METTRE FIN A L’ENGRENAGE DE LA VIOLENCE

18/05/1999
Communiqué

Depuis la publication du rapport de la Commision d’enquête indépendante sur les circonstances de l’assassinat du journaliste Norbert ZONGO le 13 décembre 1998, les autorités burkinabé semblent entraîner le pays dans un engrenage dangereux. Le pouvoir du " pays de l’homme intègre " serait-il en train de dévoiler une face cachée ?

Le lundi 17 mai 1999 en début d’après-midi, Halidou OUEDRAOGO, Président du MBDHP (Mouvement burkinabé des droits de l’Homme et des Peuples), affilié à la FIDH, Président de l’UIDH (Union interafricaine des droits de l’homme) et Président du Collectif des organisations de masse et partis politiques rassemblant aujourd’hui plus de 40 organisations demandant la vérité sur l’assassinat de Norbert Zongo et les autres crimes impunis, a été interpellé durant presque 2 heures au poste de commandement de la gendarmerie.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, a réagi immédiatement à ce nouvel acte d’intimidation (cf. appel urgent N° BFA001/9905/OBS 001.02). L’Observatoire considère que cette interpellation s’inscrit dans le cadre d’une vaste campagne de harcèlement menée depuis plusieurs mois à l’encontre d’Halidou OUEDRAOGO, ayant pour seul objectif d’entraver ses activités de défenseur des droits de l’Homme.

Lors de son interpellation, Halidou OUEDRAOGO a été informé de l’intention des autorités d’arrêter Hermann YEMAOGO, Président de l’ADF/RDA qui serait considéré comme responsable des mouvements de grève des élèves à Koudougou. Bien qu’Halidou OUEDRAOGO leur ait vivement déconseillé de procéder à une telle arrestation afin de ne pas envenimer une situation déjà très tendue, M. YAMEOGO a été arrêté, et serait à l’heure actuelle, toujours en détention.

Il semble que des menaces pèsent également sur Monsieur Kabou KASSOUM, magistrat, et Président de la commission d’enquête indépendante.
En outre, le 10 mai dernier, le campus de l’Université de Ouagadougou a été investi par les brigades anti-émeutes qui ont procédé à près de 250 arrestations d’étudiants dont il semble que seulement 198 aient été relâchés. Des étudiants de l’Université de Bobo Dioulasso ont également réagi, et des lycéens et collègiens ont entamé des mouvements de grève dans plusieurs villes du pays : Ouagadougou, Koudougou, Po, Banfora, Gaoua, etc... En conséquence, les autorités ont décidé de fermer tous les établissements scolaires et universitaires du pays.

Toutes ces manifestations sont liées à la mort du journaliste Norbert ZONGO, très populaire auprès de la jeunesse du Burkina Faso. Les associations de femmes se sont mobilisées dans tout le pays. Des réactions se manifestent dans toutes les couches de la société burkinabé face à cet assassinat. Les hommes et les femmes intègres du Burkina Faso se révoltent aujourd’hui, par lassitude face aux assassinats et disparitions restés impunis qui se succèdent depuis 10 ans.

Les autorités burkinabé se doivent par conséquent de tout mettre en oeuvre pour que soit mis un terme à l’impunité, quels que soient les auteurs des crimes commis. Si elles souhaitent poursuivre le développement du pays et sauvegarder l’image de marque du Burkina Faso, elles doivent donner suite aux résultats de la commission d’enquête indépendante sur l’assassinat de Norbert ZONGO et tenir l’engagement qu’elles viennent de prendre devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de faire toute la lumière sur les crimes impunis commis au Burkina depuis une dizaine d’années.

La FIDH est vivement préoccupée par le climat de terreur qu’entretiennent manifestement les autorités, et condamne vigoureusement les arrestations arbitraires et les menaces perpétrées contre de nombreux citoyens burkinabé. Elle appelle les autorités à rétablir le calme dans tout le pays, dans le respect des libertés fondamentales garanties par les instruments internationaux ratifiés par le Burkina Faso.

La FIDH appelle également la communauté internationale, et plus particulièrement l’ONU, l’OUA, et l’Union européenne, à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour ramener les autorités burkinabé à la modération.

La violence, les menaces et les arrestations massives ne peuvent en aucun cas être une solution à la crise que traverse actuellement le Burkina Faso. Seules la justice et la lutte contre l’impunité permettront de consolider durablement l’Etat de droit au Burkina Faso.

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