unité, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax +237 222 08 70
• M. Philémon Yang, Premier ministre et Chef du gouvernement, Primature du Cameroun, Fax : +237 22 23 57 35 et courriel : spm@spm.gov.cm
• M. Laurent Esso, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax : + 237 223 00 05
• M. Alain Edgard Mebe Ngo’o, Ministre Délégué à la Présidence de la République chargée de la Défense B.P1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax +237 223 59 71
• M. SADI René Emmanuel, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Fax : + 237 222 37 35
• Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), Tel : +237 222 61 17, Fax : +237 222 60 82, E-mail : cndhl@iccnet.cm
• Mission permanente de la République du Cameroun auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, rue du Nant 6, 1207 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 736 21 65, Email : mission.cameroun@bluewin.ch
• Ambassade de la République du Cameroun à Bruxelles, 131 av. Brugmann, 1190 Forest, Belgium, Tel : + 32 2 345 18 70 ; Fax : + 32 2 344 57 35 ; Email : ambassade.cameroun@skynet.be

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Cameroun dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 6 mars 2014

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

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