Égypte : réponse à la stratégie 2022-2027 de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement

22/04/2022
Déclaration
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EBRD/Dermot Doorly / Creative Commons

Le 6 mars 2022, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a publié sa stratégie pays 2022-2027 pour l’Égypte. Les organisations signataires saluent l’observation de la BERD sur la situation des droits humains en Égypte, plus réaliste que celle des évaluation et stratégie précédentes en 2017. Nous apprécions que la BERD reconnaisse la régression frappante des droits humains et de l’état de droit en Égypte et son non-respect manifeste des aspects politiques du mandat de la Banque inscrits dans son article 1.

Dans son rapport sur la consultation publique, la BERD souligne qu’elle « prend au sérieux les défis liés aux principes politiques de l’article 1 » et réaffirme que « ... l’article 1 (...) permet à la Banque de réagir de manière agile aux changements importants de la situation politique des pays d’opérations, conformément au principe "donner plus pour recevoir plus" et "moins d’avantages pour moins d’engagement" ». Sur la base de ce principe, nous demandons à la Banque d’aborder publiquement la détérioration de la situation des droits humains soulignée dans l’évaluation politique de 2022, dans le cadre de la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie.

Nous nous voyons également obligé·es de constater que certaines préoccupations subsistent.
Nous regrettons que le Diagnostic du secteur privé 2022 de la BERD pour l’Égypte ne soit pas disponible sur la page web "Stratégies et politiques" au moment de la rédaction de ce rapport. Nous pensons que le précédent Diagnostic publié en 2017 devrait être révisé pour tenir compte de la nouvelle Stratégie qui reconnaît à juste titre l’importance de s’attaquer à la présence accrue des entreprises publiques dans l’économie égyptienne et des entités affiliées à l’armée. La section de l’Évaluation politique consacrée à la lutte contre la corruption aborde également les « défis liés à la mise en œuvre des législations existantes, à la participation du secteur privé aux décisions affectant l’environnement des affaires et aux processus de passation des marchés » ainsi que les « préoccupations relatives à l’exécution des contrats ».

Nous apprécions que la BERD reconnaisse les problèmes de gouvernance et de transparence de l’Égypte. La BERD devrait également examiner publiquement si ces lacunes contribuent directement à l’incapacité de l’Égypte à atteindre les objectifs économiques clés convenus en 2017.

Nous sommes toutefois préoccupé.e.s par le fait que le langage utilisé pour décrire la crise des droits humains et de l’état de droit reste excessivement diplomatique. Le langage de l’évaluation aurait dû être plus conforme aux documents et déclarations publiés par les organes de l’ONU sur les mêmes questions et, bien que les multiples références aux déclarations des expert·es en droits de l’ONU soient bienvenues, leurs conclusions d’expert·es auraient dû être reflétées de manière plus précise.

Il est regrettable que la BERD n’ait pas inclus une évaluation des questions de droits fondamentaux telles que le droit à la vie, les droits des chrétien·ne·s et des autres minorités religieuses, la liberté d’expression et les droits des femmes et des personnes LGTBQI+. La méthodologie politique de la Banque ne semble pas non plus fournir de critères objectifs et concrets pour évaluer les développements concernant l’état de droit, l’indépendance judiciaire et la situation des réfugié·e·s, des demandeur·ses d’asile et des migrant·e·s en Égypte.

En outre, nous devons réitérer notre regret que la BERD n’ait pas fait référence aux graves violations qui ont eu lieu lors de l’élection présidentielle égyptienne de 2018 dans l’Évaluation politique 2022, notamment en raison de la concentration du pouvoir au sein de l’exécutif égyptien. Nous rappelons que l’Évaluation politique 2017 de l’Égypte a bien mentionné toutes les élections et référendums depuis 2011.

La Banque, dans sa réponse aux préoccupations de la société civile, a déclaré qu’elle s’appuiera principalement sur le « renforcement de la gouvernance  » pour résoudre les problèmes de transparence et de gouvernance qu’elle expose dans l’évaluation politique. Elle souligne qu’ : « à l’avenir, la Banque continuera de coupler ses investissements avec un engagement politique robuste dans tous les secteurs pour contribuer à faciliter, entre autres, une plus grande participation du secteur privé à l’économie et des conditions de concurrence plus équitables, une meilleure gouvernance d’entreprise et économique dans le secteur public, (...) et la formation de nouveaux canaux d’opportunités économiques qui bénéficieront à l’ensemble de la population égyptienne ».

Si nous saluons ces efforts, nous demeurons peu convaincu·es que ces mesures seront suffisantes. Nous insistons pour que la stratégie comprenne les réformes nécessaires des lois répressives, des protections contre le harcèlement des défenseurs des droits humains et des politiques qui favorisent l’existence d’une société civile égyptienne indépendante.

Les assurances de la BERD selon lesquelles elle «  continuera à surveiller la situation en ce qui concerne les principes politiques de l’article 1 et pourra s’engager davantage avec les autorités sur ces questions, le cas échéant » sont effectivement encourageantes. Cependant, nous ne sommes pas d’accord sur le fait qu’il n’est pas du ressort de la Banque de « prescrire des priorités, des actions ou des indicateurs spécifiques dans la sphère politique ». Enfin, nous réitérons notre conviction que la Banque devrait indiquer publiquement comment elle entend remédier à la nette régression de la situation des droits humains en Égypte, comme le souligne sa propre évaluation politique, afin que la BERD respecte son propre mandat politique.

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