Angola : « Ils veulent que nous restions vulnérables » - Les défenseurs des droits humains sous pression

19/03/2015
Rapport
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Dans un rapport conjoint rendu public aujourd’hui, l’Observatoire et l’Associação Justicia Paz e Democracia (AJPD) dépeignent un environnement où, en Angola, les défenseurs des droits humains et les journalistes sont la cible de harcèlements judiciaires et administratifs, d’actes d’intimidation, de menaces et autres entraves à leurs libertés d’association et d’expression.

La publication de ce rapport intervient alors que le procès du journaliste et défenseur des droits humains, Rafael Marques de Morais, doit s’ouvrir la semaine prochaine à Luanda. Ce rapport est également publié alors que les autorités angolaises viennent de proposer un projet de règlement sur les activités des ONG, lequel, s’il venait à être adopté par le Président dans sa forme actuelle, risquerait de compromettre sérieusement les activités de documentation des violations des droits humains en Angola.

« Les autorités angolaises maintiennent volontairement les défenseurs des droits humains et les journalistes dans une situation de vulnérabilité. Procès inéquitables, harcèlements récurrents, actes d’intimidation et législations restrictives sont les méthodes qui sont habituellement employées par les États qui ne tolèrent aucune opposition. Cette situation doit cesser et les autorités angolaises doivent accepter les voix dissidentes », ont déclaré nos organisations.

Le 24 mars 2015, le procès pour diffamation intenté contre le journaliste Rafael Marques de Morais doit s’ouvrir à Luanda. M. Marques est accusé de diffamation suite à la publication en 2011 de son livre « Blood Diamonds : Corruption and Torture in Angola » dans lequel il dénonce la corruption et les violations des droits humains qui auraient été perpétrées par des agents de l’État et des hommes d’affaires dans l’industrie du diamant. L’Observatoire et l’AJPD appellent les autorités angolaises à abandonner les poursuites pénales pour diffamation qui pèsent contre Rafael Marques et à se conformer aux recommandations régionales et internationales appelant à la dépénalisation de la diffamation et à la protection des actions de défense des droits humains.

«  Rafael Marques est dans le collimateur des autorités depuis plusieurs années. Ce procès est une nouvelle illustration de la volonté du régime d’entraver sa liberté d’expression et de l’empêcher d’enquêter sur les violations des droits humains commises dans le secteur des industries extractives. Comme l’indique notre rapport, les irrégularités de procédure constatées depuis l’inculpation de Marques en janvier 2013, nous interrogent sur le caractère équitable du procès qui doit s’ouvrir dans quelques jours », ont ajouté nos organisations.

Des atteintes récentes contre les défenseurs des droits humains

Le rapport révèle que les défenseurs des droits humains et les journalistes qui travaillent sur des sujets dits « sensibles », comme la corruption, la mauvaise gouvernance, les démolitions et expulsions forcées, ou encore la situation des droits humains dans la province de Cabinda sont les cibles privilégiées des autorités. Des cas récents illustrent clairement cette tendance : dans la province de Cabinda, le 14 mars 2015, la police a arbitrairement arrêté Marcos Mavungo, ancien membre de l’organisation Mpalabanda, et l’avocat Arão Bula Tempo, en amont d’une manifestation prévue le même jour pour dénoncer les violations des droits humains et la mauvaise gouvernance dans la province. Les deux hommes ont été transférés au bureau local des enquêtes criminelles, où ils sont toujours détenus. Le 16 mars, ils ont tous deux été accusés de « sédition ». L’Observatoire et l’AJPD appellent les autorités à procéder à leur libération immédiate et à mettre un terme à ce qui s’apparente à un harcèlement judiciaire en raison de leurs activités de défense des droits humains.

Plus tôt, le 18 février 2015, les bureaux de l’organisation Omunga, basée dans la province de Benguela et connue pour son opposition aux démolitions et expulsions forcées, ont été cambriolés par deux hommes armés, vêtus de tenue militaire, lesquels, après avoir agressé le gardien, ont volé un appareil photo et un téléphone. En dépit de la plainte déposée par José Patrocino, coordinateur d’Omunga, et alors que les membres de l’organisation font régulièrement l’objet d’actes d’intimidation, aucune enquête sérieuse et impartiale n’a pour l’instant été menée par la police. L’Observatoire et l’AJPD sont fortement préoccupés par ces récents événements qui illustrent l’insécurité grandissante dans laquelle opèrent les défenseurs des droits humains en Angola. Nos organisations exhortent les autorités à identifier les auteurs de ce cambriolage et à les traduire devant un tribunal indépendant.

Tentative de restreindre la liberté d’association

Nos organisations expriment par ailleurs leur préoccupation suite à la présentation en février 2015, d’un projet de règlement sur les activités des ONG proposé par le Ministère de l’assistance sociale et de la réinsertion et par le Service de renseignement extérieur. Sous couvert de prévention du terrorisme, le projet de règlement, qui doit être adopté par décret présidentiel, contient plusieurs dispositions qui, si elles devaient être appliquées, risqueraient de compromettre sérieusement le travail des organisations indépendantes de défense des droits humains. Notamment, le projet stipule que les ONG doivent fournir un certificat d’enregistrement pour être autorisées à mener leur activités, sous peine d’être suspendues ou fermées. Or, comme le rappelle le rapport, à ce jour, la majorité des organisations indépendantes de défense des droits humains, dont l’AJPD, n’a pas reçu le certificat en question du Ministère de la justice. Par ailleurs, de nombreuses dispositions de ce règlement impliquent un contrôle renforcé des autorités sur les activités (conception et planification de leur exécution), les comptes (origine des fonds) et sur le gestion interne des ONG (embauche du personnel, achat d’équipement). Ainsi, le règlement prévoit que les ONG doivent obtenir l’accord des autorités avant de mettre en œuvre leurs projets, mener des activités au bénéfice des communautés, ou encore acheter leur équipement exclusivement dans le pays. L’Observatoire et l’AJPD appellent les autorités à ne pas adopter ce règlement qui contrevient aux obligations et engagements internationaux de l’Angola en matière de respect de la liberté d’association.

Nos organisations déplorent le fait que « les obstacles structurels au travail des défenseurs des droits humains en Angola se multiplient depuis de nombreuses années. La procédure d’enregistrement des ONG reste complexe, coûteuse et opaque et le secteur des ONG est paralysé par le manque de ressources humaines et de stabilité financière. Si ce règlement est adopté dans sa forme actuelle, il pourrait simplement mener à l’extinction des organisations indépendantes de défense des droits humains en Angola ».

Télécharger le rapport en anglais : Angola : “They want to keep us vulnerable” - Human Rights Defenders Under Pressure

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (OBS) est un programme créé en 1997 par la FIDH et l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture). Son objectif est d’intervenir pour prévenir ou remédier à des situations précises de répression contre les défenseurs des droits humains.

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