Lancement de la "décennie de la femme africaine" : des droits avant tout !

26/10/2010
Communiqué
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Le constat n’est pas nouveau, la discrimination à l’égard des femmes demeure ancrée en droit et en fait dans la majorité des pays africains. Ces discriminations, les femmes les vivent au quotidien lorsqu’elles se voient refuser l’égalité des droits à l’héritage, à la terre, à la garde de leurs enfants et doivent se soumettre à l’autorité de leur mari ; lorsqu’elles n’ont qu’un accès restreint à l’éducation, aux soins, aux affaires publiques ; lorsqu’elles souffrent de violences domestiques et sexuelles, de pratiques traditionnelles néfastes et peinent à faire valoir leurs droits devant la justice...

Non, le constat ne change pas, il reste tout aussi alarmant et intolérable. Il appelle à l’action. A ce titre, la « Décennie de la Femme africaine » lancée par l’Union africaine à Nairobi (Kenya) le 15 octobre 2010 n’aura véritablement de portée que si elle traduit en actes toutes les recommandations issues des conférences régionales et mondiales, de Dakar à Beijing, depuis plus de 15 ans. Cette décennie, nous aimerions l’appeler « Décennie de l’action pour les droits des femmes africaines ». « Action » et « droits » : deux mots d’ordre pour un programme conduisant à un changement concret. En effet, nous n’aurons de cesse de le rappeler, les engagements des États n’ont de substance que lorsqu’ils sont traduits en droit, par des lois effectives qui protègent les femmes. Si l’on peut se réjouir de voir figurer aujourd’hui cette question au cœur de l’agenda politique, la réussite d’une telle initiative ne se mesurera qu’à l’aune de résultats tangibles : quand les Etats - à commencer par le pays hôte de cette initiative - auront abrogé les lois discriminatoires, et criminalisé toutes les formes de violences à l’égard des femmes...en somme, quand « Egalité » ne sera plus un simple mot, mais bien une réalité.

De telles revendications, sont portées haut et fort depuis des années par les femmes à travers tout le continent africain et relayées par nombre d’organisations de la société civile. Ainsi, la campagne « l’Afrique pour les droits des femmes » [1] et bien d’autres actions à travers le continent mettent en évidence que des réformes législatives concrètes sont attendues. Ces réformes visent l’accès à la justice, à l’éducation, aux soins, à l’emploi, à la terre, au crédit, à la participation des femmes dans les sphères publiques et politiques. Elles doivent mettre fin à toutes les formes de discriminations et de violences à l’égard des femmes. Elles doivent faire de la poursuite et de la condamnation des auteurs de violences sexuelles une priorité. Enfin, elles doivent protéger les droits des femmes en période de conflit, comme l’exige la Résolution 1325 de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, dont nous fêtons le 10ème anniversaire cette année. Ces réformes sont indispensables et urgentes.

D’autant plus urgentes que l’on risque d’assister à de vrais reculs. Le cas malien ne nous incite pas à l’optimisme : les modifications apportées au projet de Code de la famille pourraient aller à l’encontre du principe même d’ égalité des sexes.

Le Kenya, en accueillant cette initiative, doit ouvrir la voie et adopter dans les plus brefs délais deux des principaux textes de protection des droits des femmes : le Protocole de Maputo [2] - dont le parlement vient d’autoriser la ratification - et le Protocole facultatif à la Convention sur l’Élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [3]. Le gouvernement kenyan doit mettre un terme aux discriminations au sein de la famille et à l’impunité des auteurs de violences conjugales. Il doit également assurer un accès à l’éducation de toutes les filles, renforcer la participation des femmes aux postes de décision, assurer leur droit à la propriété et leur accès aux soins.

Cette initiative ne sera effective que si elle accorde une large place aux organisations de la société civile et fait du respect des droits des femmes sa priorité. Les Etats se doivent d’avoir des ambitions à l’échelle des attentes de millions de femmes africaines, le temps est à l’action.

Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH

Maitre Soyata Maïga, Rapporteure spéciale de la CADHP sur les droits des femmes

Moussa Diop, Femmes Africa Solidarité

Kafui Adjamagbo-Johnson, WiLDAF

Muthoni Wanyeki Directrice Executive Kenya Human Rights Commission (KHRC)

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