Burundi : Poursuite du harcèlement judiciaire contre 12 DDH

06/02/2020
Appel urgent

BUR 001 / 0220 / OBS 009
Harcèlement judiciaire
Burundi
6 février 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la FIDH, vous prie d’intervenir dans la situation suivante au Burundi.

Description de la situation :
 
L’Observatoire a été informé de sources fiables de la poursuite du harcèlement judiciaire à l’encontre de douze défenseurs des droits humains burundais, actuellement tous en exil en raison du contexte de répression généralisée des défenseurs des droits humains au Burundi.

Selon les informations reçues, le 4 février 2020, la Cour suprême du Burundi a tenu une audience dans le procès à l’encontre de Me. Armel Niyongere, président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-Burundi), coordinateur de l’Organisation SOS-Torture/Burundi et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT ; Me. Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC) et président du Réseau des citoyens probes (RCP) ; M. Pacifique Nininahazwe, président du Forum pour la conscience et le développement (FOCODE) ; Mme Marguerite Barankitse, présidente et fondatrice de la Maison Shalom ; M. Innocent Muhozi, président de l’Observatoire de la presse au Burundi (OPB) et directeur de la Radio-Télévision Renaissance ; Me. Dieudonné Bashirahishize, président du Collectif des avocats pour la défense des victimes des crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB) ; M. Patrick Nduwimana, journaliste à la Radio Voix d’Amérique (VOA) et ancien directeur de la Radio Bonesha ; M. Bob Rugurika, directeur de la Radio publique africaine (RPA) ; M. Patrick Mitabaro, journaliste à la Radio Inzamba et ancien rédacteur en chef de la Radio Isanganiro ; Mme Anne Niyuhire, journaliste à la Radio Inzamba et ancienne directrice de la Radio Isanganiro ; M. Arcade Havyarimana, journaliste à la Radio Umurisho et ancien journaliste à la Radio Isanganiro ; et M. Gilbert Niyonkuru, ancien journaliste à la RPA. La Cour suprême devrait rendre son délibéré dans les 60 jours.

Les douze défenseurs sont poursuivis dans le cadre du dossier dit RPS 100 pour « insurrection » et « organisation d’un coup d’Etat ». Ils sont en effet accusés d’avoir « directement pris part à l’exécution et/ou coopéré directement à l’exécution de l’attentat dont le but était de changer le régime constitutionnel et d’inciter les citoyens à s’armer contre l’autorité de l’Etat » à Bujumbura les 13 et 14 mai 2015 (fait prévus et punis par les articles 37, alinéa 1 et 586 du Code pénal burundais de 2009) ; « assassiné des militaires, policiers et civils » (article 213 du Code pénal) ; et « méchamment détruit et dégradé plusieurs édifices » (article 322 du Code pénal). La fixation de ce dossier devant la Cour suprême vise notamment à rendre effective la spoliation des biens des douze défenseurs en exil.

Les douze accusés ont en effet été tous contraints à l’exil suite à la grave crise des droits fondamentaux qui a plongé le Burundi après l’annonce en avril 2015 par Pierre Nkurunziza, Président du Burundi, qu’il briguerait un troisième mandat, même si la Constitution du Burundi limite leur nombre à deux. Sa déclaration a été suivie d’une escalade de répressions politiques et de violences, y compris la pratique courante de la torture, des disparitions, des exécutions extra-judiciaires, des arrestations arbitraires et des persécutions. Dans ce contexte de crise, les défenseurs des droits humains du Burundi qui ont dénoncé les violations ou ont cherché à aider des victimes ont subi une campagne d’intimidation sans merci, de harcèlement, d’agressions physiques, de disparations forcées ou d’arrestations sur la base de faux chefs d’accusations, à l’exemple de Germain Rukuki [1]. Certaines ONG ont même été suspendues ou dissoutes [2] et la plupart des avocats renommés défendant les droits humains ont été radiés [3]. C’est pourquoi de nombreux défenseurs ont dû fuir le Burundi.

En raison de leur exil, les accusés n’ont pas été auditionnés par le procureur, et ils sont dans l’impossibilité de comparaître physiquement devant la Cour suprême du Burundi. Par ailleurs, aucun avocat burundais n’a accepté d’assurer leur défense par peur de représailles. L’Observatoire estime par conséquent que le procès à leur encontre n’est pas en mesure de garantir leurs droits de la défense et à un procès équitable.

L’Observatoire exprime sa plus vive inquiétude quant à la poursuite du harcèlement judiciaire à l’encontre des douze défenseurs susmentionnés, qui ne vise qu’à sanctionner leurs activités pacifiques et légitimes de défense des droits humains, et appelle les autorités burundaises à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à leur encontre et celle de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Burundi.

Actions requises :
 
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités burundaises en leur demandant de :
 
i. Mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre des douze défenseurs mentionnés ci-dessus et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Burundi ;

ii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à ses articles 1, 5 (b) et 12.2 ;
 
iii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Burundi.
 
Adresses :
 
• S.E. Pierre Nkurunziza, Président de la République du Burundi. Fax : +257 22 22 74 90
• M. Emmanuel Ntahomvukiye, Ministre de la Défense nationale et des anciens combattants, Fax : +257 22253215 / 22253218, Email : mdnac@yahoo.fr
• M. Alain Guillaume Bunyoni, Ministre de la sécurité publique, Burundi. Fax : + 257 22 24 53 51, Email : mininter@yahoo.fr
• S.E M. Rénovat Tabu, Ambassadeur, Mission permanente de la République du Burundi auprès des Nations unies à Genève, Suisse. Fax : +41 22 732 77 34. Email : mission.burundi217@gmail.com
• Ambassade du Burundi à Bruxelles, Belgique. Fax : +32 2 230 78 83, Email : ambassade.burundi@gmail.com
 
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Burundi dans vos pays respectifs.

***
Genève-Paris, le 6 février 2020

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toute action entreprise en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de l’OMCT et de la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler la ligne d’urgence :
• E-mail : Appeals@fidh-omct.org
• Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
• Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

[1] Cf. déclaration conjointe, Une coalition d’ONG locales et internationales condamne fermement la confirmation en appel de la condamnation du défenseur des droits humains Germain Rukuki et demande sa libération immédiate et inconditionnelle, 25 juillet 2019.
[2] Cf. communiqués de l’Observatoire, 26 octobre 2016 et 4 janvier 2017.
[3] Cf. communiqué de l’Observatoire, 18 janvier 2017.

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