« Les marqueurs d’une généralisation imminente de la violence au Burundi sont réunis : blocage politique persistant, augmentation des actes de torture, des disparitions forcées, des crimes à caractère ethnique et politique, multiplication des charniers, des cas de violences sexuelles ainsi que des mouvements rebelles opérant à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. L’Union africaine doit adopter une réponse robuste à la crise, fondée sur la protection des civils et la reprise du dialogue politique. »
Ces derniers mois, la communauté internationale a cherché à se ressaisir de la crise profonde qui secoue le Burundi. En octobre 2015, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a décidé de renforcer sa présence sur le terrain et l’Union africaine d’enquêter sur les violations des droits de l’homme dans le pays [1]. Le 30 novembre 2015, le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki Moon, a proposé au Conseil de sécurité des Nations Unies trois options pour résoudre la crise au Burundi : une mission de maintien de la paix sous mandat de l’ONU, une mission politique spéciale ou une équipe de soutien chargée de promouvoir un dialogue politique entre gouvernement et opposition, préconisant l’option 3. En conséquence, vendredi 22 janvier dernier, une délégation du Conseil de sécurité s’est rendue à Bujumbura. Le bilan de cette visite : le président burundais Pierre Nkurunziza a réaffirmé son refus d’accueillir dans le pays une mission africaine de prévention et de protection (MAPROBU) [2] des civils et aucune assurance de reprise d’un dialogue effectif et inclusif avec l’opposition et la société civile indépendantes n’a pu être obtenue.
Dans un rapport extrêmement alarmant publié le 15 janvier 2016, le Haut Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, a indiqué que « tous les signaux d’alarme, y compris celui d’une dimension de plus en plus ethnique de la crise, sont en train de virer au rouge »3. Le rapport ajoute que de « nouvelles tendances très préoccupantes [sont] en train d’émerger au Burundi, y compris des violences sexuelles commises par des membres des forces de sécurité et une forte augmentation des disparitions forcées et des tortures ». Pourtant, la communauté internationale n’a toujours pas réussi à enrayer le risque de déclenchement d’un conflit ouvert pouvant mener à la perpétration de crimes de masse [3]. Parallèlement, de plus en plus de rapports font état de la création de groupes rebelles, certains lourdement armés, tels que les Forces Républicaines du Burundi dirigées par le général Godefroid Niyombaré ou la RED-Tabara (Résistance pour un État de droit).
Face à ces constats, la 26ème Conférence des chefs d’État et de gouvernements de l’Union africaine doit adopter un plan d’urgence comprenant une feuille de route de sortie de crise. Cette feuille de route doit prévoir, sous l’égide de l’UA, la reprise rapide, effective et inclusive du dialogue entre les autorités, l’opposition et la société civile. Elle doit également prévoir le déploiement de la MAPROBU, sous le mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies. La mission doit comprendre une composante civile disposant d’un mandat clair de protection des populations civiles et de documentation des violations des droits humains à des fins incriminantes.
« Ce sommet ne peut être une occasion manquée de poser des actes concrets pour résoudre la crise en cours au Burundi, laquelle a déjà fait des centaines de victimes civiles. Tous les yeux sont rivés sur l’Union africaine, qui doit démontrer sa capacité à être un acteur leader dans la prévention et la résolution des conflits et des crises, au Burundi et ailleurs en Afrique. »
Dans une note de position publiée ce jour, la FIDH réitère ses recommandations à l’intention l’Union africaine, qui a choisi l’année 2016 pour être l’année africaine des droits de l’homme, avec un accent particulier sur les droits des femmes. Elle doit en conséquence prendre ses responsabilités et des décisions fortes permettant d’enrayer les cycles de violence et de garantir la sécurité des populations civiles. L’Union africaine doit notamment être activement mobilisée à l’approche des 30 élections – dont 18 élections présidentielles – qui se tiendront dans 21 pays africains 2016 et qui constituent des moments où les risques de violences sont accrus. En Ouganda, à Djibouti ou en République du Congo, des violences à caractère politique ont été documentées par la FIDH et ses organisations membres.
L’UA doit également soutenir la lutte contre l’impunité dans les pays engagés dans des processus de sortie de crise, comme en République centrafricaine et au Soudan du Sud. Elle doit s’engager en faveur de mécanismes de justice qui sont des conditions sinéquanones de la réconciliation et du rétablissement de l’état de droit. Enfin, l’UA, qui a mis un accent particulier sur les droits des femmes en cette année 2016, doit soutenir par des actions robustes les initiatives visant à protéger et promouvoir les droits des femmes en Afrique.