Burundi : État de santé inquiétant de la journaliste Floriane Irangabiye

03/08/2023
Appel urgent
Aboodi Vesakaran via Unsplash

BUR 001 / 0723 / OBS 032
Détention arbitraire /
Détérioration de l’état de santé
Burundi
3 août 2023

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence concernant la situation suivante au Burundi.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de la détention arbitraire, de la condamnation et de la détérioration de l’état de santé de Floriane Irangabiye, journaliste, chroniqueuse et animatrice sur Radio Igicaniro, un média en ligne de réfugié·es burundais qui diffuse des commentaires critiques et des débats sur la politique et la culture burundaises.

Selon son entourage, la santé de Floriane Irangabiye s’est fortement dégradée dans la nuit du 24 au 25 juillet 2023. Mme Irangabiye, qui est actuellement détenue à la prison de Muyinga dans des conditions alarmantes, souffre de crises d’asthme récurrentes, dues notamment à la surpopulation et au manque d’aération des dortoirs, où la chaleur insupportable est exacerbée par les fumées des poêles à bois. Floriane Irangabiye souffre également de problèmes dentaires pour lesquels elle a pu être soignée à l’hôpital de Muyinga le 1er juin dernier. Une demande de transfert à la prison de Bujumbura, où les conditions de détention sont plus conformes aux besoins dus à son état de santé, a été envoyée à la direction des affaires pénitentiaires le 31 mai 2023, sans qu’aucune réponse n’y ait été donnée au moment de la publication de cet Appel Urgent.

L’Observatoire rappelle que Floriane Irangabiye a été arrêtée le 30 août 2022 à Matana, dans le Sud du Burundi, par des agents du Service national du renseignement (SNR), alors qu’elle était entrée dans le pays depuis le Rwanda où elle résidait, pour assister à des funérailles. La journaliste a été emmenée au siège du SNR à Bujumbura, où elle a subi une semaine d’interrogatoire avant d’être placée sous mandat d’arrêt le 8 septembre 2022 et d’être transférée à la prison de Mpimba à Bujumbura. Le 22 septembre 2022, Floriane Irangabiye a été transférée sans raison précise à la prison de Muyinga, à 200 kilomètres de Bujumbura où réside sa famille.

Le 17 novembre 2022, Floriane Irangabiye a été officiellement inculpée par le Tribunal de Grande Instance de Mukaza pour « atteinte à l’intégrité du territoire national » (article 611 du Code pénal burundais). Il lui est notamment reproché d’effectuer fréquemment des aller-retours entre le Rwanda et le Burundi, prétendument afin de récolter des informations dans le but de déstabiliser l’ordre public, d’avoir animé une émission sur la radio Igicaniro en août 2022 incitant la population à mener un mouvement insurrectionnel similaire à celui de 2015, et d’avoir participé à diverses réunions organisées par la société civile burundaise.

Le 2 janvier 2023, le Tribunal de Grande Instance de Mukaza a condamné Floriane Irangabiye à dix ans de prison et une amende d’un million de francs burundais (environ 317 Euros) pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », condamnation confirmée par la Cour d’appel de Mukaza le 2 mai 2023. Le 13 juin 2023, les avocats de Mme Irangabiye se sont pourvus en cassation contre cette décision mais aucune audience n’est prévue à ce jour. Au moment de la publication de cet Appel Urgent, Mme Irangabiye est toujours détenue à la prison de Muyinga.

Outre les mauvaises conditions de détention qui font peser un risque sur sa santé, la sécurité de Floriane Irangabiye n’est pas garantie au sein de la prison de Muyinga. Le 12 janvier 2023, Floriane Irangabiye a subi des menaces de la part d’un codétenu alors qu’elle se trouvait dans la cour commune de la prison. Celui-ci aurait été encouragé par le directeur de la prison. Après avoir été informé de l’incident, le gouverneur de la province de Muyinga s’est rendu à la prison et a exigé le transfert du codétenu mis en cause, sans que cette demande n’ait été suivie d’effets. Le 16 mai 2023, Floriane Irangabiye a été agressée physiquement et verbalement par le directeur de la prison accompagné de quatre policiers et deux personnes en civil munies d’une caméra et d’appareils photos pour enregistrer les images de la scène.

L’Observatoire dénonce la détention arbitraire et la lourde condamnation de Floriane Irangabiye, qui ne semblent viser qu’à la sanctionner pour l’exercice légitime de son droit à la liberté d’expression et pour ses prises de position en faveur des droits humains, et appelle les autorités du Burundi à la libérer immédiatement.

L’Observatoire exprime par ailleurs sa plus vive inquiétude face à la dégradation de l’état de santé en détention de Floriane Irangabiye et enjoint les autorités burundaises à lui donner accès à des soins de santé adéquats et, à cette fin, à la transférer immédiatement à la prison de Bujumbura, où les conditions de détention sont plus favorables à son état de santé.

L’Observatoire appelle enfin les autorités burundaises à garantir le respect du droit à la liberté d’expression, tel que consacré dans plusieurs instruments internationaux de droits humains, et notamment à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités burundaises en leur demandant de :

 Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Floriane Irangabiye, et lui garantir un accès sans entrave à des soins médicaux adéquats, notamment en organisant son transfert rapide vers la prison de Bujumbura ;

 Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de Floriane Irangabiye et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains arbitrairement détenu·es au Burundi ;

 Abandonner toutes les charges à l’encontre de Floriane Irangabiye ;

 Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de Floriane Irangabiye et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Burundi afin qu’ils et elles puissent mener leurs activités quotidiennes et de défense des droits humains librement et sans entrave, ni crainte de représailles ;

 Garantir en toutes circonstances le droit à la liberté d’expression dans le pays, tel que consacré par le droit international des droits humains, et en particulier par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Adresses :

• M. Martin Ninteretse Ministre de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique, Burundi. E-mail : infos@securitepublique.gov.bi
• Mme Domine Banyankimbona, Ministre de la Justice, Email : minjustice@gmail.com/ infos@burundi.justice.gov.bi, Twitter : @JeanineNibizi
• Mme Elisa Nkerabirori, Ambassadrice, Mission permanente de la République du Burundi auprès des Nations unies à Genève, Suisse. Email : mission.burundi217@gmail.com
• M. Thérence Ntahiraja, Ambassadeur du Burundi à Bruxelles, Belgique. Email : ambassade.burundi@gmail.com
• M. Sixte Vigny Nimuraba, Président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme, Burundi, E-mail : cnidh@cnidh.bi

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Burundi dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 3 août 2023

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel. L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

• E-mail : alert@observatoryfordefenders.org
• Tel FIDH : +33 1 43 55 25 18
• Tel. OMCT : +41 22 809 49 39

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