Résolution sur la situation au Burundi

27/08/2016
Déclaration
en es fr

Présentée par la Ligue ITEKA

La FIDH, réunie à l’occasion de son 39ème Congrès, Johannesburg, Afrique du Sud

Profondément préoccupée par la détérioration continue de la situation sécuritaire et des droits humains dans le pays ; Alertant quant à la poursuite des arrestations et détentions arbitraires massives, assassinats ciblés et exécutions extrajudiciaires, actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, disparitions forcées, crimes sexuels, et autres violations graves des droits humains ; et Rappelant que ces crimes sont commis en grande majorité par les services de sécurité burundais à l’encontre de la population civile et sur ordre des autorités ;

Condamnant fermement toutes les déclarations publiques incitant à la violence et à la haine ethnique. Condamnant en particulier les discours de certains hauts responsables du régime incitant à la haine contre les Tutsis et tous ceux considérés comme opposants ainsi que par le fait que les Tutsis sont ciblés de façon accrue par la répression des services de sécurité burundais. Alertant sur le fait que la répression des autorités revête des caractéristiques génocidaires et sur le risque que les crimes actuellement commis puissent dériver vers des actes de génocide ;

Préoccupée par l’impasse politique persistante et l’échec des derniers pourparlers qui se sont tenus à Arusha, en Tanzanie, entre le 12 et le 14 juillet 2016, sous l’égide de la médiation ougandaise. Rappelant qu’au cours de cette session du dialogue inter-burundais les autorités burundaises ont à nouveau refusé de dialoguer avec l’opposition et la société civile indépendante ;

Rappelant la décision du Conseil de Paix et de sécurité de l’Union africaine du 17 décembre 2015 soulignant que « seul un dialogue sincère et véritablement inclusif, fondé sur le respect de l’Accord d’Arusha et de la Constitution du Burundi, pourra permettre aux parties prenantes burundaises de surmonter les graves difficultés que connaît leur pays ainsi que de renforcer la cohésion sociale, la démocratie et l’État de droit. ». Rappelant également la résolution 2248 du Conseil de sécurité des Nations unies du 12 novembre 2015 appelant les autorités nationales à s’engager dans « un dialogue inter-burundais véritable et inclusif associant toutes les parties prenantes pacifiques concernées se trouvant aussi bien dans le pays qu’à l’étranger afin de trouver une solution consensuelle, propre au Burundi, à la crise en cours » ;

Condamnant fermement l’armement, l’entraînement et le déploiement sur l’ensemble du territoire burundais d’Imbonerakure – membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir – et leur utilisation comme supplétifs des forces de police, de l’armée, et du Service national de renseignement. Condamnant les violations graves des droits humains commises par ces Imbonerakure à l’encontre de la population civile notamment les arrestations et détentions arbitraires, meurtres, disparitions forcées, actes de torture et viols ;

Alarmée par l’escalade de la violence liée à la structuration, l’armement et l’entraînement accrus de groupes armés rebelles menant des attaques ciblées dans diverses provinces du pays et condamnant les attaques contre des civils et les assassinats ciblés menés par ces groupes ;

Dénonçant la répression exercée à l’encontre des défenseurs des droits humains et des journalistes, ayant mené à la suspension des principales organisations de défense des droits humains ainsi que de tous les médias indépendants du pays. Rappelant que la quasi-totalité des représentants des organisations de défense des droits humains ont fui le pays à la suite de menaces, d’actes d’intimidation ou d’attaques et que quatre d’entre eux font l’objet de mandats d’arrêt internationaux, émis par les autorités nationales en octobre 2015. Appelant à la libération immédiate et inconditionnelle de Jean Bigirimana, journaliste pour le groupe de presse indépendant burundais Iwacu, qui aurait été arrêté sans mandat par des éléments du service national de renseignement le vendredi 22 juillet 2016 et qui est toujours porté disparu. Exhortant, à nouveau les autorités burundaises à ouvrir dans les plus brefs délais une enquête indépendante, impartiale et efficace sur la disparition, depuis le 10 décembre 2015, de Marie-Claudette Kwizera, trésorière de la Ligue ITEKA, afin de la localiser et , le cas échéant procéder à sa libération immédiate et inconditionnelle ou fournir les informations sur son sort ;

Rappelant que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a conclu à la suite de ses investigations au Burundi que des violations graves et massives des droits humains ont été commises dans ce pays depuis avril 2015 en grande majorité par les forces de sécurité du gouvernement burundais. Rappelant que la CADHP a recommandé l’établissement de mécanismes d’enquête et de justice afin de tenir pour pénalement responsables les auteurs de violations des droits humains ; Préoccupée par le fait qu’aucune enquête crédible et sérieuse sur les violations graves et massives des droits humains perpétrées depuis avril 2015 n’a été diligentée par les autorités burundaises afin d’identifier et traduire en justice les responsables ;

Saluant la décision de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) d’ouvrir un examen préliminaire le 25 avril 2016 sur la situation prévalant au Burundi depuis avril 2015 ;

Regrettant que le Burundi ait boycotté la deuxième phase de son examen par le Comité des Nations unies contre la torture le 29 juillet 2016 ;

Préoccupée par la détérioration continue de la situation humanitaire au Burundi ; et Rappelant que, d’après le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, depuis avril 2015, près de 274 000 personnes avaient fui le pays au 30 juin dernier pour trouver refuge dans les pays frontaliers, en en Tanzanie, Ouganda, au Rwanda en République démocratique du Congo et en Zambie.

La FIDH, réunie à l’occasion de son 39ème Congrès, Johannesburg, Afrique du Sud :

Appelle les autorités du Burundi à :
S’assurer que les forces de défense et de sécurité mettent immédiatement un terme aux arrestations et détentions arbitraires, exécutions extrajudiciaires, actes de torture, disparitions forcées, violences sexuelles, et autres violations graves des droits humains ; mener, dans les plus brefs délais, des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces afin de traduire en justice les auteurs de ces crimes ;
Libérer toutes les personnes arbitrairement détenues notamment au secret et garantir leur intégrité physique ainsi que leur droit de se faire assister par un défenseur de leur choix ;
S’engager pleinement dans le processus de dialogue inter-burundais mené par la communauté d’Afrique de l’Est sous l’égide de la médiation ougandaise et garantir son effectivité et inclusivité en acceptant l’opposition politique et la société civile indépendante comme interlocuteurs ;
Accepter le déploiement d’une mission internationale d’enquête indépendante chargée de faire la lumière sur les violations des droits humains qui ont lieu au Burundi depuis avril 2015 ;
Mettre un terme immédiat aux attaques, menaces, actes d’intimidation et de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs des droits humains, et des journalistes ; procéder à la libération immédiate de ceux qui sont détenus ;
 Mener, dans les plus brefs délais, des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces sur les cas de ceux qui ont été assassinés ou sont portés disparus afin de traduire les auteurs en justice ;
Ratifier le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples relatifs aux droits des femmes en Afrique, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
Faire la déclaration au titre de l’article 34.6 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples permettant aux individus et aux organisations non gouvernementales de saisir directement la Cour.

Exhorte le Secrétaire général des Nations unies à :
Mettre en œuvre dans les plus brefs délais la décision du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) de déployer « à Bujumbura et dans tout le Burundi un effectif maximum de 228 policiers des Nations unies » chargés de « surveiller les conditions de sécurité et d’appuyer le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans la collecte d’informations sur les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits », conformément à la résolution 2303 du CSNU adoptée le 29 juillet 2016.

Exhorte le Conseil de sécurité des Nations unies à :
Tout mettre en œuvre pour assurer que le gouvernement du Burundi apporte son plein soutien au déploiement au Burundi de la composante de police des Nations unies, conformément à sa résolution 2303 du 29 juillet 2016 ;
Créer une commission internationale d’enquête incriminante chargée d’enquêter sur les violations graves des droits humains commises pendant la crise mandatée par le Secrétaire général des Nations unies et qui recevra l’appui de l’Union africaine ;
Mettre en place un mécanisme de sanctions comprenant des mesures de sanctions individuelles ciblées pour les auteurs présumés de violations graves des droits humains ainsi qu’un embargo sur les armes ;
Conditionner la participation des forces burundaises aux opérations de maintien de la paix au respect des droits fondamentaux par les autorités nationales ;

Appelle l’Union africaine à :
Soutenir le processus de dialogue inter-burundais et tout mettre en œuvre pour garantir son inclusivité et efficacité ;
Assurer, en coordination avec les autorités burundaises, le déploiement immédiat des cent observateurs des droits de l’homme et cent experts militaires, conformément à la décision des chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine prise à l’occasion de son 26ème sommet fin janvier 2016 ;
Renforcer son régime de sanction à l’encontre des personnes et des groupes dont les actions et les propos contribuent à la persistance de la violence et entravent la recherche d’une solution pacifique à la crise ;
Suspendre le Burundi de ses instances dans les cas où les autorités burundaises : poursuivraient les graves violations des droits humains en cours et/ou ne s’engageraient pas pleinement dans le processus de dialogue inter-burundais et ne garantiraient pas son efficacité et inclusivité ;

Appelle la Procureure de la Cour pénale internationale à :
Ouvrir dans les plus brefs délais une enquête sur les crimes commis au Burundi depuis avril 2015 qui relèveraient de la compétence de la Cour ;
Faire des déclarations publiques sur l’état d’avancement de l’examen préliminaire ouvert le 25 mars 2016 et sur les conclusions de cet examen.

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